La légende raconte que l’Ordre des Frères pontifes, une fraternité de laïcs et religieux du 13e siècle, s’était donné pour tâche de construire, d’entretenir et de protéger des ponts. Ils voulaient ainsi assurer un passage sécuritaire et gratuit aux pèlerins et favoriser les échanges entre des populations divisées par des cours d’eau infranchissables. Ces pontifex (littéralement « faiseurs de ponts ») médiévaux étaient à leur manière des artisans d’unité et de paix. Par leur art, ils étendaient des échanges limités par la nature.
C’est en méditant sur ces moines constructeurs que notre équipe en est venue à mieux comprendre sa propre mission.
Alors que notre monde souffre de plus en plus de fragmentation sociale et idéologique, comment pouvons-nous converser avec tous sans nous sentir écartelés entre « croyants » et « non-croyants », entre « traditionalistes » et « progressistes » ? Après tout, nul ne peut servir deux maitres à la fois.
*
Pour qu’un bateau puisse bien avancer, il ne doit pas plus tanguer à bâbord qu’à tribord. Ce complexe balancement est assuré par une quille profonde, une voile haute, un gouvernail précis et des passagers attentifs les uns aux autres.
Un pont est un chemin, mais un chemin qui permet d’aller au-delà de ce qu’on croyait possible. Que ce soit entre la société et l’Église, la foi et la culture, la gauche et la droite, ou entre Dieu et les hommes, Le Verbe veut édifier des ponts au service de la communion.
Comment atteindre ce délicat équilibre pour que Le Verbe puisse naviguer sur les flots tumultueux de l’océan médiatique ? Où trouver cette juste ligne de flottaison sans chavirer dans la partisanerie, se saborder dans l’insignifiance ou couler dans la censure ?
Cette ligne ouverte et d’écoute, elle nous a été tracée par Lacordaire, qui a dit : « Je ne cherche pas à convaincre d’erreur mon adversaire, mais à m’unir à lui dans une vérité plus haute. »
S’unir dans une vérité plus haute !
Ce n’est pas tant la neutralité et encore moins l’uniformité que nous désirons, mais l’unité. Notre corps social et ecclésial disloqué ne sera rassemblé que par ses articulations. Le Verbe doit donc aussi faire office de conjonction de coordination !
Notre mission consiste à construire des ponts entre des personnes qui sont séparées par des fleuves d’incompréhension et des rivières d’indifférence. Un pont est un chemin, mais un chemin qui permet d’aller au-delà de ce qu’on croyait possible. Que ce soit entre la société et l’Église, la foi et la culture, la gauche et la droite, ou entre Dieu et les hommes, Le Verbe veut édifier des ponts au service de la communion.
C’est pourquoi, dans nos pages, vous trouverez des textes qui vous feront sentir chez vous et d’autres qui vous feront aller chez l’autre. Parfois, vous serez charmés, et d’autres fois étonnés, mais, nous l’espérons, jamais ennuyés. Nos paroles et nos témoins visent à susciter admiration, réflexion et conversion. C’est la vocation même de journaliste chrétien qui nous oblige à cette position, certes inconfortable, mais prophétique.
*
Voilà qui trace quelques traits de notre ligne éditoriale, qui ne se veut ni une ligne de fuite ni une ligne d’attaque, mais une ligne de crête qui pointe vers les cieux.
Inspirée par Frédéric Ozanam, l’amoureux des pauvres et des lettres, cette ligne de transmission se résume en trois mots : vérité, beauté et bonté.
La vérité de la raison et de la foi.
La beauté de la langue et de l’image.
La bonté des intentions et du ton.
Ce triptyque métaphysique appelle à son tour trois attitudes théologales : intelligence, humilité et charité.
L’intelligence du message.
L’humilité du messager.
La charité à l’endroit des interlocuteurs.
C’est ainsi que nous espérons construire des ponts de toutes sortes : pont-levis, suspendus, en arc, flottants ou tournants. Peu importe, pourvu qu’ils nous permettent de traverser les ravins de la mort et de soutenir cette culture de la rencontre et de la vie si chère au pape François et à ses prédécesseurs.
Bâtir des ponts plutôt que polariser, voilà notre ligne de mire.
Car notre monde a un urgent besoin d’un nouvel Ordre de pontifes.
La rédaction.