«tout inclus»

La mère porteuse et le Club des mères

Cela fait quelques mois que mon mari et moi espérons un deuxième enfant. Bien que nous ayons attendu notre fille durant quelques années, nous avons confiance qu’elle finira un jour par devenir grande sœur.

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Lorsque, si Dieu le veut, j’apprendrai que je suis enceinte, je sais que je vivrai des sentiments ambivalents. Les privations, les nausées, la prise de poids, puis l’accouchement et l’allaitement… Ces expériences, vécues dans l’intimité du corps, sont pour moi une épreuve.

Si je pouvais en âme et conscience sous-traiter le processus, j’en serais soulagée.

Externaliser la souffrance

Il me suffirait de quelques milliers de dollars pour pouvoir vivre ce fantasme de l’enfantement sans souffrance. Ce qu’on appelle la gestation pour autrui, ou le recours à une mère porteuse, est désormais accepté socialement.

Plusieurs célébrités ne se cachent plus d’avoir délégué leur grossesse à une employée. L’actrice Rebel Wilson, en novembre dernier, s’est félicitée d’avoir enfin rejoint le «Club des mères». Une semaine après qu’elle a accueilli son enfant, on la voyait dans un évènement mondain fêter aux côtés d’autres vedettes. La femme qui avait porté son enfant, de son côté, était certainement alitée, devant laisser le temps guérir ses cicatrices.

Les femmes exploitent les femmes

En entrevue, l’artiste australienne a confié avoir été submergée, à l’aube de sa quarantaine, par un vif désir d’enfant. La femme qui a vécu la grossesse a probablement aussi vécu un déchirement lorsqu’elle a dû remettre l’enfant qu’elle a porté pendant neuf mois. Plusieurs études concluent que la gestation pour autrui est une expérience extrêmement risquée sur les plans physique et émotionnel.

La maternité, comme la sexualité, est une expérience globale, qui mobilise toutes les dimensions de la personne. Comme dans les industries du sexe, on attend des femmes qui consentent au commerce de leur ventre qu’elles se dissocient de leurs corps. Cela ne peut se faire sans porter atteinte à leur intégrité.

Mais à partir du moment où la maternité devient un simple projet qu’on embrasse, au même titre qu’une carrière ou que la rénovation d’une propriété, que reste-t-il à célébrer?

Ce n’est pas parce que le marché – et, dans certains pays, la loi aussi – rend possibles ces transactions qu’elles sont pour autant justes.

Le prix du sacrifice

Loin de moi le désir de limiter la reconnaissance de la maternité à celles qui peuvent enfanter. La tradition chrétienne reconnait que cette vocation peut se décliner de différentes façons. Donner la vie, la nourrir et la soutenir: nombreuses sont celles qui se dévouent pour les autres. Leur engagement auprès des plus petits mérite d’être célébré, parce que ce don de soi a forcément un cout. On ne prend pas soin d’êtres fragiles parce qu’ils nous font vivre des émotions agréables. Au «Club des mères», le vrai, on discute rarement de trucs mignons.

Un ami nouvellement devenu père déplore que la fête des Mères incarne la quintessence du quétaine. Il a été le témoin privilégié des bouleversements vécus par son épouse à l’arrivée de leur enfant. Impressionné, il propose de remplacer le traditionnel bouquet de fleurs par «des tirs de carabines dans les airs, un défilé avec des chars d’assaut suivi d’une minute de silence nationale».

Mais à partir du moment où la maternité devient un simple projet qu’on embrasse, au même titre qu’une carrière ou que la rénovation d’une propriété, que reste-t-il à célébrer?

Valérie Laflamme-Caron

Valérie Laflamme-Caron est formée en anthropologie et en théologie. Elle anime présentement la pastorale dans une école secondaire de la région de Québec. Elle aime traiter des enjeux qui traversent le Québec contemporain avec un langage qui mobilise l’apport des sciences sociales à sa posture croyante.