Un article de Véronique Benoit
Fondatrice et directrice de l’école de musique Le Jardin Musical à Longueuil, Émilie Bélanger se nourrit des contacts humains et de violon ; la musique fait partie intégrante de sa vie. Que le chant choral l’ait fait voyager en Autriche, en République tchèque et aussi à New York (au mythique Carnegie Hall), n’est qu’un fait saillant de son expérience. De même que d’avoir partagé la scène avec Gregory Charles, Florence K, Debbie Lynch-White et Jorane. Le Verbe l’a rencontrée afin de mieux comprendre son rapport à son art, la force de la musique et son souci d’autrui.
Enseignante et musicienne passionnée, c’est le moins que l’on puisse dire pour la caractériser : « La chaleur humaine d’Émilie transperce l’écran », commentait tout heureux le parent d’une jeune élève qui participait à l’un de ses cours d’éveil musical diffusés en direct via la page Facebook de l’école.
La pandémie lui a permis d’explorer de nouvelles possibilités, soit les concerts virtuels : « “Ce n’est pas pareil”, diront plusieurs. Cependant, pour certains, s’enregistrer plutôt que de jouer directement devant public a été une opportunité afin d’apprivoiser le regard des autres. Dans d’autres cas, cela permet aux élèves de profiter pleinement, pour une fois, du moment présent, sans stress et inconfort.»
« On chante toujours mieux en groupe que seul, c’est prouvé. Le sentiment de confiance fait mieux sonner notre voix. »
Lorsqu’on lui demande ce qui l’émerveille dans le chant choral, elle nous parle de dignité humaine :
« On chante quelque chose de concret, on a une partition qui a été calculée pour que chacun soit en son temps. Quand on le fait, il se passe quelque chose de plus grand qu’on ne pourrait pas vivre seul. Ce que j’aime beaucoup, c’est qu’on est tous essentiels. On ne peut pas juste chanter, il faut être à l’écoute.
« On chante toujours mieux en groupe que seul, c’est prouvé. Le sentiment de confiance fait mieux sonner notre voix. Les petits défauts, on ne les perçoit plus parce qu’ils se mélangent. Donc on n’a pas besoin d’être parfaits. »
Un langage à la portée de tous
Derrière l’instrument, il y a l’être humain. Le Jardin Musical tente aussi de le mettre en valeur en usant d’un mélange de pédagogie musicale et de musicothérapie. Que ce soit pour apaiser un bébé ou faire réaliser à des ainés leur rêve enfoui d’apprendre le piano ou le violon, les cours sont adaptés pour les différents milieux de vie, conditions physiques ou cognitives.
Ayant un enfant atteint d’un trouble de l’autisme, Émilie n’oublie surtout pas ceux qui ont des besoins particuliers : chacun va à son rythme au plan technique, comportemental et langagier.
Chez elle, l’amour de la musique apparait comme indissociable de l’amour du prochain. D’ailleurs, elle dit mijoter un projet qui s’appellerait Le chœur de la terre :
« J’aimerais utiliser la musique, la chorale comme moyen d’intégration et de communion avec de nouveaux arrivants. Parce que la musique va au-delà, c’est un autre langage où on peut tous s’entendre. Elle amène le sentiment qu’on n’est pas seul. La musique a un côté spirituel, mais elle a besoin d’humains pour se mettre en œuvre ! »
Selon elle, le chant serait venu avant le langage. En ce sens, la musique serait déjà au-dedans de nous avant la pensée et même avant la parole. C’est pour cette raison qu’elle désire l’amener à tout le monde, « juste pour la révéler, la réveiller. Les êtres humains ont fait de la musique avant que les conservatoires existent ! C’est là, c’est accessible. Autant en profiter ! »
Prendre le temps de s’accorder
Cette année, la mère de deux jeunes enfants fait l’école à la maison. En considérant son travail, l’ensemble de ses passions et sa vie familiale déjà bien remplie, on se demande légitimement quel est son secret :
« Si je fais un parallèle avec la musique, plusieurs notes en même temps peuvent sembler dissonantes. Cependant, si on choisit les bonnes, on peut les jouer ensemble, elles peuvent être harmonieuses ! Je pense que ma vie se compose de choix qui ont du sens avec qui je suis. J’apprends à me connaitre. L’intériorité est importante : je prends toujours 30 secondes, une minute, pour m’accorder, pour voir l’état d’esprit dont j’ai besoin. Je n’embarque pas tout de suite dans ce que j’ai à faire. »
Elle n’est pas sans savoir qu’il existe toutefois des écueils.
Alors qu’elle amorçait ses études universitaires, des problèmes musculaires dus à un haut niveau de stress ainsi qu’à de mauvaises postures et habitudes de pratique l’ont contrainte à cesser de jouer de son instrument favori, le violon, durant une année complète. Souffrir démesurément l’a forcée à se questionner, à effectuer elle-même des recherches et bien sûr à consulter plusieurs spécialistes. Pour s’en délivrer, il lui a fallu y aller progressivement en repartant de zéro. Un crescendo d’une durée de sept ans.
Émilie ne manque pas d’aborder aujourd’hui la douleur des musiciens dans ses écrits ou ses conférences : « Il existe d’autres chemins que de se taire et d’endurer ou encore de tout abandonner. Celui de la prévention, d’en parler quand on a mal, celui de trouver des solutions et de se respecter. »
Alors qu’elle pensait mettre en vente Le Jardin Musical, Émilie a su trouver une alternative en surmontant sa réticence à déléguer : elle vient tout juste d’engager deux codirectrices.
Parce que, comme elle le disait si bien : « On chante toujours mieux en groupe que seul. »