Photo: Fotolia
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Même en accouchant…

Lors de sa première visite à notre domicile, ma sagefemme me demande : « Ariane, la croix que tu portes au cou, c’est pourquoi? » Mon mari et moi nous échangeons un regard : « Ben… on est catholiques » dis-je en pointant le crucifix accroché au mur dans notre cuisine.

Notre sagefemme, qui est chrétienne orthodoxe, nous avoue que ce n’est pas fréquent. « C’est un honneur pour moi d’accompagner une femme catholique, nous avons tellement en commun ! »

Et c’est ainsi que notre suivi sagefemme a pris un tournant inattendu.

Les conseils d’une femme sage

Plus tard lors de cette rencontre, elle aborde la question de la prière pendant l’accouchement.

Y a-t-on pensé? Pas vraiment…

Évidemment, on aimerait invoquer la présence et la protection divine lors de ce grand évènement que nous nous apprêtons à vivre pour la première fois, mais concrètement, comment faire?

Une première chose qu’elle nous dit, c’est que les femmes croyantes aiment parfois que des gens viennent prier sur elles pendant l’accouchement. Nous, qui avions toujours envisagé la naissance de notre enfant dans le plus d’intimité possible, nous voyons mal comment réaliser cette option.

Prier la Mère de toutes les mères est particulièrement de circonstance lorsqu’on s’apprête à devenir mère.

Pour que la femme en travail elle-même prie, elle nous explique, en guise de deuxième recommandation, qu’il est préférable de trouver une parole courte ou un petit verset. Quelque chose de simple à retenir, qui ne demandera pas de concentration. Quelque chose qui se dit en une expiration pourra aider à rythmer la respiration. Quelque chose qui pourra être répété sans effort…

(Ce qui ne veut pas dire que l’accouchement, lui, se fera sans effort!)

Troisième conseil, apportez un chapelet ou une icône sur le lieu de l’accouchement. Je remarque que la Vierge est omniprésente dans ses recommandations. Prier la Mère de Dieu, la Mère de toutes les mères est particulièrement de circonstance lorsqu’on s’apprête à devenir mère, que ce soit pour la première ou la dixième fois.

Tout de suite après le départ de la sagefemme, j’écris à une amie catho qui a eu un enfant récemment. « As-tu prié pendant ton accouchement? »

Après 36 heures à l’hôpital, elle n’était pas en état de prier, m’explique-t-elle. S’il y a une Parole à laquelle elle a pensé pendant ses heures de travail, c’est « Il dit à la femme : J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur. »

Ouin… disons que c’est pas exactement le mood recherché.

J’essaie d’en parler à une autre amie, qui vient d’accoucher de son troisième enfant. J’ai aussi des questions à lui poser sur la douleur de l’accouchement, question d’échapper au sort réservé à Ève et à tout son genre. Nous parlons d’un rendez-vous Skype pour la semaine suivante.

L’inattendu, puis l’attente

Petit hic: dès le lendemain, j’entre à l’hôpital en ambulance, avec mon mari et notre sagefemme, à cause d’un travail prématuré à 34 semaines. Mon accouchement semble imminent.

« Je n’ai même pas fait le cours prénatal sur l’accouchement! » me dis-je. Je n’avais pas non plus décidé comment j’allais prier pendant la venue au monde de notre enfant.

Alors que nous avons un moment d’intimité les trois ensemble, notre accompagnatrice nous propose de prier. « Seigneur, nous nous présentons aujourd’hui devant toi… »

Ses paroles sont belles et justes. Elle demande à Dieu de laisser le bébé dans mon ventre encore quelque temps, si telle est sa volonté, et de veiller sur nous pendant les évènements qui suivront. Ce fut un moment fort et très émouvant.

Rendue au soir, elle rentre chez elle pour aller se reposer quelques heures. Nous pensions que j’accoucherais cette nuit-là. Mon mari va chercher le sac d’hôpital resté à la maison.

« N’oublie pas le Nutella et un chapelet, chéri. »

Nous prions avant de nous coucher, en nous réveillant le lendemain matin… et ainsi de suite pendant cinq jours. Mon accouchement a semblé sur le point de se produire pendant tout ce séjour à l’hôpital.

« Oh qu’il est bas, il est juste là! » disaient toutes les infirmières qui m’examinaient.

Contractions, poussée… et prière

Puis le grand jour est arrivé.

À désormais 35 semaines de grossesse, j’entre en travail actif. À un moment, entre deux contractions, je remarque que mon époux suit le premier conseil donné par la sagefemme. Il est assis devant moi, les yeux fermés, et semble prier. Sur le coup, je suis fâchée. Il est dans sa bulle, il n’est pas avec moi en ce moment! Je ne suis pas l’objet de son entière attention.

Alors que j’allais lui dire, l’épisode de la visite de Jésus chez Marthe et Marie me revient en tête. Moi qui aime recevoir, je me suis toujours identifiée davantage à Marthe qu’à Marie. Mais dans la chambre d’accouchement, j’ai vu Marie en mon mari et j’ai réalisé, comme Jésus le dit, qu’il faisait la chose nécessaire.

Suivant la suggestion de la sagefemme, j’ai répété cette parole avant, pendant et après mon accouchement.

De mon côté, j’avais trouvé lors des semaines précédentes une parole qui me plaisait. « Seigneur, souviens-toi de moi » dit le bon larron, crucifié auprès de Jésus. En disant cette courte prière, on se reconnait comme pécheur en s’associant à ce brigand. En même temps, on implore le Seigneur de nous accompagner dans ce que nous vivons.

Suivant la deuxième suggestion de notre sagefemme, j’ai répété fréquemment cette parole avant, pendant et après mon accouchement.

Tout ce temps, pour appliquer le troisième conseil, le chapelet n’était jamais loin. Et le Saint-Esprit non plus. C’est dans une atmosphère de confiance et de soutien, de force et de paix d’esprit que notre fils est venu au monde.

Alors que je suis encore dans les vapes, mon bébé est amené en néonatalogie. C’est un protocole habituel pour les prématurés. Le nouveau père l’accompagne. Tout semble beau, mais nous devons rester à l’hôpital quelque temps. J’ai espoir que le séjour sera court.

Partir ou rester?

Cinq jours plus tard, après que j’aie prié intensément et que notre bébé ait fait des progrès immenses, le médecin refuse de nous donner congé.

Je fonds en larme.

Voilà déjà dix jours que je suis enfermée à l’hôpital. Deux nuits qu’on m’a transférée dans une petite pièce sans fenêtre qui fait office de chambre, où je ne peux même pas dormir aux côtés de mon cher époux. Cinq jours de séparation qui nous empêchent de donner à notre enfant tout l’amour que nous avons pour lui.

Il nous faut partir.

Mon moral ne tiendra pas plus longtemps. Le stress et la fatigue nuisent à l’allaitement. Mon cœur me dit que ces deux jours de plus suggérés par le pédiatre n’aideront pas notre bébé à aller mieux. Mais quitter l’hôpital contre l’avis d’un médecin, est-ce sécuritaire? Suis-je en train de faire passer mon bienêtre avant celui de mon fils nouveau-né?

Alors que je suis indécise et confuse, la visite de la sagefemme apaise mon esprit. Nous débutons notre rencontre avec une prière, où elle demande sagesse et discernement au Seigneur pour faire les choix qui s’imposent.

Après discussions et réflexions, nous nous présentons en néonatalogie.

Nous aimerions quitter après le prochain boire.

L’infirmière nous regarde d’un drôle d’air. « Je n’ai pas de congé à votre dossier. »

Nous avons quitté l’hôpital contre l’avis médical. Ça s’appelle « refus de traitement » en langage officiel. Il faut signer une décharge – et se faire dévisager un peu –, puis on peut partir.

De retour à la maison, tout va pour le mieux. Le bébé est inondé d’amour et de lait.

« On sent vraiment que vous reposez dans le creux de la main de Dieu » nous dit notre chère sagefemme lors de sa visite du lendemain. Je ne pourrais être plus d’accord. Pendant les dix dernières journées, jamais je n’ai autant prié dans ma vie et jamais je ne me suis sentie autant dans la grâce de Dieu.

Une naissance heureuse

Je termine la rédaction de ce texte mon bébé collé contre moi, en souhaitant à toutes les femmes enceintes une naissance heureuse.

N’oubliez pas d’inviter le Seigneur à ce grand évènement, et Lui ne vous oubliera pas. J’espère que mon récit puisse être une source d’inspiration pour d’autres couples se préparant à la venue au monde d’un enfant et cherchant comment intégrer la prière à cet évènement exceptionnel.

À tout le moins, il aura été une louange au Seigneur, un témoignage de ma foi nouvellement approfondie.

Ariane Blais-Lacombe

Ariane est une jeune mère passionnée de périnatalité. Diplômée en sciences politiques, elle aime écrire et réfléchir sur le Québec d’aujourd’hui et son rapport à la vie de famille.