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Crédit pour toutes les photos de cet article: Valérie Laflamme-Caron.

Les enfants qui aident les enfants

Parce que leur pays s’est développé au point où l’on parle maintenant de « miracle africain », le Rwanda est aujourd’hui une terre d’asile pour près de 150 000 réfugiés. Au moyen d’un camp de jour organisé par l’Enfance missionnaire, les jeunes du diocèse de Byumba participent activement à intégrer leurs camarades d’origine congolaise. 

De novembre à janvier, ils sont quelques centaines à se regrouper chaque semaine pour vivre des activités ludiques et éducatives. Chaque rassemblement débute par une prière pour tous les enfants du monde. Comme au Canada, des jeux et des cris de ralliement marquent le quotidien du camp. Le groupe entame avec enthousiasme un chant thème : « Nous sommes vêtus de fraternité et d’espérance, le résultat de notre éducation. »

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Créer des liens

Quand on demande au père Élie Hatangimbabazi, directeur national des Œuvres pontificales missionnaires, de décrire le peuple rwandais, il n’hésite pas : « Discret et résilient. » 

Le Rwanda est une nation jeune. En 2014, l’âge moyen y était de 19 ans. Cette génération est née des cendres du génocide perpétré par des milices et aussi par des civils armés. Ces meurtres de masse ont été rendus possibles par une propagande hargneuse et violente. Les victimes y étaient décrites comme des cafards, de la vermine à éliminer. La manœuvre faisait partie d’un plan élaboré dans le but de provoquer une « seconde apocalypse ».

Après les collines vers lesquelles les gens ont tenté de fuir, c’est dans les églises que le plus de personnes ont été tuées. Aujourd’hui, plusieurs lieux de culte ont un mémorial en souvenir de ces victimes. Ces églises n’en sont pas moins vivantes, régénérées par des communautés ouvertes et engagées.

Sœur Épiphanie Mukabyagaju

Par-delà les drames et les difficultés de la vie quotidienne, l’Enfance missionnaire arrive à mobiliser les petits comme les grands, qui sont nombreux à s’impliquer dans la réalisation du camp de jour. Sœur Épiphanie Mukabyagaju, coordonnatrice locale, est investie corps et âme dans la réussite de ce programme. Elle participe à la création de matériel pédagogique, à la recherche de commandites et à la formation des animateurs. 

« On veut conscientiser les enfants dès le plus jeune âge afin qu’ils se sentent sujets de droit et soient capables de se protéger eux-mêmes et de prendre soin des autres. »

Père Élie Hatangimbabazi, directeur national des Œuvres pontificales missionnaires

Ces responsables sont des paroissiens bénévoles aux différents profils. Marthe Ugirinda, par exemple, est née au Rwanda, où elle travaille comme enseignante. Thelesphore Kaburame, quant à lui, a fui la République démocratique du Congo en 2005 avec cinq membres de sa famille. Ils sont arrivés les mains vides au camp Nyabiheke, où ils demeurent depuis. Thelesphore s’implique depuis 2012 dans l’Enfance missionnaire afin que les enfants puissent « suivre un droit chemin ».

Changer les mentalités

Sœur Épiphanie a vu apparaitre des fruits inattendus de ce camp de jour, qui avait pour objectif d’intégrer les enfants des camps de réfugiés aux activités de la paroisse : 

« Les sorties effectuées ont permis aux enfants des camps de connaitre d’autres réalités. Ils se sont fait de nouveaux amis avec qui ils peuvent échanger. Quand nous soulignons la journée de l’Enfance missionnaire, plusieurs enfants partagent le fruit de leurs champs avec les enfants réfugiés. Aussi peu que ce soit, ce geste révèle la compassion des enfants envers les autres. »

Ginette Côté de Mond’Ami recevant un certificat de reconnaissance.

Malgré l’ampleur de la tâche qui repose sur ses épaules, sœur Épiphanie connait chaque enfant par son nom. Elle les présente à Ginette Côté, son homologue canadienne, venue sur place pour voir comment les jeunes Canadiens pourraient eux aussi contribuer à soutenir ces réfugiés. 

Sœur Épiphanie s’assure que chaque nom soit noté correctement : « Florence Wineza, qui signifie “bonté du cœur”. Elle s’appelle Sandrine Mushimymana, ça veut dire “je rends grâce”. Voici Deplhine Munezero, qu’on traduit par “joyeuse”. La dernière, c’est Valentine Dorineza. Ça signifie “faire du bien”. » Les quatre jeunes filles sont nées au camp Gihembe, où elles habitent toujours. À ce jour, 75 % des réfugiés accueillis au Rwanda sont des femmes et des enfants.

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Cet article provient du numéro spécial Exil. Cliquez ici pour consulter la version originale.


C’est un véritable travail de transformation de la culture qui se poursuit dans les paroisses rwandaises. Dans les programmes de l’Enfance missionnaire, on insiste autant sur la dignité d’autrui que sur celle de soi-même. Le père Élie explique pourquoi la notion de droit de l’enfant est mise de l’avant : 

« Comme Église, on s’appuie sur l’Évangile. Jésus nous dit de nous aimer les uns les autres. On souhaite envoyer le message selon lequel la pauvreté ne peut pas être un prétexte pour vulnérabiliser les enfants. On veut conscientiser les enfants dès le plus jeune âge afin qu’ils se sentent sujets de droit et soient capables de se protéger eux-mêmes et de prendre soin des autres. »

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Ce que l’Église a à offrir

Chaque année, un nombre croissant d’enfants réfugiés aimeraient participer au camp de jour. Le père Alfred Rutagengwa, très impliqué auprès des jeunes, se sent souvent impuissant. Avec son équipe, il doit solliciter des dons pour tout : le matériel requis pour les jeux, les collations offertes durant le camp de jour, les vélos fournis aux animateurs afin de faciliter leurs déplacements. 

« On voit que la paix ne revient pas, que les aides diminuent. On voudrait suivre les enfants de façon plus soutenue, mais la plupart du temps, on ne peut pas. Quand les enfants participent à nos activités, ils viennent pour se défouler, jouer, chanter et danser. Mais après… ils retournent au camp. On offre ce qu’on peut, au jour le jour. On évite d’y penser. Est-ce qu’on s’en fout ? On ne sait pas de quoi sera fait demain. Le seul qui le saura, c’est celui qui pourra rester debout et attendre. L’Évangile donne la force de persévérer dans cette lutte de l’attente. »

Après le génocide, on a fait la promotion au Rwanda de la notion d’ubumuntu, qui signifie « grandeur d’âme ». Pour inspirer les enfants canadiens à s’engager, Ginette pourra s’appuyer sur l’exemple des Rwandais, qui ont été les premiers à puiser dans leurs menues ressources pour soutenir leurs voisins.

Elle leur racontera comment, au pays des mille collines, les enfants aident les enfants.


Ce projet de reportage a été rendu possible grâce à un partenariat avec les Œuvres pontificales missionnaires du Canada. Cliquez ici pour en savoir davantage sur leur mission.


Valérie Laflamme-Caron

Valérie Laflamme-Caron est formée en anthropologie et en théologie. Elle anime présentement la pastorale dans une école secondaire de la région de Québec. Elle aime traiter des enjeux qui traversent le Québec contemporain avec un langage qui mobilise l’apport des sciences sociales à sa posture croyante.