Un texte de Louis Dionne
En apparence, naissance et mort sont des oxymores, en apparence seulement puisque je crois qu’elles sont plutôt des adéquations. Lisez ces lignes et faites votre opinion. Les quelques données suivantes vous donneront l’occasion de trouver votre réponse, si réponse il y a. Martine Tanghe, une bénévole en soins palliatifs en Belgique, s’est elle-même posé la question: la naissance et la mort seraient-elles un commencement et une fin ou une fin et un commencement?
Que la naissance soit une fin de la vie utérine et un commencement de la vie terrestre, ç’est une évidence, mais peut-on croire que la mort, la fin de notre vie sur terre, soit le début d’une autre vie, céleste comme le proposent les religions chrétiennes, musulmanes et juives?
Hubert Reeves, astrophysicien reconnu, n’y croit pas mais nous laisse libre de penser autrement. Jean d’Ormeson dans son livre C’est une chose étrange à la fin que la mort écrit : «La mort ouvre la porte à la vraie vie. Elle est un commencement». Et Paul Claudel aurait fait graver sur sa tombe : «Ici reposent la cendre et la semence».
Un jour, j’ai été particulièrement impressionné par l’Unité des soins palliatifs de l’Hôpital de Saint-Boniface, qui jouxte le département de natalité. En fait, pour vous rendre à l’USP vous devez traverser la pouponnière. Quand vous y êtes, il peut arriver que vous entendiez les vagissements d’un nouveau-né. J’en ai entendus. Vraiment étonnant mais surtout émouvant, un symbole inspirant.
Alice & Emma
Un incident unique dans l’histoire de la médecine me permet de concevoir ce qui pourrait arriver après notre mort et peut-être lever le voile sur ce dilemme que la science ne peut démontrer. C’est l’histoire de Susan Rhodes et de sa grossesse gémellaire dont l’accouchement s’est déroulé en deux temps, dans un hôpital du Québec, en juin 1997.
L’accouchement du premier bébé se passe bien et le nouveau-né, Alice, est normale mais pré-maturée.
Le second se fait attendre… L’obstétricien, devant cette situation inusitée, et compte tenu que les paramètres physiologiques dont les battements cardiaques, ne montrent aucun signe de souffrance foetale, préfère attendre au lieu de provoquer son accouchement; la mère est alors reconduite à sa chambre sous bonne surveillance. L’attente se prolonge pendant 39 jours. C’est alors que le deuxième manifeste son désir de quitter l’utérus de sa mère. Le second temps de l’accouchement de Susan se déroule normalement et le bébé, Emma, est bien formée mais plus grosse qu’Alice.
De cet événement et des préambules, ma réflexion me donne un espoir ou une certaine assurance a propos de cet autre vie après la vie terrestre. En effet la science nous dit que, de l’embryon au foetus, flottant dans le milieu aqueux de sa capsule amniotique, le développement dans les dernières semaines, inclus l’émergence des sens comme la perception des sons, des voix et de la musique; à ce stade, il peut réagir à son environnement et même aux changements d’humeur de sa maman; à la 33ième semaine le cerveau du futur bébé est presque rendu à maturité. (Wikipédia)
Pendant ce mois de solitude Emma a-t-elle été consciente du départ de son copain de cabine? A-t-elle saisi la signification de cette absence? Un départ ou une mort? S’est-elle demandé où il était passé? On peut imaginer la tempête qu’elle a vécue lors des contractions de l’utérus et de l’expulsion de son voisin de chambre. Pouvait-elle imaginer sa nouvelle situation terrestre comme d’un commencement? Probablement que la réponse à ce questionnement est négative mais sa surprise a dû être aussi grande que celle d’Alice à son entrée dans ce nouveau monde; a-t-elle pu imaginer que la fin de sa vie utérine soit aussi le commencement d’une autre vie?
Si le grain ne meurt…
Peu nous importe, en réalité, la réaction hypothétique d’Emma, le fait demeure que notre situation se compare à la sienne. Ainsi qu’arrive-t-il quand nous assistons au départ d’un de nos proches? est-ce possible de concevoir ce que serait ce nouveau lieu où il accède. Et même son existence? Mais pourquoi pas? Il y a tellement de faits qui nous invitent à y croire ou du moins, à l’espérer. La résurrection du Christ pour les Chrétiens et la promesse de son retour sur terre pour les Juifs. Plus prosaïquement, le bulbe de tulipe, mis en terre, germe durant l’hiver et donne une belle fleur, au printemps. La chenille qui s’enveloppe dans son cocon et devient chrysalide et s’enduit d’une substance jaune créant ainsi son propre cercueil, puis se transforme en un beau papillon monarque.
Et pour nous «Homo sapiens» ce ne serait pas possible? Ne vivrons-nous pas cette métamorphose que connaissent les foetus? Nul ne peut répondre affirmativement; cependant personnellement, je crois que même si ma situation s’apparente à celle du bébé Emma, j’espère que mon départ de ce monde sera une fin et un commencement, ma foi ayant la saveur de l’espérance.