La vie de foi, est-elle un mouvement rationnel – intelligible et intelligent –, intrinsèque et propre à l’être humain. Ou serait-elle plutôt la manifestation d’une névrose? Les croyants ne chercheraient-ils pas simplement à sublimer le manque d’une figure paternelle? Voilà la question fondamentale posée dans le film Freud’s Last Session, sorti en salle le 12 janvier dernier.
Le film présente une rencontre imaginaire entre Sigmund Freud (magnifiquement joué par Anthony Hopkins) et C. S. Lewis, écrivain britannique chrétien et auteur notamment des Chroniques de Narnia (interprété magistralement par Matthew Goode).
Si la rencontre est imaginaire, elle est toutefois basée sur un fait réel. À la veille de son suicide assisté, Sigmund Freud a rencontré un professeur de l’université d’Oxford qui aurait bien pu être Lewis. Le dramaturge américain Mark St-Germain a alors imaginé la rencontre qui est présentée dans ce film.
Un enjeu fondamental
L’enjeu de l’existence de Dieu, soulevé dans ce film, est de taille. En effet, comme cette question surgit tôt ou tard chez la plupart d’entre nous, elle peut, si mal posée, entrainer une descente « aux enfers » sur les plans professionnel, émotionnel et relationnel.
Évidemment, cette question peut être explorée sous divers aspects. Les protagonistes de Freud’s Last Session en abordent plusieurs: philosophiques, psychologiques, scientifiques. Et vous pouvez allonger la liste!
Freud’s Last Session, c’est cette conversation entre deux êtres passionnés par l’humain et par Dieu, chacun à sa manière.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur une phrase de l’ouverture du film, et qui est reprise par Freud et Lewis : « Comme je voyageais par le désert, j’arrivai dans un lieu où il y avait une caverne. Je m’y couchai pour prendre un peu de repos et, m’étant endormi, j’ai rêvé ». Il m’apparait que cet extrait donne la clé de lecture de Freud’s Last Session et de cette rencontre imaginaire.
Cette phrase est la première du livre de John Bunyan Le Voyage du Pèlerin, publié en 1678. Ce livre a influencé le parcours spirituel de C.S. Lewis qui a d’ailleurs publié, en 1933, le roman Le Retour du Pèlerin. Ce roman de John Bunyan s’avère une œuvre majeure de la littérature anglaise et, si j’ose dire, de la littérature universelle. Elle présente le voyage d’un homme nommé Christian (pour chrétien) de la Citéterrestre vers la Cité éternelle. De ce monde qui passe vers le monde qui demeure pour toujours.
Le pèlerinage de notre vie
Comment fait-on ce pèlerinage de la vie? S’il s’agit de considérer notre vie comme un pèlerinage, un monde de passage, il faut bien définir d’où on part et où on va. Le chemin indiqué dans Le Voyage du Pèlerin est celui du rêve et de l’interprétation de notre monde comme un symbole nous désignant les réalités de l’au-delà.
Rappelons que la citation qui ouvre le livre de Bunyan est celle du prophète Osée : « J’ai parlé aux prophètes, j’ai multiplié les visions et, par les prophètes, j’ai proposé des paraboles ». (Os 12,10). Il s’agit précisément du rêve et de son interprétation.
C’est exactement de cela qu’il s’agit dans le grand débat qui anime Freud et Lewis tout au long du film.
Si l’un (Freud) insiste sur l’importance absolue de l’immanence dans son approche détachée de la transcendance et fait de l’être humain la seule référence pour comprendre l’humain, l’autre (Lewis) essaie de dire que la compréhension de l’humain se situe au-delà de lui-même.
Si Freud soutient que l’idée de Dieu n’est qu’une illusion de la raison, Lewis, dans la lignée de la grande tradition, affirme l’opposé. Ainsi, le véritable accomplissement de la raison se trouve dans la recherche permanente de cet élément devant lequel la raison humaine reconnait ses limites, reconnaissance qui mène à la compréhension de son propre accomplissement.
De l’introspection à la relation
Évidemment, cette recherche est un cheminement, un pèlerinage.
Il ne s’agit pas de tout connaitre et de tout comprendre, mais de s’engager dans le pèlerinage de sa vie. L’erreur fait partie de la recherche. Comme le dit Freud lui-même: « D’erreur en erreur, on découvre toute la vérité ».
Cette recherche ne doit cependant pas se limiter à une introspection absolue. C’est une question de relation, et c’est là que la relation avec Dieu atteint une importance capitale.
Freud’s Last Session, c’est cette conversation entre deux êtres passionnés par l’humain et par Dieu, chacun à sa manière.