Toute la vérité sur la maternité : c’est ce que promet le dernier livre de Valérie Roberts, Post-partum : les hauts et les bas de la maternité. Pas d’illusion de joie parfaite, pas de filtre Instagram : à travers le témoignage de 14 mères, l’autrice aborde les difficultés du « quatrième trimestre », c’est-à-dire les premiers mois après la naissance de bébé.
Les bas du quatrième trimestre
Que ressort-il des divers témoignages? La majorité des mères rapportent une perte de contrôle tout à fait imprévue. Habituées de gérer leur vie comme bon leur semble, cette nouvelle responsabilité les déstabilise et les rend anxieuses.
Valérie Roberts raconte : « Dieu sait que j’aime quand les choses roulent à ma façon! (…) Personne ne m’avait prévenue que je pourrais être ensevelie [sic] par un sentiment d’anxiété à la suite de la naissance d’un enfant. »
Autre constat commun à tous les témoignages : les femmes développent une forte culpabilité. Celui-ci viendrait de la pression de la société et du monde hospitalier : il faut être heureuse, allaiter, être bienveillante, suivre son instinct maternel, etc. Toutes ces prérogatives engendrent, de l’avis des mères interrogées par Valérie Roberts, un sentiment de culpabilité puisqu’aucune n’arrive à une telle perfection.
Pour déculpabiliser les mères, Valérie Roberts réclame la normalisation de tous les sentiments. Même celui du regret. C’est une « vérité » que dévoilerait son livre : devenir mère ne rend pas nécessairement heureuse, loin de là. Pour certaines, et il faudrait normaliser cette opinion, il aurait été préférable de ne pas engendrer d’enfant.
Une des mères interrogées l’affirme clairement : « Dans les cours prénataux, on te prépare, mais ce n’est pas assez. Si on savait vraiment ce que ça impliquait d’avoir un enfant, on n’en aurait pas. Soyons bien honnêtes! »
Et les hauts?
191 pages plus tard, le lecteur (ou devrais-je dire « lectrice ») a bien compris quels sont les bas de la maternité. Mais qu’en est-il des hauts? Le titre ne promettait-il pas de les décrire eux aussi? Ne sont-ils pas nécessaires à « toute la vérité » sur la maternité?
Le livre en évoque furtivement, comme du bout du crayon. Après de longues lamentations, la plupart des mères tentent de nous rassurer : elles aiment leur enfant et certaines journées les comblent de joie. La majorité ne regrette pas ou, du moins, pas complètement.
Difficile toutefois de rassurer les futures mères, avec ces maigres affirmations de « joie ». Qu’y a-t-il de bon dans la maternité, finalement?
Difficile également de voir en quoi le fait de « prévenir » les futures mères diminuera leurs éventuelles souffrances. Ni en quoi le fait de lire d’autres femmes dans la même situation et de répéter que toute émotion est normale et « valide » fera aimer davantage la maternité.
D’ailleurs, est-il vrai qu’il faille valider toute émotion au sujet de la maternité? Même le regret? Rien n’est moins sûr…
Des solutions?
Certes, prendre soin d’un enfant et l’éduquer ne se fait pas aisément et sans soucis. Penser le contraire, c’est s’illusionner. Une illusion peut être nouvelle, cela dit. Je doute que les mères du passé ne connaissaient pas les épreuves de l’enfantement. Elles côtoyaient elles-mêmes d’autres mères et avaient souvent l’expérience d’une grande fratrie. La surprise était moins grande au moment de devenir mère soi-même, cela va sans dire.
Dans une société qui accorde moins de place aux enfants, il est normal que les mères le deviennent dans l’ignorance et la surprise.
Mais il y a plus encore. À la lecture du livre de Valérie Roberts, j’ai été frappée par une forme de pauvreté, que je qualifierais de « relationnelle ». Pauvreté dans la relation entre la mère et le père, dans la communauté et aussi dans la vie spirituelle.
Trois relations essentielles à la mère
Traitez-moi de « vieux jeu », mais je m’étonne toujours de voir les couples se lancer dans la parentalité sans s’engager d’abord sérieusement à travers le mariage, religieux ou civil.
Dans le livre de Valérie Roberts, une mère se plaint de porter, en plus de la charge mentale et du reste, le fardeau de devoir plaire à son conjoint constamment, de peur qu’il ne la quitte pour une autre femme. Effectivement, une telle angoisse ne devrait pas subsister, et c’est pourquoi la vie familiale devrait se fonder sur une promesse mutuelle de fidélité.
Une autre femme raconte comment elle a décidé de devenir mère en « solo » et a constaté, après coup, la tâche quasi insurmontable qui l’attendait. Après le récit de ses déboires – elle assure qu’elle n’aura plus jamais d’autres enfants –, Valérie Roberts nous fait bien rire en prétendant que cette femme illustre parfaitement le proverbe « on n’est jamais bien servi que par soi-même ». La vérité saute pourtant aux yeux et est tout autre : une mère a besoin du père de son enfant pour l’épauler. Se mettre volontairement dans une situation de monoparentalité c’est faire un choix périlleux.
La maternité et les difficultés qu’elle comporte devraient conduire la femme à se poser de réelles questions : le but de la vie est-il de jouir le plus possible?
Mais le meilleur des maris ne suffit pas encore pour vivre sereinement la maternité. Valérie Roberts a raison de citer le proverbe selon lequel « il faut un village pour élever un enfant ». Toutefois, les communautés qu’elle propose sont trop pauvres : des groupes Facebook, des mamans rencontrées au cours d’aquaforme, etc.
Les réseaux sociaux, faute de mieux, apportent un certain soutien : on se confie ou on demande conseil. Une mère a cependant besoin de relations réelles, de présence. Les amies d’aquaforme offrent déjà plus, mais la force d’une communauté dépend toujours de l’idéal dans laquelle elle s’enracine. Une amitié fondée sur le plaisir, comme le sport, ne sera jamais équivalente à celle fondée sur la vertu, comme le remarquait déjà Aristote il y a plus de deux-mille ans.
Cela m’amène au dernier « niveau » de relation dont une mère a besoin : une relation à Dieu. Valérie Roberts parsème son livre de « mantras ». Un des témoignages parle également des chakras et autres pratiques spirituelles. Malheureusement, ces mantras et phrases motivantes apparaissent bien vides, comme elles ne s’enracinent dans aucune métaphysique, dans aucune vision plus générale du sens de l’existence humaine et de l’épreuve.
La maternité et les difficultés qu’elle comporte devraient conduire la femme à se poser de réelles questions : le but de la vie est-il de jouir le plus possible? Souffrir pour un autre a-t-il du sens? Doit-on chercher à tout contrôler et tout repose-t-il sur nos épaules dans l’éducation des enfants?
En découvrant Dieu, une femme entrevoit la réponse à ces questions. Non, le plaisir ne constitue pas le but premier de la vie humaine. Oui, souffrir pour l’autre vaut la peine. C’est même dans le don de soi que se trouve le plus grand bonheur.
Et non, tout ne dépend pas de nous. Ne culpabilisons pas excessivement; ne nous inquiétons pas outre mesure : notre Père, qui est dans les cieux, veille sur nos enfants. Mieux et davantage que nous ne pourrons jamais le faire nous-mêmes.