amour
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

L’amour vrai, l’amour libre

On reproche souvent aux catholiques, et aux chrétiens en général, d’adhérer à une vision rétrograde et même contraignante de la sexualité. C’est d’ailleurs la dimension de la foi la plus critiquée: on ridiculise sans vergogne les enseignements de l’Église sur la chasteté, mais rarement ceux qui ont trait à la procession des personnes divines dans la Trinité.

Il est tout à fait légitime, après tout, de vouloir passer au crible ce qui exigerait le plus directement un changement dans notre mode de vie. Avec un peu de recul historique, nous pouvons néanmoins comprendre que nos aprioris dépendent quelquefois du contexte dans lequel nous vivons.

En effet, dans l’Antiquité, les chrétiens étaient honnis non pas parce qu’ils paraissaient exécrer la chair, mais bien plutôt parce qu’ils l’avaient sacralisée, au contraire de leurs contemporains. C’est ainsi qu’on en est venu à désigner le christianisme comme la religion du corps. Comment en serait-il autrement d’une foi en un Dieu qui s’est fait chair?

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Le corps sacré

Le corps humain est ainsi devenu le moyen par excellence du salut pour l’humanité; il apparait comme l’instrument privilégié que Dieu a choisi pour nous aimer, pour se donner à nous et nous montrer comment l’imiter. C’est ce qui a fait dire à Jean-Paul II:

«Le corps en effet – et seulement lui – est capable de rendre visible ce qui est invisible: le spirituel et le divin. Il a été créé pour transférer dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et en être le signe visible.»

Audience générale du 20 février 1980

La sexualité, de même que la génitalité qui en est seulement une partie, existe par conséquent en vue du don de nous-mêmes, pour faire l’expérience concrète et charnelle de l’amour-charité (agapè). La Croix en est l’exemple suprême. C’est aussi vrai toutes les fois où nous portons dans notre chair des souffrances à cause de l’autre ou pour l’autre.

Cette relation inextricable entre le corps et le cœur est sans doute la raison pour laquelle il est difficile de ne pas parler de sexualité quand on veut parler d’amour. On ne saurait cependant réduire l’un à l’autre, ni non plus les séparer. De même, on ne peut ramener au corps tout ce qui se joue au niveau de l’âme, du cœur.

Comme l’explique le philosophe Fabrice Hadjadj dans son incontournable essai La profondeur des sexes, le chrétien ne veut rien d’autre qu’aller jusqu’au bout du don de sa sexualité en intégrant toutes les dimensions de son être et en assumant pleinement tout ce qu’elles impliquent. Pas question de se morceler. C’est ce qu’on pourrait appeler « l’amour intégral », vécu en pleine vérité.

Cet article est d’abord paru dans notre numéro spécial Hiver 2018. Cliquez sur la bannière pour y accéder en format Web.

Jusqu’au bout du don

«Amour et vérité se rencontrent», nous dit le psaume 84. Le véritable amour peut exister dans la mesure où il désire le bonheur réel de l’autre et se donner sans faux-fuyant. Le Christ nous dit, en effet, que c’est la vérité qui nous rendra libres; seulement lorsque nous sommes vidés de nos illusions et des mensonges sur nous-mêmes, sur les autres et sur notre vie, nous pouvons aimer en vérité.

Un amour libre est donc un amour vrai. Il n’est plus libre quand une dimension de notre personne est occultée et quand, dans notre vie, en l’occurrence dans notre vie affective ou sexuelle, toutes les raisons d’être de ces dimensions ne sont pas intégrées et respectées. Bref, quand elles ne prennent pas la place qui leur revient.

On pourrait dire que, pour le chrétien, le sexe au sens strict n’existe pas. Il y a seulement l’amour, qui suppose la sexualité (le fait d’être homme ou femme) et implique, dans la plupart des cas, mais pas toujours, la génitalité.

Vécu selon d’autres modalités, l’amour détruit.

En fait, il n’est plus amour, mais comparaison, possession, domination, avoir raison. Il est le principe même de l’existence, de la vie, uniquement quand il découle de celui qui est l’Amour. Car Dieu est amour, nous dit saint Jean, et, que nous en soyons conscients ou non, lui seul peut nous donner d’aimer comme Lui.

James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.