animal
Illustration: Judith Renaud/Le Verbe

Vous êtes animal (et plus encore)

Texte de Félix Lamontagne

Ce sont les mots qu’on peut lire en énormes caractères sur une affiche dans le métro de Montréal : « Vous êtes animal ». On y voit la tête d’un homme à côté de celle d’un paon au plumage coloré et majestueux. J’admets que la publicité est intéressante, l’image provoque. Ce qui l’est moins, c’est l’idée de réduire l’humain à la pure animalité. Ça me semble dérangeant, voire malsain.

Heureusement, il ne s’agit pas de propagande, mais d’une simple annonce pour une pièce de théâtre, à savoir une fiction qui met en scène un Charles Darwin vivant à notre époque et qui cause un énorme scandale médiatique en publiant sa célèbre œuvre L’origine des espèces.

Aujourd’hui, grâce aux apports de Charles Darwin, la conception selon laquelle l’humain se réduit à l’animal est très répandue. Pourtant, bien que l’homme comporte en effet une vie animale, il s’en distingue aussi par une certaine élévation.

Une égalité d’espèce?

Depuis quelque temps déjà, certains utilisent le mot « spécisme » pour désigner une discrimination injuste de la part des humains à l’égard des animaux. Doit-on vraiment refuser toute forme de hiérarchie entre l’homme et l’animal?

La notion selon laquelle nous nous distinguons des autres animaux par notre intelligence et par les technologies que nous avons inventées est largement répandue. Cependant, si l’on considère l’humain comme simplement issu de la chaine évolutive comme toutes les autres espèces, il est facile de prétendre que l’intelligence supérieure des humains ne constitue qu’un avantage sélectif ayant permis sa survie et sa prolifération. Cette intelligence ne ferait pas de lui nécessairement un être supérieur. Après tout, les autres animaux ont chacun un domaine de spécialité dans lequel ils surpassent les capacités humaines : la vitesse, la force, etc.

Le vivant et le non-vivant

Pour un Grec comme Aristote, le monde naturel implique l’ordre, et l’ordre, la hiérarchie. Premier constat : dans le monde naturel, certains êtres possèdent la capacité de se changer eux-mêmes. Il s’agit des vivants : les plantes, les animaux et les humains.

Aristote définit la vie qui anime les êtres vivants comme une substance interne qui est à l’origine de leur mouvement. Celle-ci permet aux êtres vivants de croitre, de se déplacer, bref de commander la matière, soit le non-vivant. Or, ce qui commande est supérieur. Il n’y a donc pas de doute, conclut-il: les êtres vivants sont supérieurs aux êtres non vivants par la vie qu’ils possèdent. C’est assez évident pour tout le monde: un être vivant vaut mieux qu’une roche.

Le végétal et l’animal

Parmi les êtres vivants, Aristote distingue ensuite au moins deux différents sous-ensembles complémentaires : le règne végétal et le règne animal. Les scientifiques d’aujourd’hui nous diraient qu’ils diffèrent principalement par l’équation chimique qui les caractérise : les végétaux absorbent l’eau et le CO2 pour produire l’oxygène et le glucose, tandis que les animaux font l’inverse.

L’humain se distingue des animaux par ses facultés intellectives capables de surpasser l’activité des facultés sensitives.

Bien sûr, les végétaux se meuvent peu et lentement, alors que les animaux le font, en général, sur des distances bien plus importantes et beaucoup plus rapidement. Ce qu’on observe, c’est que les végétaux possèdent une vie végétative par laquelle ils peuvent croitre, s’autopréserver, se régénérer et se reproduire. Les animaux, en plus de posséder ces mêmes facultés, possèdent une vie sensitive par laquelle ils peuvent user des sens : au moins le toucher pour les animaux inférieurs, et aussi l’ouïe, l’odorat, le gout et la vue pour les formes animales plus développées.

Nous savons également que le système nerveux de la plupart des animaux est formé de cellules spécialisées: les neurones. Elles sont conçues pour envoyer des signaux bioélectriques qui se traduisent par des influx nerveux permettant ainsi d’éprouver des sensations. Les plantes ne possèdent pas ce type de système.

Hiérarchie du monde naturel

De même que le vivant est supérieur au non-vivant puisqu’il le commande, les facultés sensibles des animaux surpassent les facultés végétatives des plantes en leur permettant de transformer la matière beaucoup plus rapidement et de réagir aux stimuli beaucoup plus efficacement. Bref, les animaux s’adaptent et agissent en fonction de leurs besoins avec une plus grande excellence.

En effet, un végétal n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour s’adapter à une sècheresse, il devra attendre que l’eau revienne. L’animal, quant à lui, pourra aller chercher ailleurs l’eau dont il a besoin pour sa survie. On peut ainsi établir que l’animal, qui possède des facultés sensitives et végétatives, est supérieur au végétal, qui possède seulement des facultés végétatives.

Il semble donc qu’on puisse affirmer sans problème que le monde naturel est composé d’une hiérarchie comportant au moins ces trois paliers : les non-vivants, les végétaux, aux facultés végétatives, et les animaux, aux facultés végétatives et sensitives.

Et l’humain?

Mais comment cela nous aide-t-il à comprendre en quoi l’homme est supérieur aux animaux ? Si les animaux ont aussi la capacité de ressentir la douleur, une intelligence et même ce qui ressemble à un langage, quelle est la différence?

L’humain se distingue des animaux par ses facultés intellectives capables de surpasser l’activité des facultés sensitives. Bien sûr, il arrive que des passions comme la peur, la tristesse ou le désir nous fassent agir de manière « animale » ou non raisonnable. Pourtant, une personne vertueuse — et nous pouvons tous penser à une personne que nous avons connue — ne se laisse pas dominer par sa sensibilité, mais est capable de faire des choix éclairés en dépit des passions qui l’affligent. Accompagner une personne malade pendant des heures à l’hôpital, malgré tous les inconforts que cela représente, voilà un exemple d’un acte de volonté qui surpasse l’ascendance des facultés sensibles.

On peut donc l’affirmer sans aucun malaise : l’homme est supérieur à l’animal. La raison qui lui permet de surpasser sa sensibilité fait aussi de lui un être spirituel.

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