Photo: Wikimedia Commons
Photo: Wikimedia Commons

Plus catholique que le pape?

Depuis sa publication, l’exhortation apostolique Amoris laetitia a fait couler beaucoup d’encre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église. Malheureusement, ses détracteurs (dont certains défenseurs de la doctrine de l’Église sur la vie et la famille) se sont fait une joie d’extraire ce qui, dans le document, portait à une interprétation qui favorisait leur propre idéologie.

Même au plus haut rang de l’Église, certains cardinaux se sont prononcés en faveur d’une prétendue clarification que le Saint-Père devait émettre pour le bien de l’Église, c’est ce qu’on a appelé les « dubia ».

Plus récemment, plusieurs théologiens et membres du clergé ont pensé de leur devoir d’envoyer au pape François, une « correction filiale concernant la propagation d’hérésie » faisant ainsi un pas de plus dans le dénigrement, passant d’une demande de clarification à une demande de rétractation.

Sans vouloir offrir une critique de cette lettre envoyée au souverain pontife, il me semble ne pas respecter le plus traditionnel principe herméneutique selon lequel « il faut interpréter les paroles du pape de manière catholique ». L’absurdité d’une telle démarche me semble être le plus fidèlement réfutée par un autre principe, issu celui-là de la culture populaire et selon lequel « il ne faut pas être plus catholique que le pape »!

En ce sens, cette semaine, dans le cadre de leur assemblée annuelle, les évêques du Canada avaient invité des théologiens spécialistes des questions de la famille ainsi que S.E. le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques afin d’offrir ses réflexions sur Amoris laetitia.

Dans son allocution, le cardinal Ouellet a offert une lecture qui permet de comprendre non seulement l’intention et la correcte interprétation de l’exhortation apostolique, mais également son importance pour la défense et la promotion de la famille aujourd’hui.

Contempler pour mieux accompagner

Pour le cardinal Ouellet, le document doit être lu dans sa totalité et non en cherchant à y trouver une quelconque nouveauté doctrinale qui viendrait contredire l’enseignement de l’Église :

« Gardons bien en vue cette vision biblique et théologique qui traverse tout le document, car elle en assure la profondeur, l’originalité et la juste interprétation, face aux réductions imposées par des interprétations superficielles. »

Au contraire, selon le cardinal, Amoris laetitia assume l’entièreté du patrimoine théologique catholique et, de ce fait, « manifeste la profondeur de l’anthropologie trinitaire qui répond aux besoins urgents des cultures sans Dieu ».

En ce sens, pour le prélat québécois, la contemplation de l’intention créatrice du Dieu trinitaire est la plus à même de nous permettre de regarder l’humanité avec Ses yeux paternels et miséricordieux.

C’est ainsi que « l’idéal trinitaire de l’amour, la primauté et l’efficacité de la charité » permettent plus de compréhension envers le projet d’amour de Dieu sur les relations humaines, d’où une attention particulière pour « le caractère graduel et progressif, les conditionnements culturels et imperfections » qui empêchent cet imago Dei de se manifester concrètement dans la vie familiale.

Vers une refonte de la pastorale familiale

Comme il l’avait déjà fait lors de la Convention Suprême des chevaliers de Colomb à Toronto, le cardinal Ouellet invite « à relire » l’exhortation apostolique avec la ferme conviction qu’il s’agit « de la plaque tournante de la conversion pastorale voulue par le pape François ».

Cette conversion à l’écoute, à « dépasser la critique amère et stérile des dérives sécularistes contemporaines » pour aller à la rencontre des personnes réelles.

Pour ce faire, il préconise un esprit nouveau en proposant : « 1) l’accueil authentique et sans préjugé de l’enseignement pontifical; 2) un changement d’attitude face aux cultures distantes de la foi; 3) un témoignage convaincant de la joie de l’Évangile émanant de la foi en la personne de Jésus et en son regard d’amour et de miséricorde sur toute réalité humaine ».

Pour évangéliser le monde actuel, il faut d’abord l’aimer.

On y voit donc apparaitre un schéma de transformation évangélique passant de l’intériorité à l’extériorité; d’un changement du regard à l’annonce explicite de ce qui le motive. Ainsi, « pour évangéliser le monde actuel, il faut d’abord l’aimer et le rejoindre en ses valeurs, même si elles sont obscurcies par des idéologies contraires au christianisme », nous a dit le cardinal.

Si, comme l’a affirmé cette semaine Mgr Marc Ouellet, « l’histoire retiendra la dimension pastorale du document », on peut aussi espérer que cette même histoire retienne aussi les fruits de sainteté dont ce dernier aura été la cause.

Francis Denis

Francis Denis a étudié la philosophie et la théologie à l’Université Laval et à l'Université pontificale de la Sainte Croix à Rome. Il est réalisateur et vidéo-journaliste indépendant.