amour
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

La chimie de l’amour

Encore aujourd’hui, le sentiment amoureux reste mystérieux. Comment nait-il ? Comment s’entretient-il ? Pourquoi semble-t-il s’éteindre avec le temps chez certains ? Quel est le secret des couples qui durent ? Voici la chimie de l’amour décortiquée.

Vous souvenez-vous de votre dernier coup de foudre? Ces frissons qui vous parcourent, cet étrange et inexplicable bonheur qui vous emplit ? Cette impression que rien n’existe en dehors de vous deux ? C’est le hasard qui frappe, selon vous? Détrompez-vous, le coup de foudre s’explique par l’action d’un cocktail moléculaire. Les ingrédients de l’elixir : phényléthylamine (PEA), dopamine, endorphines et adrénaline.

Cascades hormonales

La PEA, première à faire ressentir ses effets, est la molécule la plus intéressante, car, contrairement aux autres, elle est produite seulement en cas de coup de foudre. Il s’agit d’une amphétamine naturelle qui agit comme une drogue en procurant un immense sentiment de bien-être et de confort. C’est elle qui déconnecte complètement les nouveaux amoureux du monde extérieur.

La dopamine, quant à elle, est souvent appelée « la molécule de la récompense », car elle est sécrétée par le cerveau à la suite d’une activité qui procure un bonheur immédiat, comme manger du chocolat. Puisque la PEA rend heureux, elle active le circuit de la récompense qui libère de la dopamine.

Produite en grande quantité, la dopamine surexcite, phénomène qui explique le surcroit d’énergie ressenti lors du coup de foudre. Pour tempérer ses effets, le corps va alors produire des endorphines à l’action relaxante qui vont conduire à un plaisir plus apaisé. Ce processus permet de mieux comprendre l’alternance des phases de surexcitation et de contemplation paisible de l’autre lors des premiers temps de la relation.

Parallèlement, la connaissance de l’autre comportant un certain risque. Le corps libère donc l’adrénaline dont le rôle est de nous préparer à lutter ou à fuir devant un danger. On lui doit le rougissement ainsi que l’augmentation du rythme cardiaque et respiratoire des débuts de relation. Elle cause aussi les tremblements et sueurs froides, mais comme la dopamine est plus forte que l’adrénaline, l’aventure amoureuse peut se poursuivre !

La recherche de plaisir du cerveau induit une dépendance à cette décharge de dopamine (celle-là même qui nous rend accros au sucre !), mais plus la relation avance, plus la production de PEA diminue et elle cessera même complètement au bout de 1 à 3 ans. Sans la PEA, la dopamine n’est plus produite et, sans la dopamine, il n’y a plus d’endorphines. Nous devons ainsi l’apparente extinction de la flamme amoureuse à une séquence de changements hormonaux! Pour bien des couples, c’est la fin de la phase passionnelle de la relation et on parle souvent du « cap des 3 ans ».

Passer le cap

Heureusement, plus on passe de temps avec la personne aimée, plus le cerveau va produire de l’ocytocine, appelée aussi hormone de l’attachement. Celle-ci va remettre en marche la production d’endorphines, relaxant les muscles et entrainant le sentiment de confiance en présence de l’autre. L’ocytocine favorise la relation et lui permet de devenir pérenne.

Petit détail à ne pas négliger concernant l’ocytocine : sa production n’est pas spontanée. Contrairement aux autres hormones sur lesquelles nous n’avons pas d’emprise, celle-ci peut être entretenue par des actions concrètes de notre part. Si elle est généralement stimulée par les contacts physiques, elle peut aussi, selon les personnes, être libérée lors de bons moments passés ensemble, par exemple. Les échanges de cadeaux, les compliments ou encore les services rendus à l’autre contribuent également à maintenir le niveau d’ocytocine. On retrouve là d’ailleurs les 5 langages de l’amour décrits par l’auteur Gary Chapman dans son livre du même nom.

On peut donc constater que d’un point de vue chimique, l’amour doit être nourri, ce qui rejoint la doctrine chrétienne sur ce sujet : si l’amour démarre par un sentiment, il s’entretient par la volonté. L’augmentation de l’attachement avec le temps conduit à une relation unique et profonde décrite de manière particulièrement éloquente dans la Bible lorsqu’il est dit que l’homme et la femme « deviendront une seule chair » (Mc 10,8). C’est le type de relation que l’on peut apercevoir en voyant la belle complicité dans certains couples de personnes âgées.

N’en restons pas à la chimie, passons aux actes!

Romain Martiny

Romain est professeur en sciences au collégial.