amour

Tester l’amour avec Scott Hahn

Scott Hahn est un théologien biblique. Auteur reconnu, converti du protestantisme au catholicisme, il enseigne à l’Université franciscaine de Steubenville et préside le St. Paul Center for Biblical Theology. Il nous fait le grand honneur de cet entretien.

Qu’est-ce qu’un sacrifice?

Le sacrifice est généralement identifié à une offrande extérieure qui est physique, visible, comme une expression de notre dévotion et de notre soumission à Dieu. En même temps, nous devons souligner qu’il n’est pas simplement extérieur. Il doit être d’abord et avant tout intérieur et venir du cœur.

Sans entrer dans les débats concernant l’étymologie, j’ai tendance à pencher vers ce dont parle saint Augustin, à savoir que le sacrifice consiste à rendre quelque chose sacré. Il part du cœur, de l’amour. Et puis, comme nous ne sommes pas des anges, nous l’exprimons physiquement. Le sacrifice est quelque chose qui se fait personnellement et en privé, mais aussi socialement et publiquement.

Le sacrifice est également identifié comme l’expression principale de la religion. Mais dès que je parle de religion, les gens vont lever les yeux au ciel et dire: «La religion? Qu’est-ce que c’est?»

On pourrait réhabiliter la religion en soulignant que, dans l’étude de l’anthropologie à travers les âges, toutes les cultures ont une certaine religion. Mais ce n’est pas spécifiquement ce que j’ai à l’esprit ici, car depuis le siècle des Lumières, nous avons détourné la religion. Nous avons vu la religion être détournée et réduite à une sorte de principe générique applicable à tous, d’une manière qui n’est vraiment pas équilibrée et qui demeure problématique.

J’exprimerais la notion de religion en termes classiques, en m’inspirant non seulement des Écritures, mais aussi de saint Augustin, de saint Thomas d’Aquin et de la grande tradition. Mais plus encore, je citerais Platon et Aristote, Cicéron et Sénèque. Dans les sources gréco-romaines, on a le sentiment que, même en dehors d’Israël et du christianisme, il y a religion.

Qu’est-ce que la religion? C’est l’expression de la justice. Quel est le rapport entre la religion et la justice? Il ne semble pas y avoir beaucoup de liens, n’est-ce pas? Or, si nous comprenons la justice au sens classique du terme, elle consiste à donner aux autres ce qu’on leur doit. Au supermarché, c’est facile. Il suffit de payer ce avec quoi l’on sort du magasin.

Mais d’autres formes que l’échange commutatif requièrent la justice. Il y a un aspect distributif, où vous devez donner aux autres ce dont ils ont besoin. Nous pensons généralement que cet aspect est un peu plus élevé que l’échange transactionnel – lorsque l’on s’occupe de la veuve, de l’orphelin, et aussi de son enfant en bas âge et de ceux qui sont dans le besoin.

Plus précisément, certaines formes de justice sont, au sens strict, irréparables. On ne peut pas rembourser la dette que l’on a envers ses parents, alors on honore son père et sa mère. On ne peut pas rembourser la dette que l’on a envers la société qui pourvoit au bien commun au-delà de la famille: le patriotisme est ainsi la vertu de la justice lorsqu’il s’agit de l’ordre civil.

Mais la forme la plus élevée de justice semble être la plus insaisissable, ou oubliée, niée, et c’est la religion. C’est ce que l’on trouve dans les œuvres de Cicéron, et c’est ce que l’on trouve encore plus clairement exposé chez saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. Dans la Somme, ce dernier dit, en se référant à Cicéron et à d’autres, que la religion est la vertu des vertus.

C’est la forme la plus élevée de justice, car elle représente la plus grande dette que nous ayons, qui va au-delà de ce que nous devons à nos parents. Elle va au-delà de ce que nous devons à nos gouvernants. C’est ce que nous devons à Dieu, qui est la source de toutes nos vies et la finalité de notre existence. Et donc, que faisons-nous? La religion est cette vertu, et la religion exige l’expression du sacrifice. Le sacrifice est offert à Dieu et à Dieu seul.

Cela m’amène au troisième point, qu’Augustin, Thomas d’Aquin et d’autres ont soulevé et que nous avons pratiquement oublié. Le sacrifice est l’expression de la religion, et la religion est la forme la plus élevée de la justice. Conséquemment, l’irréligion est en soi une injustice, et pas une petite injustice. Si vous ne payez pas la plus grande dette que vous avez contractée, quelque chose ne va pas du tout, même si personne ne le reconnait comme tel.

Durant la liturgie eucharistique, nous disons toujours: «Cela est juste et bon.» Cette idée nous montre qu’il serait mal de ne pas le faire, que ce serait injuste. Mais ce n’est pas seulement «juste et bon, toujours et en tout lieu» pour les individus et pour les groupes, ou pour les petites associations volontaires. En effet, ces quelques mots de la liturgie en disent probablement davantage que nous ne le réalisons lorsque nous assistons à la messe. Elles pointent directement vers cette notion de sacrifice.

Quels liens peut-on faire avec la tradition judaïque?

Lorsque vous offrez un sacrifice à Dieu, vous accomplissez la plus haute forme de justice – la religion – tout en respectant ce que Jésus appelle le plus grand commandement de la loi. Les rabbins en énumèrent 613, mais il est clair que le plus important est le suivant: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force» (Dt 6,5). Le second est: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Lv 19,18).

Or, l’amour de Dieu et l’amour du prochain ne sont pas interchangeables. Il ne s’agit pas d’un assortiment aléatoire. Toutes les lois ne sont pas égales. En fait, tous les autres commandements, y compris les dix commandements, relèvent de l’une ou l’autre de ces deux catégories. Les trois premiers commandements du décalogue constituent la première table de la Loi. Ils ont tous trait à notre devoir envers Dieu: ne pas avoir d’autres dieux, ne pas prononcer son nom en vain et se souvenir du sabbat pour le sanctifier. Ce dernier élément est d’ailleurs la seule occurrence de la notion de sainteté dans l’ensemble des dix commandements, car, justement, ce que nous devons à Dieu dans cet axe vertical est la sainteté. Ce que nous devons à nos semblables, dans l’axe horizontal de la communauté, c’est la justice.

Le premier axe relève du domaine du temple, où le grand prêtre préside en présence de Dieu pour offrir des sacrifices. Le second est le domaine du roi, de la cour, etc. C’est là que les fonctionnaires accomplissent leur devoir: la loi, la médecine, l’armée, le gouvernement, etc.

La religion s’exprime ainsi par le sacrifice et remplit le plus important des commandements. On comprend alors pourquoi Thomas d’Aquin la décrit comme virtus virtutum, la vertu des vertus. Seule la religion a cette capacité d’organiser notre vie dans son intégralité: le privé, le public, l’individuel, le social. Pas seulement ma vie et ta vie, mais toutes nos vies. Puisque Dieu est la source de notre vie et de l’ordre social, la religion en général, et le sacrifice en particulier, ont la capacité de nous unir plus profondément que n’importe quelle autre action humaine, si elle est bien menée.

Comment le sacrifice d’un animal ou de toute autre créature peut-il plaire à Dieu ou nous aider dans notre relation avec lui?

Cette question reflète, je pense, l’incompréhension la plus courante de ce qu’est le sacrifice dans la religion biblique, soit la manière dont les Israélites ont fait pour leur Dieu ce que la plupart des autres nations ont fait pour leurs divinités.

Nous voulons exprimer notre reconnaissance au niveau le plus bas; mais au niveau le plus élevé et le plus mystérieux, nous voulons apaiser, nous voulons calmer la colère divine. Et c’est là que, par un tour de passepasse, la grande confusion s’introduit d’une manière subtile qui peut devenir tout à fait substantielle.

Ce que souligne Thomas d’Aquin – et bien d’autres aussi –, c’est que, lorsque nous sacrifions à Dieu, nous ne lui donnons rien qui lui manque. Alors, pourquoi devons-nous l’adorer? Pourquoi est-il «juste et bon de [lui] rendre grâce, toujours et en tout lieu»? Parce que la source de la création divine n’est pas seulement sa puissance, sa sagesse et sa bonté, mais surtout l’amour qui unit ces attributs divins.

Il nous ordonne de l’adorer non pas parce qu’il en retire quelque chose, mais parce que nous en retirons quelque chose. Non seulement nous accomplissons notre nature, mais en même temps nous nous ouvrons à recevoir quelque chose d’encore plus grand que les dons qu’il a faits pour nous dans le monde créé.

En fin de compte, l’ancienne alliance est réductible à tous les dons que Dieu nous a faits et que nous ne méritons pas. Mais la nouvelle alliance consiste en ce que Dieu nous donne un cadeau qui surpasse toutes ces choses créées. La grâce de la nouvelle alliance, le don de Dieu qui vient en réponse au sacrifice de la messe, c’est que le don qu’il nous fait est le don de lui-même, le don de sa propre vie.

C’est une chose d’avoir une vie humaine, une famille humaine, une société humaine et de remercier Dieu, de le louer et d’offrir des sacrifices. C’est une autre chose de voir comment Dieu nous élève du statut de créatures – qui sont des servantes, qui rendent la justice par le moyen de sacrifices – afin qu’il puisse nous bénir continuellement.

Le seul véritable test de l’amour ne consiste pas à demander à quelqu’un: «Aimez-vous Dieu?», mais plutôt:
«Aimez-vous Dieu plus que vous-même?».

Jésus dit: «Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir» (Mt 5,17). Cette notion d’accomplissement implique une plénitude, une plénitude qui déborde. En un sens, c’est comme le vin nouveau qui fait exploser les vieilles outres. Nous avons été créés non seulement pour être des créatures droites dans une société créée, mais aussi pour participer à la vie divine de la Sainte Trinité.

C’est la trajectoire ultime du sacrifice dans l’histoire du salut. Il me semble que l’on est ainsi soudainement confronté à une série de propositions qui ne sont pas seulement vraies dans le sens où nous pourrions les mémoriser, mais qui sont cumulatives, dans le sens où la logique interne d’une bonne compréhension du sacrifice, de la religion et de l’Alliance est que Dieu nous aime au-delà de nos rêves les plus fous, et que Dieu est entré en solidarité avec nous au-delà de nos espérances les plus élevées.

Que signifient certains des différents types – ou noms – de sacrifices dans l’Ancien Testament: sacrifice de paix, de communion, de culpabilité, votif ou volontaire, d’investiture, d’expiation, de réparation, d’action de grâces, d’ovation, d’holocauste, etc.?

Comme je l’ai dit, le sacrifice exprime la religion, la forme la plus élevée de justice, qui à son tour est l’expression de l’amour jusqu’au mépris de soi. Il est facile d’aimer Dieu quand il vous aime, quand la réciprocité est fondamentalement une question de parité et d’équilibre. Plus je te donne, plus tu me donnes. Qui ne voudrait pas renforcer cette relation et se conformer aux exigences de l’alliance?

Le seul véritable test de l’amour ne consiste pas à demander à quelqu’un: «Aimez-vous Dieu?», mais plutôt: «Aimez-vous Dieu plus que vous-même?». Vous pouvez répondre: «Je le veux… Je pense que oui… Oui!» Eh bien, que faites-vous? Vous pouvez payer la dime – 10 % chaque dimanche –, consacrer du temps à l’adoration, lire la Bible, etc. Ici, vous versez essentiellement votre vie dans un compte-goutte, en pressant une goutte à la fois.

Dieu aime tout cela, mais en fin de compte, le seul véritable test qui prouve, purifie et perfectionne votre amour de Dieu plus que de vous-même est l’holocauste, le sacrifice.

«Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps» (Hé 10,5). Il s’agit naturellement ici des offrandes que Dieu a prévues pour les Israélites, dans les chapitres 1 à 5 du Lévitique. Du point de vue de l’Ancien Testament, dans le Lévitique, il y a cinq types de sacrifices différents. Mais si l’on se place du point de vue du Nouveau Testament, il faut se rendre compte que le sacrifice du Christ est plus beau, plus précieux que, disons, le plus précieux des diamants.

Un tel diamant pourrait avoir cinq facettes principales, tout comme le sacrifice parfait du Christ a cinq facettes que vous trouvez dans le Lévitique (chap. 1-5). Or, tous ces sacrifices ont été voulus en vue du Christ. Ce n’est pas comme si le Christ était le plan B parce que nous avons échoué dans le plan A: «Nous voulions ceci, mais Dieu voulait plus.»

Dieu a fondamentalement créé dans l’Ancien Testament une loi d’alliance qui est prophétique. Elle est parabolique. C’est un signe qui pointe vers quelque chose de plus grand. C’est la vie créée de la société humaine, correctement ordonnée, mais c’est en fin de compte la vie incréée d’une société divine qui est éternellement ordonnée: la Trinité. Nous sommes faits dans une famille, mais nous sommes faits pour une famille qui est éternelle et parfaite, d’une manière qui dépasse les simples analogies. Pour moi, c’est la raison pour laquelle le sacrifice de la messe n’accomplit pas seulement la loi naturelle, la loi mosaïque et le Lévitique, chap. 1-5. C’est comme une roue dont tous les rayons convergent vers le moyeu de la roue, et le moyeu est le Christ.

Toute expression d’amour pour Dieu – et surtout cet amour pour Dieu qui montre que nous l’aimons plus que nous-mêmes – n’est pas piétiste, n’est pas irréaliste. Cet amour est tout à fait rationnel. Si la bonté est l’objet de l’amour, nous aimer nous-mêmes autant que Dieu est irrationnel; nous aimer plus que Dieu est contraire à la nature et à la raison. Aimer Dieu plus que nous-mêmes, c’est fondamentalement, dans le domaine moral, comme 2 + 2 = 4 dans le domaine des mathématiques. C’est tout simplement raisonnable. C’est pourquoi le fait que nous, catholiques, offrions nos vies en tant que martyrs est si agréable à Dieu, si semblable au Christ. C’est la logique de l’amour qui est inscrite dans chacune des lois.

Quelles sont les différences entre le sacrifice du Christ et les sacrifices païens, ou même les sacrifices de l’Ancien Testament?

Je pense que nous devons prendre du recul et reconnaitre que la plupart des sacrifices qui ont été offerts à travers les âges par les êtres humains étaient erronés et non neutres, pas seulement un peu décalés. Je dirais que, du point de vue d’Augustin dans La Cité de Dieu, toutes les civilisations sont fondées sur des religions presque entièrement fausses, ce qui signifie que leurs sacrifices étaient, pourrait-on dire, maléfiques, démoniaques ou erronés à la base.

Les Saintes Écritures nous montrent quelque chose qui est profondément lié à l’alliance. C’est-à-dire qu’elles nous montrent, du point de vue paternel de Dieu, que nous étions autrefois une famille. Le chapitre 10 du livre de la Genèse montre que toutes les nations sont issues de 70 individus qui descendent tous d’un seul père, Noé. Aucun autre groupe de population du Proche-Orient ancien ne dispose d’une vision du monde suivant laquelle même nos ennemis nous sont apparentés. Tel est le plan paternel de Dieu.

Comme je le dis souvent, l’alliance est tridimensionnelle. C’est la vie partagée au sein d’une famille; c’est la loi et les obligations qui protègent les relations familiales; mais avant tout, c’est une liturgie, un sacrifice. C’est ainsi que nous gagnons plus de grâces pour consacrer nos familles, nos mariages, nos enfants, et respecter les lois pour retourner à l’autel et offrir un sacrifice.

C’est la clé pour comprendre pourquoi Dieu crée le monde en six jours, juste à temps pour bénir et sanctifier le septième jour, le sabbat. C’est le signe de l’alliance dans l’Exode, chapitre 31.

Dieu a créé le monde comme une maison. Or, qu’est-ce que Jésus appelle «la maison de mon Père»? Un temple. La première personne appelée «Fils de Dieu» est d’ailleurs Salomon, qui a construit le temple en sept ans, juste à temps pour le consacrer au septième mois. Le calendrier lévitique compte sept fêtes liturgiques. La septième est la fête des Tabernacles, qui dure sept jours. Ainsi, le septième jour de la septième fête, au septième mois de la septième année, Salomon consacre le microcosme qu’est le temple de Jérusalem, tandis que Dieu, son Père, consacre le cosmos en tant que temple cosmique.

Il s’agit d’une vision liturgique du monde, pas d’une vision scientifique du monde qui nous dit combien de temps ou quels processus chimiques ont été impliqués dans le bigbang. Elle nous montre le cosmos à travers les yeux de la foi. Dans le premier chapitre de la Genèse, nous pouvons voir le monde comme un temple. Nous pouvons voir le jardin, dans le deuxième chapitre de la Genèse, comme le Saint des Saints, le sanctuaire. Nous pouvons voir que notre premier père, qui a reçu la domination royale, est appelé à être un grand prêtre et à offrir un sacrifice. Lorsqu’il n’y parvient pas, il est chassé. Deux chérubins sont postés à l’entrée du jardin. Tout Israélite sait qu’il n’y a que deux chérubins dans le Saint des Saints, surplombant le propitiatoire. Il s’agit d’une cosmologie liturgique, d’une anthropologie liturgique, d’une manière liturgique de voir le salut.

En fait, le Christ fait ce qu’Adam aurait dû faire, en défaisant ce qu’il a fait. Et puisque nous étions en Adam, qui a commis un péché mortel, fermant la vie de Dieu dans son âme, nous héritons de lui une nature humaine totalement dépourvue de vie divine. Pour nous, catholiques, le péché originel n’est pas une dépravation totale. Nous ne sommes pas dépravés, mais nous sommes privés de la vie divine que notre premier père a perdue en commettant un suicide spirituel. En un sens, le baptême signifie que nous mourons au péché mortel, que nous mourons au péché originel et que nous ressuscitons dans le Christ pour être unis à un nouvel Adam, de sorte que tout ce que nous faisons, c’est lui qui le fait en nous.

«Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2,20). Il ne s’agit pas d’un effacement bouddhiste du moi, mais d’une élévation du moi par la mort et la résurrection, de sorte que le Christ puisse réellement être le père fondateur d’une humanité divinisée entièrement nouvelle.

Quelles sont les principales préfigurations du sacrifice du Christ dans l’Ancien Testament?

Permettez-moi de dire quelques mots sur ce que la messe nous dit de ce qu’a fait Abel. Dans la Genèse, le service fidèle d’Abel à Dieu lui a couté la vie par un fratricide. Il en va de même pour la construction de l’arche par Noé. La première chose qu’il fait en descendant de l’arche est de construire l’autel et d’offrir le sacrifice.

Dès qu’Abraham obtient la Terre promise dans le chapitre 12 de la Genèse, il commence à joncher le pays d’autels pour offrir des sacrifices. Il offre ensuite le bétail, les moutons, les chèvres. Il offre son propre prépuce dans la Genèse, chapitre 17. Il offre son propre fils bienaimé dans la Genèse, chapitre 22. L’amour de Dieu grandit dans ces médiateurs élus, et c’est pourquoi il y a des sacrifices. Tout un éventail d’expressions diverses du sacrifice qui sont résumées et synthétisées dans le Lévitique, chapitres 1-5.

Ce sont là les principales facettes du diamant dont nous parlions plus tôt, pourrait-on dire, mais il y a beaucoup d’autres facettes mineures. Tous les sacrifices que vous voyez dans l’ensemble de l’Ancien Testament nous montrent que ces hommes et ces femmes fidèles, à travers les yeux de la foi, voient le monde comme un temple, voient leur vie comme un sacrifice vivant d’amour. Ce n’est pas comme si le Christ disait : «Ils ne cessent d’échouer, ils ne cessent d’échouer. Père, qu’allons-nous faire?» C’est la seule chose qui était déterminée et décrétée depuis le début, de toute éternité.

«Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture: ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé» (1 Co 2,9) Qu’est-ce que c’est? Le Fils devient le serviteur pour exprimer par la souffrance humaine un sacrifice qui accomplira et satisfera la Loi, mais qui ouvrira aussi la vie intérieure de la Trinité, de sorte que ce que vous voyez sur le calvaire n’est pas la Trinité éclipsée parce que le Père ne peut pas vraiment voir son Fils. Non. C’est le dévoilement de la vie intérieure du mystère du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il ne perd pas sa vie, il la donne.

Et c’est l’eucharistie qui transforme cette exécution en véritable sacrifice.

Benjamin Boivin

Diplômé en science politique, en relations internationales et en droit international, Benjamin Boivin se passionne pour les enjeux de société au carrefour de la politique et de la religion. Toujours prêt à débattre des grandes questions de notre époque, il assume le rôle de chef de pupitre pour les magazines imprimés au Verbe médias.