Hiroshima
Le dôme de Genbaku à Hiroshima, là où la bombe est tombée. Photo: Wikicommons

Hiroshima: le feu qui dévore

6 aout 1945. 8 heures, 16 minutes et 2 secondes. Le feu atomique rase instantanément les trois quarts des bâtiments de la ville d’Hiroshima, au Japon. 75 000 personnes, presque toutes des civils, meurent sur le coup. 50 000 autres vont mourir des conséquences de blessures diverses et de l’exposition aux radiations dans les trois semaines suivantes.

Jamais dans notre histoire multimillénaire l’humain n’avait causé une telle destruction. Le choc est tellement fort qu’il ne reste absolument aucune trace des bâtiments et des gens qui se trouvaient dans un diamètre de 500 mètres du point d’impact.

Vous avez bien lu, 500 mètres, un demi-kilomètre (un tiers de miles si vous êtes plus vieux). Pour vous donner un ordre de grandeur facile à visualiser, c’est presque 10 minutes de marche au pas moyen d’un être humain. Et tout s’est volatilisé. 

Pas de ruines, pas de cadavres. Rien. Le néant. Comme si la ville et ses habitants avaient disparu en un vengeur claquement de doigts divin.

Vers la bombe atomique

Mais cet épisode de désolation n’a pas été initié par de quelconques dieux.

C’est le président et le haut commandement militaire américains qui ont pris la décision. Il fallait donner un grand coup pour casser la volonté des Japonais à se battre et, surtout, pour éviter des milliers de morts américains supplémentaires. Parce que, quoiqu’en disent nos histoires de guerres qui n’insistent bien souvent que sur les Allemands, les Japonais aussi étaient de féroces combattants.

Les blessés et les morts américains se comptaient par milliers chaque fois qu’Oncle Sam réussissait à prendre une ile grosse comme une noisette à l’Empire du soleil levant. Iwo Jima, Guam, Guadalcanal, les Philippines, les iles Salomon ont toutes été conquises au prix de milliers de vies. 

Le problème est que, des iles dans le pacifique il y en a des tonnes, une vraie cargaison de noisettes. Et elles étaient toutes bourrées de soldats japonais préférant mourir plutôt que de se rendre dans le déshonneur, bushido oblige. 

En somme, dans les deux camps, le raisonnement était le même : la vie des nôtres vaut plus qu’une vie ennemie, et ce, malgré une humanité commune qui a été sciemment reléguée aux oubliettes à coup de propagande depuis six ans. 

L’imbécilité de la guerre à son paroxysme.

À ceux qui hésitaient à se battre, on ne manquait pas de rappeler les atrocités commises par le camp d’en face. Comme on ne développe pas des armes, en temps de guerre, pour les laisser dans les placards, il était naturel pour les alliés de se servir de l’arme atomique. Et n’allez surtout pas penser que les puissances de l’axe auraient hésité avoir eu la même opportunité technologique… 

Posséder le pouvoir divin

Étonnamment, après le bombardement atomique du 6 aout, les autorités japonaises se sont murées dans le silence le plus complet. Il n’y a eu aucune réaction officielle et encore bien moins de tentative de joindre le camp allié pour négocier. Même que, trois jours plus tard, le matin du 9 aout 1945, les tramways circulaient à nouveau dans les rues d’Hiroshima. On tentait péniblement de retourner à une vie normale. C’est tout dire de la résilience du peuple japonais devant l’épreuve. 

Une seconde attaque nucléaire suivra presque au même moment sur la ville de Nagasaki. Le scénario sera exactement le même que trois jours plus tôt : une destruction aux proportions bibliques. Ce qui mènera, le 15 aout, à la capitulation de l’Empereur Hirohito et à la fin du conflit.

Peu après la guerre, les Soviétiques – les nouveaux ennemis de l’Occident – ont aussi réussi à développer la bombe atomique. La guerre froide nous a fait entrer dans l’ère de l’équilibre de la terreur. Une joyeuse époque qui, dans une certaine mesure, est encore la nôtre, puisqu’on ne sait jamais quand un hurluberlu prendra la décision de déclencher l’apocalypse.

Car là est bien le problème : la technologie nucléaire s’est tellement perfectionnée que l’arsenal existant présentement sur terre est suffisant pour détruire toute forme de vie sur notre planète.  

Depuis 1945, l’apocalypse n’est malheureusement plus une prérogative divine car, comme Dieu dans la Bible, l’homme possède désormais le feu qui dévore (Ps 96, 3).


Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.