Le 1er juin, début du mois des fiertés, est sorti sur la plateforme The Daily Wire un documentaire intitulé « What is a Woman? », réalisé par Matt Walsh.
Le documentaire a reçu de nombreuses critiques positives, mais aussi négatives. Plusieurs parmi la communauté LGBTQ ont entre autres accusé Walsh de transphobie, ne serait-ce qu’en raison du ton du documentaire.
Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que Walsh vise juste en choisissant la question principale de son film.
Selon la théorie du genre, quand un homme décide de transitionner pour devenir une femme, que devient-il? En quel sens une femme transgenre est-elle une femme? Bref : qu’est-ce qu’une femme s’il ne s’agit pas d’un humain doué de parties génitales naturellement disposées à l’enfantement?
Une définition circulaire
Matt Walsh questionne les spécialistes de la théorie du genre : médecins, thérapeutes, professeurs, etc.
La première définition de la femme qu’il rencontre, chez non seulement les spécialistes, mais aussi les gens du commun, consiste en : « quelqu’un qui s’identifie femme ».
Comme Walsh le fait remarquer, pareille définition pèche par circularité. On voulait définir ce qu’est la femme et on utilise pour ce faire le mot « femme ».
Walsh doit alors réitérer sa question : qu’est-ce que signifie « femme » quand quelqu’un s’identifie comme « femme »? Si quelqu’un affirme qu’il n’est pas un homme, mais une femme, que doit-on comprendre exactement?
Une définition métaphorique
Michelle Forcier, pédopsychiatre, tente de pousser plus loin la définition : « homme » et « femme » signifient « une constellation ».
La définition de Forcier comporte une certaine poésie. Mais Walsh ne s’en satisfait pas : dans la réalité, en vérité, que signifie être une femme et être un homme?
Marci Bowers, gynécologue et elle-même femme transgenre, précise un peu : « une femme est une combinaison d’attributs physiques, de ce que tu montres au monde, des signaux que tu donnes aux autres à propos de ton genre ».
Mais plus précisément encore? Quelle combinaison me fait femme et quelle autre me fait homme?
C’est à ce moment que Walsh heurte un mur indépassable : il revient à chaque femme de définir pour elle-même le mot « femme », se fait-il dire.
Une « définition » subjective
Selon les tenants de la théorie du genre, chaque femme doit définir pour elle-même ce qu’est une femme, car il n’y a pas de définition universelle pour ce sujet. Il s’agit d’une expérience interne, d’une combinaison de pensées et de sentiments, tant et si bien que ceux qui ne sont pas femmes ne peuvent définir ce qu’est une femme, ajoutent-ils.
Dans une vidéo complémentaire à son film, Walsh note l’étrangeté de cette affirmation : s’il faut être une femme pour définir ce qu’est une femme, alors il faut de toute manière savoir ce qu’est une femme. Je dois savoir que je suis une femme pour m’autoriser à définir ce qu’est une femme ou, au contraire, savoir que je n’en suis pas une pour me retenir de le faire. Dans tous les cas, il faut reconnaitre qui est une femme et qui ne l’est pas, ce qui implique une définition, au moins minimale, de ce qu’est une femme.
Mais passons sur ce dernier point. Voilà ce qu’il importe surtout de retenir : la théorie du genre soutient l’existence de « définitions » subjectives, non universelles.
Les mots, normalement terrain commun de l’humanité, deviennent dès lors personnels. Et la communication se trouve, par le fait même, rompue. Car si toi et moi, lorsque nous discutons, entendons les mots d’une manière complètement différente et personnelle, alors nous ne dialoguons pas. Au plus, nous tenons à tour de rôle un monologue, comme deux personnes parlant des langues distinctes.
Et il y a plus : si derrière le mot « femme », on ne trouve aucune définition commune, il faut conclure que cela n’existe pas. Femme n’est pas « une chose », répètent les gens que questionne Matt Walsh. Mais si ce n’est pas « une chose », alors c’est n’importe quoi, même parfois une chose et son contraire. Et cela revient à dire que ce n’est rien.
Femme, selon les partisans mêmes de la théorie du genre, devient un mot vide, ne désignant rien. Mais pourquoi alors en faire toute une histoire, au point de vouloir être reconnu femme nonobstant le sexe masculin assigné à la naissance?
Une définition naturelle
Comment définir ce qu’est une femme alors?
Je propose un petit détour avec Aristote. Ce philosophe a écrit qu’il faut définir toute propriété de l’être humain, sauf son intelligence, par deux aspects : l’un corporel, l’autre psychologique (psyché signifiant en grec « âme »).
Par exemple, écrit Aristote, la colère se définit comme un désir de vengeance (partie psychologique de la définition) entrainant dans le corps un certain bouillonnement de sang (partie corporelle de la définition).
Le même principe doit s’appliquer, me semble-t-il, à la féminité et à la masculinité. Une femme doit se définir par un aspect biologique et par un autre psychologique, les deux allant nécessairement de pair, corps et psyché se trouvant naturellement liés.
De ce point de vue, le sens commun a raison de définir l’homme et la femme par leurs organes reproducteurs. Une femme tend naturellement à posséder un vagin, un homme, un pénis. Les exceptions, comme les cas d’intersexualité, ne font que confirmer la règle : il s’agit de problèmes. C’est dire que la nature visait autre chose.
Cette partie biologique de la définition de l’homme et de la femme s’explique par une partie psychologique, par quelque chose de plus profond encore dans l’homme et la femme. Car comme c’est le désir de vengeance dans la colère qui entraine certaines réactions physiques, et non l’inverse, de même, c’est une visée psychologique qui explique les différences corporelles entre l’homme et la femme.
En réalité, donc, c’est parce que la nature ordonne la femme à tenir le rôle de mère et l’homme celui de père que tous deux reçoivent les organes appropriés à cet effet. Ces rôles distincts expliquent les qualités physiques et psychologiques de chacun, comme l’a bien mis en lumière Edith Stein.
Une « certaine » variabilité
Jordan Peterson, que Walsh questionne dans son documentaire, apporte une lumière intéressante pour comprendre les dérives de la théorie du genre. Peterson refuse de distinguer « sexe » et « genre », comme le font les défenseurs de ce mouvement. Mais il reconnait un point important : il y a une certaine variation dans les tempéraments et les caractères. Il y a des femmes plus masculines, des hommes plus féminins.
Cela provient du fait que « homme » et « femme » ne sont tout de même pas deux espèces distinctes, comme le chat et le chien. Il s’agit de rôles complémentaires dans l’être humain. De ce point de vue, une certaine plasticité subsiste, l’homme étant parfois appelé à assurer des tâches plus féminines et vice-versa.
La nature permet une certaine diversité dans les tempéraments et les caractères également pour assurer le bien commun. Si tous les hommes aimaient conduire des autos et toutes les femmes couper les cheveux, la société humaine s’en trouverait appauvrie.
Ainsi se vérifie cette affirmation de Thomas d’Aquin :
« Toute fausseté s’accorde avec la vérité, en tant qu’elle retient quelque chose d’une similitude avec la vérité. »
La théorie du genre se trompe en distinguant catégoriquement sexe biologique et genre, en séparant corps et psyché. Mais elle sous-tend une certaine vérité : la nature admet quelques malléabilités dans les traits psychologiques de la femme et de l’homme. Cela n’implique pas qu’un corps d’homme puisse abriter une femme ou vice-versa. Ni même qu’un homme puisse être appelé à être « mère ».
Un homme, même efféminé, même effectuant les tâches plus propres à une mère, reste un homme. Son corps et sa psyché ne changeront jamais radicalement, peu importe les interventions chirurgicales ou les habitudes prises.
Le constat tout simple de Peterson prévient tout de même une autre dérive possible, que la théorie du genre fait bien de dénoncer : les stéréotypes trop rigides au sujet de l’homme et de la femme. Comme si tout homme devait aimer se battre, et toute femme, se maquiller.
Préoccupation futile ?
Matt Walsh, dans son documentaire, presse les membres de la communauté LGBTQ de répondre à ses questions. Eux-mêmes lui retournent souvent la même interrogation : « why do you care? ».
Pourquoi Walsh n’accepte-t-il pas d’appeler « femme » la personne se disant telle? Pourquoi refuse-t-il d’utiliser « les bons pronoms »? Pourquoi ne pas faire au contraire comme l’un des passants interrogés dans le documentaire : « Si tu veux que je dise que tu es une femme, je vais le faire. Je m’en fiche. Qu’est-ce que ça change à ma vie de toute manière? »
Walsh répond qu’il se préoccupe du bien des jeunes et des femmes subissant des injustices, notamment dans le sport. Mais il précise que c’est la vérité surtout qui lui importe.
Dans une autre vidéo, il affirme qu’il argumenterait avec la même passion contre une communauté qui prétendrait qu’un carré est la même chose qu’un cercle. Ce n’est pas que Matt Walsh se préoccupe spécialement de géométrie. Il veut la vérité, tout simplement.
Et alors? objectera-t-on encore. Qu’est-ce que ça change à ta vie si ton voisin pense qu’un cercle est carré? Pourquoi ne pas laisser les gens croire ce qu’ils veulent?
Parce que toute vérité, aussi minime soit-elle, compte. N’oublions pas la première étape de l’endoctrinement dans 1984 d’Orwell: forcer le protagoniste à soutenir que 2+2=5. Torturer son esprit pour l’habituer à ne plus distinguer le vrai du faux, à ne plus lier la vérité à la réalité.
Admettre une fausseté, même pour ne pas blesser les sentiments d’autrui, c’est se condamner à ne plus aimer le vrai, à ne plus le chercher. C’est tomber progressivement dans une forme de folie. C’est cela surtout que Matt Walsh dénonce dans son documentaire, encore davantage que la théorie du genre elle-même.