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Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

L’histoire méconnue du Carnaval

Le Carnaval de Québec est l’un des évènements majeurs de l’hiver dans la Vieille Capitale. S’étirant sur une quinzaine de jours, il rassemble des touristes du monde entier, en particulier des familles avec de jeunes enfants. Devant les sculptures de glace, les glissades de neige ou le déguisement du Bonhomme Carnaval, il est difficile d’imaginer que ces festivités nous viennent de contrées beaucoup plus chaudes!

Les premières traces de fêtes impliquant de la musique, des défilés et des déguisements se trouvent en Mésopotamie avec les Sacées. Elles se déroulaient au début du printemps et, pendant cette période, les rôles étaient même inversés : les esclaves prenaient la place des maitres, les enfants celle des parents, et les femmes celle des hommes.

Des festivités similaires avaient également lieu en Grèce antique, lors des grandes Dionysies. Elles se tenaient également au début du printemps et étaient célébrées en l’honneur de Dyonisos, le dieu grec de la fécondité, du vin et de la nature. Les rôles n’y étaient pas inversés; ce sont plutôt les représentations théâtrales qui avaient la belle part. Les Romains s’en sont inspirés ensuite pour les Bacchanales, les fêtes de Bacchus, l’alter ego latin de Dyonisos. Ces fêtes se sont par la suite étendues dans le monde romain.

Une fois le christianisme devenu religion officielle de l’Empire, l’Église a tout d’abord voulu supprimer ces fêtes païennes, car elles empiétaient souvent sur la période du carême, qui n’est guère propice à ce type de célébration ! Ces célébrations étant trop ancrées dans la culture populaire, les tentatives ont cependant toutes échoué.

Au Moyen Âge, si l’Église a choisi la tolérance pour éviter les révoltes populaires, elle a cependant décidé de les encadrer. Elles ont été ainsi décalées et placées entre l’Épiphanie et le Mardi gras, une période où sont permis les excès de nourriture avant les restrictions du carême. En italien, on a nommé cette période « carne levare », ce qui signifie « retirer la viande », et qui a donné le nom «carnaval» en français.

En plus de l’importante consommation de nourriture, l’Église acceptait également les défilés et les déguisements. Ceux-ci permettaient aux gens de se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre, ce qui était d’ordinaire très difficile dans ces sociétés très hiérarchisées où chacun appartenait à une classe sociale distincte dont il était très difficile de s’extraire.

Se déguiser pour le Mardi gras est plus conforme à la tradition de l’Église que se déguiser pour l’Halloween!

Le point culminant de la période du carnaval était bien entendu le Mardi gras, le dernier jour où tous ces excès et excentricités sont autorisés. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, dans certains pays de tradition catholique, les enfants se déguisent à l’école pour le Mardi gras.

Après la réforme protestante, le carnaval a survécu seulement dans les régions catholiques. Les confessions protestantes ne célèbrent pas le carême ou le font seulement dans un sens spirituel, soit sans privations ni jeûne, ce qui a rendu désuet le carnaval. Par la suite, la baisse de la pratique religieuse au XIXe siècle et l’allègement du carême après le concile Vatican II ont contribué à réduire encore la pertinence du carnaval, jusqu’à le faire complètement disparaitre de certaines régions.

Le carnaval est cependant toujours célébré dans plusieurs villes du monde comme Cologne, Venise ou Rio de Janeiro. Même si cette dernière est considérée comme la capitale mondiale du carnaval, la ville étant restée le plus fidèle aux traditions est sans doute la légendaire Nouvelle-Orléans.

La grande cité du sud de la Louisiane est l’une des rares ou le carnaval est encore célébré de l’Épiphanie jusqu’au Mardi gras, et on peut y assister à des défilés tous les jours ! S’inspirant des traditions françaises, espagnoles et antillaises, ce carnaval est probablement le plus riche d’Amérique du Nord. Les costumes, la musique et les nombreuses spécialités culinaires locales en font une expérience qui ravit les cinq sens. L’apothéose des festivités est bien entendu le jour du Mardi gras, qui est d’ailleurs un jour férié dans l’État de Louisiane.

Malgré ses origines païennes, le carnaval est depuis longtemps célébré chez les catholiques. Se déguiser pour le Mardi gras est plus conforme à la tradition de l’Église que se déguiser pour l’Halloween!

Romain Martiny

Romain est professeur en sciences au collégial.