education-pédagogie-enfant
Photo: Caleb Woods/Unsplash

Chaque enfant est une oeuvre d’art

Quelle est la nature de la relation entre pédagogie et foi? Sont-elles si éloignées l’une de l’autre? Sans contester la laïcité de nos institutions, ne pourrait-on pas concevoir un terreau permettant d’enseigner aux enfants des apprentissages très concrets, mais tout aussi fertile pour qu’il s’ouvre au dialogue avec Dieu? Déjà, dans la tornade de la sécularisation des écoles, à la fin du 19e siècle, Charlotte Mason et Maria Montessori, deux femmes convaincues de la possibilité d’une telle chose, ont fait entendre leur voix.

Est-ce que la foi et la pédagogie sont deux vases clos, indépendants en tous points? Après tout, avoir la foi, mettre toute son espérance en Dieu, cela induit une vision de l’enfant, du bonheur qu’il peut trouver ici-bas et au-delà et de la manière d’y arriver.

La pédagogie, ou l’école pour être précis, porte aussi une vision de l’enfant et se construit également autour d’un sens que l’on donne à l’existence.

Deux femmes de foi

D’un côté, Charlotte Mason (1842-1923), enseignante britannique. Fille unique, elle a été scolarisée à la maison une bonne partie de son enfance. Sa pensée a principalement trouvé écho dans les mouvements d’école-maison, en Angleterre comme ailleurs.

De l’autre, Maria Montessori (1870-1952), médecin et pédagogue italienne. Elle aussi enfant unique, elle est issue d’une famille aisée du nord de l’Italie. Sa philosophie d’enseignement est à l’origine d’un mouvement important de création d’écoles Montessori à travers le monde (plus de 20 000).

Écoutez une des chroniques de Thomas Plouffe sur Charlotte Mason à On n’est pas du monde.

Ces deux femmes ont établi les bases de pédagogies fortes qui encore aujourd’hui font office de références dans bien des courants alternatifs (et réguliers!) en éducation.

Certes de nos jours édulcorée ou réinterprétée à la sauce moderne, leur pensée avait à l’origine la prétention de vouloir mieux concilier foi et pédagogie. S’y pencher, en se concentrant sur les éléments communs, permet de mieux comprendre comment rallier les deux dans une vision de l’apprentissage.

Une source et non un vase

Selon Mason et Montessori, l’enfant nait d’abord et avant tout unique, compétent, curieux, avide d’apprentissages. Il n’est donc pas un réceptacle, un sac à remplir d’idées ou une cruche dans laquelle on transvidera des savoirs prédéfinis.

Dans les mots de Montessori:

«L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais bien une source qu’on laisse jaillir. […] L’animal est comme l’objet fabriqué en série; chaque individu reproduit aussitôt les caractères uniformes fixés pour toute l’espèce. L’homme, au contraire, est comme l’objet fait à la main: chacun est différent, chacun a son propre esprit créateur qui fait de lui une œuvre d’art de la nature.»


Ceci est un extrait du texte paru dans le numéro Éducation du magazine Le Verbe, automne 2019. Pour lire tout l’article, cliquez ici. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.


Dans les mots de Mason:

«L’esprit de l’enfant […] est un organisme spirituel, avec un appétit naturel pour la connaissance. […] Une telle doctrine, que l’esprit est un réceptacle, étend le stress de l’éducation (la préparation de la connaissance en petits morceaux dument préparés) sur le professeur. Les enfants éduqués selon ces principes risquent de recevoir beaucoup d’enseignement, mais peu de connaissances.»

Apprendre par l’expérience

C’est donc par l’expérience (souvent évoquée à l’aide du concept de «travail») que l’enfant apprend pour le long terme.

Assurément, c’est motivé par son désir ardent de comprendre et d’interagir avec les autres que l’enfant commence à communiquer et à marcher. Mais grâce à l’expérience soutenue, à son travail acharné, par ses multiples essais et erreurs, ses chutes à répétition, l’enfant enracine ces apprentissages dans sa réalité concrète et les garde actifs.

Aucun adulte n’aura eu besoin de lui enseigner explicitement ces éléments.

La meilleure chose à faire aura été de l’exposer à une langue riche et variée (et non pas simplifiée pour lui…) ou encore à des occasions où il aura la liberté de prendre des risques à sa mesure. Il en va de même pour les autres savoirs et connaissances.

Si les applications de ce principe diffèrent entre Mason et Montessori, les deux sont en revanche du même avis quant à l’importance de laisser une grande part de liberté à l’enfant, une liberté nécessaire au développement de son autonomie. L’enfant doit pouvoir, par lui-même et à répétition, expérimenter, manipuler, mélanger, détruire, briser et reconstruire, pour acquérir des connaissances.

Thomas Plouffe

Thomas Plouffe est doctorant en psychopédagogie et chargé de cours à l’Université Laval. Il a huit flèches dans son carquois. Toutes ses bonnes idées lui viennent de sa femme, surtout celle de la laisser écrire son mot de présentation.