Anne-Marie Ménard
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

Aller au lit avec Laurence plutôt qu’avec Anne-Marie

Comme moi, vous avez sans doute consulté les livres que recommande Salut Bonjour pour la Saint-Valentin! La liste a de quoi surprendre. En première position, on y trouve : Petit manifeste de la masturbation féminine. Moi qui pensais naïvement que la Saint-Valentin fêtait le couple. Passons au second, alors : Au lit avec Anne-Marie. La sexualité féminine sans tabous, pour plus de plaisir!

Comme je ne recule jamais devant le plaisir, je me suis procuré l’essai d’Anne-Marie Ménard. Ma lecture m’a toutefois déçue, elle n’a rien compris au plaisir!

Pour jouir davantage, il vaut mieux s’en tenir à l’enseignement de l’Église. Et plutôt que d’aller au lit avec Anne-Marie, choisissez Laurence. Vous y gagnerez au change, même si je parais peut-être moins pétillante à première vue.

Vous voulez une preuve? Comparons, alors!

Au lit avec Anne-Marie

À quoi devez-vous vous attendre si vous allez au lit avec Anne-Marie ? Et qui est-elle d’abord? Avant l’intimité physique, il faut faire minimalement connaissance, après tout! 

Anne-Marie Ménard détient un baccalauréat en sexologie, ainsi qu’un certificat en études féministes. Elle ne fait cependant pas partie de l’ordre des sexologues, puisqu’à son avis,il s’agit d’une formalité inutile. Elle souhaite, comme Socrate, libérer le peuple de son ignorance, pour sa part, un lit à la fois. Sa popularité est grandissante et beaucoup la suivent sur les réseaux sociaux et à la radio. 

Les présentations faites, passons enfin aux choses sérieuses : le sexe.

À la très juste question du but de la sexualité, Anne-Marie Ménard répond : le plaisir.

La finalité étant posée, tout le reste n’est qu’une question de moyens pour maximiser ce plaisir. Voici quelques trucs proposés par l’auteure :

  1. Utilisez toutes les zones érogènes possibles, la manière importe peu;
  2. Armez-vous de jouets de toutes sortes pour agrémenter les ébats (d’ailleurs – oh, surprise! – elle en vend elle-même au besoin);
  3. Masturbez-vous, on n’est jamais mieux servi que par soi-même;
  4. Pratiquez la pleine conscience et le tantrisme, seul ou en couple, pour redonner à la sexualité sa dimension sacrée et spirituelle.

Le dernier conseil d’Anne-Marie surprend. De quelle dimension sacrée et spirituelle parle-t-on ici?

Il s’agit d’une spiritualité bien vague : focaliser sur le moment présent, prendre conscience de ses sensations, de ses sentiments, etc. En fin de compte, le but demeure toujours d’augmenter son propre plaisir. Est-ce donc le plaisir qui est sacré?

Au lit avec Laurence

L’offre d’Anne-Marie Ménard peut sembler alléchante, mais en réalité, et c’est un fait d’expérience : qui fait du plaisir le but premier le perd, inévitablement. Paradoxe? Pas tant que ça. Pour le voir, revenons un peu en arrière.

Qui fait du plaisir le but premier le perd, inévitablement

Posons cette question : le plaisir peut-il constituer le but principal d’une activité naturelle, comme la sexualité? Et prenons un exemple simple pour y répondre : manger. Évidemment, manger procure du plaisir! Dira-t-on que c’en est là le principal objectif? Certainement pas! On mange premièrement pour se nourrir, secondairement pour communier avec les gens avec qui on partage le repas. Tout cela procure du plaisir, par surcroit.

Le plaisir accompagne, motive et parachève l’activité. Le plaisir, c’est l’émotion qu’on ressent à la possession d’un bien. Se nourrir est un bien, donc j’ai du plaisir. Communier avec ma famille et mes amis est un bien, donc j’ai du plaisir.

Le plaisir, écrit Aristote, découle du bien, comme la beauté de la jeunesse. En étant jeune, on est beau. Mais en se mettant beau, on ne redevient pas nécessairement jeune…

C’est la même chose pour le bien et le plaisir. Le plaisir découle du bien, le suit, mais pas nécessairement l’inverse. Ainsi, qui cherche principalement le plaisir, sans égard pour le bien, finit par perdre le bien, et par voie de conséquence, le plaisir.

Même constat pour la drogue. On y trouve un certain plaisir au départ, mais, rapidement, le plaisir s’évanouit. Il ne reste alors que deux options : revenir au bien véritable ou augmenter la dose.

Même chose en amitié également. Chercher l’amitié principalement pour le plaisir, c’est se condamner à demeurer insatisfait. Il faudra remplacer les amis, en trouver de plus drôles ou de plus fous, bref augmenter l’intensité ou comprendre que l’amitié véritable ne se fonde pas premièrement dans le plaisir.

La sexualité suit les mêmes règles. Oubliez les biens véritables de la sexualité et le plaisir vous quittera, tranquillement, mais surement. Il vous faudra alors vous tourner vers les conseils d’une Anne-Marie, commander quelques « gogosses » en plastique, toujours plus extravagantes les unes que les autres, en espérant que cela augmente l’intensité de vos ébats sexuels et vous permette de capturer un peu de plaisir, ici et là.

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Les biens de la sexualité

Quels sont alors les biens naturels de la sexualité? D’abord la fécondité. Comme manger fait vivre l’individu, se reproduire fait vivre l’espèce. On peut jouer à l’autruche et se mettre la tête dans le sable, mais c’est une évidence : le sexe existe naturellement en vue de la reproduction. C’est le bien principal qu’il procure.

Évidemment, toute relation ne mène pas à un enfant. Mais elle ne peut s’y opposer artificiellement sans faire mentir la relation. Nier cette finalité, ce serait comme se faire vomir après avoir mangé.

Et encore, de même que manger permet la communion au sein de la famille, la relation sexuelle comporte un autre bien : la communion des époux et, par cela, un renforcement dans leur fidélité réciproque.

Quand un couple respecte ces deux biens, la fécondité et la communion, le plaisir jaillit. Et le sexe n’a rien d’ennuyant! Tant que fécondité et communion demeurent au centre de la relation sexuelle, tant que le plaisir n’en est pas le maitre, on peut s’y adonner sans honte ni vergogne!

« Cherchez d’abord le Royaume des Cieux et le reste vous sera donné par surcroit », le conseil vaut aussi pour le plaisir au lit!

Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.