8 années de désastres

On a tout fait tout croche. J’étais un peu perdu dans mon beau suit noir et toi, tu regrettes encore les derniers ajustements faits par la couturière sur ta belle robe. On n’avait même pas de centres de tables! Imaginez la catastrophe! Sans compter le désastre du voyage de noces…

Bref, ce qu’on croyait être le plus beau jour de notre vie, ce 17 aout 2007, n’était finalement qu’un avant-gout de ce qui nous attendait. D’ailleurs, même le ciel (ou le Ciel?) ce jour-là s’est permis de nous concocter une analogie des années à venir: nuages, pluie, soleil… arc-en-ciel.

Notre vie de couple, puis notre vie de famille sont parsemées de petits et moyens désastres qui remplissent bien nos jours.

  1. Les dégâts. Les enfants ont appris assez tôt qu’un plancher de salle à manger, c’est comme une plante verte: ça s’arrose régulièrement. Ainsi, un dégât par jour de jus-lait-eau-sauce-whatever garde au plancher son beau teint coloré. Et ce, malgré les efforts soutenus de la nappe pour en absorber un max.
  2. Le bricolage. J’ai un don pour entreprendre des rénovations. Seul hic: c’est toujours plus difficile de terminer que de commencer. Ce que ça donne? La chambre des filles ressemble étrangement à notre aspiration conjugale à la sainteté: c’est un interminable chantier!
  3. Le couple. Ah! Les aléas de la vie à deux! Tout le monde a déjà vu le petit-couple-parfait. Au cinéma, dans une revue, sur Internet, ce match est juste trop cute. Madame cuisine des cupcakes dont elle publie les photos food-porn sur son blogue perso, tandis que lui va au gym et revient avec un bouquet de roses. Il la prend dans ses bras et ils font ça passionnellement sur la table du salon. Voici ce à quoi les gens rêvent quand ils manquent d’imagination. La réalité est bien meilleure. On s’énerve, on s’engueule, on se demande pardon… et après on fait tout ça.
  4. Les sorties. Plus besoin de partir en voyage : partir au coin de la rue est une incroyable épopée. Plus besoin d’aller au théâtre : on a 6 acteurs de la relève qui nous montent un nouveau show tous les jours. Pas besoin de louer un chalet : la maison craque, l’isolation est déficiente, et la télé est… absente. Pas besoin de courir les « 5 à 7 » : chez nous c’est happy hour dès l’aube.
  5. Les finances. Pas besoin de vous faire un dessin, vous imaginez que notre compte en banque est un chaos sans nom qui damnerait même le plus hippie des conseillers financiers. Et pourtant, à en juger par les plis de cuisses de notre petite E., les enfants ne manquent de rien.
  6. La maison. « Maudit bordel », chantait si délicatement (#not) Marie-Chantal Toupin. Ou était-ce Lynda Lemay? Chez nous, c’est plutôt « joyeux bordel ». Peu importe. Ce foyer est notre foyer. Toiles d’araignées, pissenlits dans la cour et robinets qui dégoutent n’enlèveront jamais rien à l’âme que tu insuffles, chérie, dans cette demeure.
  7. Les enfants. C’est bien connu (j’ai appris ça en travaillant sur une colonie de vacances), les enfants, ça pue le pipi. Et Dieu sait que je suis impatient! Sans vouloir pousser la comparaison, je dirais que mon épouse et la Sainte Vierge ont ceci en commun : l’Esprit-Saint a travaillé fort dans le processus d’engendrement des rejetons. En effet, au risque d’en scandaliser quelques-uns, s’il n’eut été d’une intervention divine efficace, j’aurais été un excellent candidat à la vasectomie précoce. Heureusement (n’appelez pas la DPJ tout de suite), par la même intervention du Très-Haut, j’ai aussi appris à aimer ces très-basses créatures qui, pour le coup, sont la chair de ma chair.
  8. Les rêves. Facebook nous martèle tous les jours ces jolies mais naïves injonctions : « réalise tes rêves », « YOLO », « vis ta vie », etc. Je peux dire avec toute l’assurance du monde que si j’avais réalisé mon rêve, je serais aujourd’hui au fond d’un bar miteux, en train de gratter une guitare qui sonne faux, de caler un whisky même pas bon et de penser que j’ai enfin réussi à devenir un artissse.

Tout ce désastreux portrait, chère épouse, pour te dire que, sans toi, je ne connaitrais rien de l’amour de Dieu. Ce Dieu qui n’attend pas qu’on soit parfaits pour nous aimer.

Bien sûr, j’ai souvent l’impression qu’on fait les choses tout croche.

Léon Bloy écrit que

Nous sommes tous des misérables et des dévastés, mais peu d’hommes sont capables de regarder leur abime…

L. Bloy, La femme pauvre (1897)

C’est surement vrai. Cependant, ce n’est pas tout. Il faut savoir ensuite relever les yeux vers Celui qui nous en extirpe chaque jour. Et c’est ce que notre mariage m’apprend à faire.

Joyeux anniversaire à nous!


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Antoine Malenfant

Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.