Illustration: Fotolia
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Pharmacopée pour perfectionniste

Dans l’armoire, classez-vous vos tasses selon leur couleur ? Dans votre portefeuille, ordonnez-vous vos billets de banque selon leur valeur ? Dans votre bibliothèque, est-ce que vos livres sont alignés du plus grand au plus petit ?

Est-ce que le moindre commentaire vous concernant vous taraude l’esprit pendant plusieurs jours d’affilée ?

Est-ce que votre lit est impeccable comme celui des soldats des Forces armées canadiennes ?

Vos cheveux abritent-ils une quantité incroyable de bobby pins, qui servent à retenir la moindre mèche qui oserait s’esquiver de l’élastique ?

Si vous avez répondu « oui » à plusieurs de ces questions, il y a de bonnes chances que vous souffriez de perfectionnisme. Un mal plutôt répandu de nos jours.

La tyrannie imaginaire

Le perfectionnisme : ce « grand monstre froid », cet étouffant corset qui amène avec lui son lot d’hallucinations. Ces produits de notre imagination prennent généralement la forme d’attentes insatiables de la part des autres.

« Si je ne réussis pas cela maintenant, à ce degré de perfection, je serai sans doute envoyée en exil ! »

L’abominable correcteur, l’évaluateur sans cœur, il n’existe pas plus que les monstres sous notre lit qui nous empêchent de laisser pendre un pied ou une main hors des couvertures. (On ne sait jamais, ils pourraient l’attraper…)

Tant de fois, l’adage selon lequel le meilleur est l’ennemi du bien s’avère si exact.

Le perfectionnisme se présente souvent à notre esprit comme une promesse. Une promesse de quelque chose de meilleur. « Si je continue, si je retouche un tout petit peu… » Mais, tant de fois, l’adage selon lequel le meilleur est l’ennemi du bien s’avère si exact. (Ceux qui ont essayé de se couper eux-mêmes les cheveux en ont certainement fait l’amère expérience.)

Avec les meilleures intentions

Ce qui est dommage avec le perfectionnisme, c’est qu’une quantité incroyable d’énergie, poussée par de très louables intentions, est mobilisée dans un but inatteignable. Non seulement inatteignable, mais aussi souvent nocif, et carrément futile.

Le perfectionniste préfèrera laisser sa peau plutôt que de remettre un travail moins-que-parfait, par exemple.

Que faire alors ?

Tout d’abord, courage ! C’est vrai que ce trait de personnalité peut être tenace, mais rien n’est jamais perdu. C’est par les fissures que peut entrer la lumière. Il s’agit simplement d’utiliser habilement cette tendance au perfectionnisme et de la retourner contre elle-même.

Voici quelques pistes pour y arriver.

1. Vivre pour les autres

Un des trucs qui me fascinent le plus chez le personnage du capitaine Jack Sparrow, héros des Pirates des Caraïbes, est que sa boussole n’indique pas le nord, mais ce que son cœur désire le plus.

Le perfectionniste pourrait donc aller patenter sa boussole pirate pour en changer l’orientation : au lieu de chercher l’absence de failles, pourquoi ne pas se demander ce qui aiderait le plus les autres ?

Si le perfectionniste suit ce conseil, il se surprendra à fredonner négligemment des chansons à propos de pommes pourries, comme le fait le capitaine Sparrow avec son flegme caractéristique.

Pourquoi ? Simplement parce que ça libère.

2. Trouver ses points forts et changer le monde

Le perfectionniste a l’envers de son défaut (ou la qualité, pour parler positivement) de ne reculer devant aucun effort pour atteindre un objectif. Il pourrait sembler contrintuitif de dire au perfectionniste de chercher ses forces. On aurait plutôt envie de lui dire d’arrêter de faire semblant qu’il/elle n’est pas bon/bonne, de se taire et de redescendre sur le plancher des vaches.

Au contraire, les résultats seront meilleurs si l’on évite de succomber à cette tentation. Le perfectionniste doit être amené à trouver quels sont ses talents (l’humilité, c’est la vérité), et à employer ses énergies à les développer pour changer le monde. Positivement.

3. Découvrir des modèles inspirants

Tout le monde a un rôle à jouer dans cette vie, mais on ne le découvre pas d’un coup. À ce sujet, il est fascinant de se pencher sur la vie des figures marquantes de notre histoire. Winston Churchill, par exemple, était un homme si excessif de tempérament qu’il ne trouvait sa place nulle part… il n’a pleinement réalisé son potentiel que dans la soixantaine, lorsqu’il est devenu le bouledogue des Alliés contre Hitler. Il était l’homme de la situation.

C’est exactement ce que l’Église catholique fait en nous proposant des exemples de gens – du vrai monde ! – qui sont parvenus à aimer Dieu plus que leur propre vie. Et pourtant, ces gens, les saints, avaient les mêmes tendances que nous. En lisant leur vie et en apprenant à les connaitre, on trouvera forcément des personnes avec qui on a des atomes crochus, et elles nous aideront.

4. Accepter notre part d’ombre

Mesdames, vous qui attendez impatiemment la sortie du remake de Beauty and the Beast, la question de l’heure, c’est : « Est-ce que Disney a utilisé l’autotune sur la voix d’Emma Watson quand elle chante dans le film ? » Peu importe la réponse, l’autotune, ça n’existe pas dans la vraie vie. Il y aura des fausses notes, point.

On va nécessairement se planter.

Le perfectionniste devrait rester en paix avec cela. Pourquoi ? Parce que les ombres, dans le chef-d’oeuvre d’un peintre, font ressortir les couleurs et la lumière. D’un accroc peut sortir un bien : pas mal… !

5. Se laisser aider et faire confiance

Qui n’a pas déjà fait un travail d’équipe avec un perfectionniste ? Parfois – accordons-le – la volonté de tout réviser le travail des autres est fondée (les passagers clandestins, ça existe). Mais d’autres fois non. (Mea culpa !)

La vie n’est pas aussi dure et compliquée que le pense le perfectionniste.

Le perfectionniste devrait se délecter de l’interdépendance.

On a besoin les uns des autres et quand on l’accepte, on apprend à prendre la vie plus mollo. Le sort du monde n’est pas sur nos épaules. Puis les autres aussi sont capables de faire du bon travail.

En somme, le perfectionniste devrait se délecter de l’interdépendance et juste… relaxer.

6. L’humour

Véritable arme secrète de plusieurs mortels, l’humour permet de prendre une distance par rapport aux choses. Ainsi, la personne à tendance perfectionniste peut apprendre à ne pas se prendre trop au sérieux. Et même, en examinant son comportement et ses réactions « de l’extérieur », elle peut se rendre compte que parfois, elle est un peu… risible.

Rire de soi, ça dédramatise. Et ça détend l’atmosphère, qui peut devenir chargée pour ceux qui nous entourent… et nous endurent.

7. L’amour

On dit du chiffre sept qu’il représente la perfection. C’est un pur « hasard » si l’amour, la plus grande des vertus, se retrouve ici. Paul de Tarse (l’Apôtre !) qui a dépensé sa vie pour les autres, malgré ses grandes misères, nous dit que la charité est le « lien de la perfection » (Col 3, 14).

L’Église renchérit : « La charité assure et purifie notre puissance humaine d’aimer. Elle l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin. » (CÉC, 1827).

Ah ! L’amour divin ! La seule perfection vers laquelle nous devrions tendre… parce que ce n’est pas la nôtre.

Pour aller plus loin :

Mary Claire Lagroue, « The Pursuit of Perfection Isn’t As Noble As We Think », Verily Magazine, 2 février 2016.

Estelle Cloutier

Intéressée par les arts et passionnée par les enjeux sociaux, Estelle est une étudiante aux cycles supérieurs.