Depuis son élection, le pape François ne cesse de surprendre la planète par son style personnel très marqué. Pour employer la célèbre formule du Concile Vatican II, le pape François évangélise gestis verbisque (en parole et en acte). Ces mots, qui furent également prononcés dans le discours de Barack Obama lors du passage du pape François à la Maison Blanche, expliquent à eux seuls l’immense succès, à tout le moins selon nos pauvres lunettes médiatiques, que remporte notre bienaimé pape.
Selon moi, ce succès, dont l’accueil très positif des médias américains est un signe éclatant, est dû au fait que François répond pleinement à deux valeurs fondamentales de notre époque : l’authenticité et l’amour du mouvement.
Un pape qui fait ce qu’il dit
Dans son traité De Veritate, saint Thomas d’Aquin propose trois différents sens du mot « vérité ». L’un d’entre eux est très intéressant puisqu’il nous éclaire sur ce qui se passe en ce moment.
Citant saint Hilaire, le Docteur Angélique affirme que « Le vrai fait clairement voir l’être, et le manifeste » (Q.1, a.1). Ainsi, lorsque Jésus affirme être « le chemin, la vérité et la vie », il indique, entre autres choses, qu’il est Celui qui manifeste pleinement et clairement ce qu’Il Est : le Verbe en Personne. En ce sens, le pape François a compris que s’il voulait être écouté par notre monde, il devait non seulement être cohérent avec les évangiles, mais également avec ce qui allait être perçu comme tel.
J’en ai personnellement fait plusieurs fois l’expérience. Souvent, il m’est arrivé de discuter avec des gens qui considéraient l’Église comme une Institution riche qui, pour être cohérente avec son message, devrait vendre le Vatican, etc.
Peu importe la solidité de mes arguments en faveur du mécénat et du rôle irremplaçable de l’Église dans le développement artistique occidental, rien à faire : l’Église était déjà jugée et condamnée.
Comment donc rejoindre ces personnes ?
Je crois que la réponse se trouve dans l’attitude du pape François. De par le choix de ses priorités, le Pape a choisi une voie conforme non seulement à l’Évangile, ce que les papes précédents avaient également fait, mais aussi à ce qui était le plus apte à être considéré comme tel. De là sa popularité et sa capacité à rejoindre une grande quantité de gens apriori réfractaires à l’Église.
Une Église en mouvement
Une deuxième caractéristique du pontificat du pape François est qu’il a réussi à briser un préjugé tenace contre l’Église en révélant au monde une vérité ma foi, très traditionnelle : Ecclesia Semper reformanda « l’Église est toujours en réforme ».
Ce préjugé était d’autant plus tenace qu’il se frappait sans arrêt à l’amour exacerbé du mouvement qui est une spécificité de notre époque. Selon moi, cette répugnance qu’ont nos contemporains pour tout ce qui est statique n’est pas nécessairement une qualité.
Qui plus est, je crois que cela est une conséquence sociale et psychologique de la société de consommation qui nous a habitués au changement continuel pour augmenter la consommation et les profits. Toutefois, s’attaquer de front à cette attitude ne semble pas avoir été la voie choisie par le pape.
Dès le début de son pontificat, François a voulu une Église en sortie, une Église capable de rejoindre les périphéries c’est-à-dire que l’Église puisse aller à la rencontre de tous en détruisant tous les murs que nous avons pu construire et qui sont des obstacles à sa mission. En ce sens, François répondait clairement aux attentes de notre monde qui est réfractaire à tout ce qui est statique.
Notre monde n’est pas un monde rationnel où l’on peut être écouté que grâce à la rigueur des arguments avancés.
Il a su faire comprendre que l’Église est, comme tout le monde, en chemin; qu’elle ne peut être conçue comme une utopie morale ou sociale et qu’elle ne peut servir de refuge qu’aux pécheurs et non aux idéologies. Coup de maitre que d’avoir réussi à correspondre aux légitimes attentes de nos contemporains en leur faisant comprendre cette vérité aussi traditionnelle qu’immobile !
Notre monde n’est pas un monde rationnel où l’on peut être écouté que grâce à la rigueur des arguments avancés. Cette réalité, tragique selon moi, ne doit pas nous décourager de notre mission essentielle qui est, comme l’affirme le Droit canonique, « le salut des âmes [et] qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême (Can 1752) ».
Chercher dans la culture de masse le bien par lequel la multitude pourra redécouvrir la miséricorde de Dieu, tel est le leitmotiv de François et telle est la mission à laquelle nous sommes invités.