cheeseburger
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Comment prendre son pied sans se les casser

Un texte d’Anne-Sophie Richard

De nos jours, il est aisé de croire qu’il n’y a plus de restrictions en matière de sexualité. Pour plusieurs, le consentement serait le principe et la fin d’une sexualité épanouie. Rien n’est moins certain.

Le discours ambiant semble tenir à cette idée que, si chacun consent, le sexe est bien fait. (Le ministère de la Santé vous prie toutefois de jouer prudemment afin d’éviter d’attraper une maladie désagréable.)

Mais qu’est-ce que cela implique?

Consentir signifie accepter que quelque chose se fasse, se passe. À quoi consentent donc deux personnes, parfois deux inconnus, qui s’adonnent ensemble à l’union charnelle? À combler un besoin? Besoin de plaisir, besoin d’affection, besoin de relâcher des tensions, besoin de combler un vide?

Une chose est sure: selon cette logique, l’autre est à ma disposition et vice-versa.

Une chose est sure: selon cette logique, l’autre est à ma disposition et vice-versa. Ça a l’air cru dit comme cela, c’est pour ça qu’on le cache derrière un beau consentement qui nous fait croire que nous sommes tout à fait libres.

Mais est-ce là la liberté? Et est-ce là la sexualité?

«Bien user du sexe.» Cette idée implique que le sexe a en lui-même une sorte de programme ou d’ADN, une manière de faire qui lui est essentielle pour qu’il soit «bien» fait.

Un cheeseburger dans ton lit

À ce stade, on peut me reprocher de vouloir donner de l’importance à quelque chose qui n’en a pas. Il est vrai qu’en ces temps-ci le leitmotiv en matière de sexualité semble plutôt être: fais ce qu’il te plait, plutôt que fais ce qui est bien.

Sur ce point, j’aimerais seulement faire remarquer que, en ce qui concerne la nourriture et l’apparence corporelle, le monde nous pousse plus que jamais à faire ce qui est bien pour notre corps et à modérer le plaisir. Yoga, nutrition, diète paléo, calcul des calories, abonnement au gym, mettez-en. On admet aisément que le corps a certaines règles de fonctionnement et qu’en les respectant on y trouverait son compte, voire son bonheur.

Le bien qu’une alimentation saine nous apporterait serait incontestablement plus grand que le plaisir momentané de la malbouffe, par exemple.

Il nous semble évident, à nous, citoyens du monde, que, dans le domaine de l’alimentation, la modération et le choix du «bien» pèsent plus lourd dans la balance que de céder au plaisir qu’un bon cheeseburger quotidien nous donnerait (je vous vois saliver).

Bien que ce conflit intérieur entre notre bien et le cheeseburger reste un combat quotidien (au mieux, hebdomadaire), nous l’acceptons volontiers et nous ne montons pas aux barricades pour le contester en nous plaignant qu’il entrave notre liberté.

Or, pour la sexualité, le discours est un peu différent, alors qu’elle devrait être traitée d’une manière analogue.

Les données scientifiques qui nous convainquent d’opter pour la santé ne sont pas tellement contestables et n’ouvrent pas de débat quant à la profondeur de l’acte de manger. Qui plus est, on voit de plus en plus se propager l’idée qu’il est préférable de manger avec d’autres que seul ou encore autour de la table plutôt que devant la télévision. La relation devient ou plutôt redevient partie intégrante de l’alimentation.

La difficulté qu’amène la réflexion sur le sexe est que les données scientifiques sur celui-ci ne pointent que rarement vers autre chose que la performance, la longueur, la durée, les maladies, et parfois la grossesse.

Ce traitement méthodique de ce qui se passe en notre bas-ventre ne révèle pas ce qu’il y a de plus profond dans cet acte particulier qu’est l’union des personnes.

Et je crois que le mouvement contemporain de la réduction du sexe au statut de loisir s’essoufflera comme celui de l’utilisation de la télé et de la malbouffe s’essouffle quand on prend conscience – par l’expérience plus que par le raisonnement – du manque de relation ou de profondeur qui en découle.

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[Ce texte est tiré du numéro d’hiver 2018 de la revue Le Verbe. Pour lire la suite, cliquez ici]

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