Guerre totale à l’exploitation sexuelle

Le Canada, « plaque tournante de l’exploitation sexuelle »? Montréal, « Bangkok de l’Ouest »? Ces tristes épitaphes, qui ressurgissent actuellement dans la sphère publique, ont de quoi nous faire réfléchir sérieusement. C’est d’ailleurs ce que compte faire la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs récemment mandatée par le gouvernement québécois.  Alors qu’elle a débuté ses travaux dernièrement , on peut se demander si elle sera à la hauteur de l’urgence morale qui se dévoile devant nous.

Il faut saluer la décision de la CAQ, sous l’initiative de plusieurs députés, d’avoir créé cette commission. Elle suscitera nécessairement des discussions difficiles.

Vous remarquerez que le mandat de la Commission est assez délimité : l’exploitation sexuelle des mineurs. Cela n’est pas sans raison, puisqu’au Canada, près de 40% des victimes de la traite humaine en sont.

Les manchettes confirment régulièrement l’existence de ce fléau.

De jeunes adolescentes, après avoir fugué ou séjourné dans un Centre jeunesse, sont séduites par un proxénète, puis exploitées.

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Le cas du Centre jeunesse de Laval, où ce scénario s’est répété à plus d’une reprise, est dramatique. Les membres de la Commission ont d’ailleurs été fortement ébranlés par le témoignage sombre d’une victime.

Traquer les proxénètes, donc, mais aussi les clients qui constituent la demande, plusieurs étant des touristes en visite ou des habitants du Canada anglais.

S’en prendre à la racine

Mais au-delà des moyens particuliers, les membres de la Commission auront-ils le courage de s’attaquer aux phénomènes sociétaux qui favorisent l’exploitation sexuelle?

La catégorie « adolescents » est depuis six ans au top des recherches pornographiques.

Au premier chef, la pornographie, dont la consommation prend une ampleur endémique. Quelques statistiques :

Au Québec, au moins deux tiers des adolescents auront visionné de la pornographie à la fin de leur secondaire, beaucoup quotidiennement ; les sites pornographiques reçoivent plus de visiteurs que Netflix, Amazon et Twitter combinés; la catégorie « adolescents » est depuis six ans au top des recherches pornographiques.

Ces statistiques sont graves.

De nombreuses études démontrent les effets néfastes de la pornographie sur les consommateurs: anxiété, dépression, diminution des capacités cognitives, etc.). Il y en aussi sur la société en général (violence, diminution du respect porté aux femmes et… hausse de la demande pour des services sexuels).

Surtout, la pornographie repose entièrement sur l’exploitation du corps à des fins pécuniaires.

Alors que la prostitution est illégale ou partiellement illégale (comme au Canada), il serait temps de prendre acte du lien entre pornographie et prostitution.

Ces chiffres sont effarants et on peut se demander pourquoi nos sociétés ferment les yeux la plupart du temps sur le phénomène.

Dans une étude impliquant 854 femmes issues du milieu de la prostitution dans 9 pays, 49% d’entre elles ont affirmé avoir été impliquées dans la production de pornographie et 47% ont dit avoir été violentées par des hommes voulant reproduire des scènes pornographiques.

Ces chiffres sont effarants et on peut se demander pourquoi nos sociétés ferment les yeux la plupart du temps sur le phénomène.

Une culture pornographique

Au-delà d’un certain libéralisme mal compris où les interdits sont chose taboue, mentionnons le développement de ce qu’on pourrait nommer une culture pornographique.

« Sexy is the new cool », croit-on entendre en visionnant les clips des pop stars américaines ou les photos Instagram (ou autres plateformes) de mannequins internationaux semi-dénudé(e)s.

Tout cela tombe bien, car le sexe fait vendre!

Dans la culture pornographique, l’argent et la performance sexuelle vous assurent la notoriété et l’envie flatteuse de vos milliers de « suiveux ».

Nourrie du matérialisme ambiant, cette culture confère à la jouissance le statut d’un saint Graal, une quête incessante qu’il faut poursuivre chaque vendredi soir (sans oublier les jeudis et les samedis).

Pour enrayer les rouages crasseux de l’exploitation, il nous faut maintenant vivre une autre révolution sexuelle, fondée sur l’amour et la signification profonde du corps.

Serons-nous étonnés alors d’apprendre que de plus en plus de jeunes filles se tournent de plein gré vers des proxénètes?

On ne peut que le constater : la révolution sexuelle fondée sur l’autonomie a ses limites.

Pour enrayer les rouages crasseux de l’exploitation, il nous faut maintenant vivre une autre révolution sexuelle, fondée sur l’amour et la signification profonde du corps.

Ce sera ensuite une véritable lutte collective qui nous attendra.

Espérons que les Québécois et leurs dirigeants poseront les bonnes questions et n’auront pas peur des vraies réponses.


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Maxime Huot-Couture

Maxime œuvre en développement communautaire dans la région de Québec. Il a complété des études supérieures en science politique et en philosophie, en plus de stages à l'Assemblée nationale et à l'Institut Cardus (Ontario). Il siège sur notre conseil éditorial.