Vendredi Saint
Illustration: Judith Renauld/Le Verbe

Les accords du Vendredi Saint, un exemple de paix 

Dans un monde traversé par les guerres, rechercher la paix peut sembler naïf et illusoire. Il en existe pourtant un exemple dans l’histoire récente. Après des décennies de conflit, catholiques et protestants d’Irlande du Nord ont fini par signer un accord de paix le jour du Vendredi Saint en 1998. Comment ce traité improbable a-t-il pu émerger entre deux parties à priori  irréconciliables ?

En 1922, tandis que vingt-six comtés irlandais prennent leur indépendance, six autres, situés au Nord et à majorité unioniste (et donc protestante), demeurent sous gouvernance britannique, formant l’Irlande du Nord actuelle.

Dotée de ses propres institutions, l’Irlande du Nord a un système qui avantage les protestants, le découpage électoral leur permettant d’être surreprésentés dans les conseils locaux. Ils gouvernent ainsi la célèbre ville de Derry – connue notamment pour la série Netflix Derry Girls et la chanson Sunday Bloody Sunday du groupe irlandais U2 –, pourtant à majorité catholique. De plus, les catholiques souffrent de nombreuses discriminations quant à l’emploi, au logement et aux relations avec la police. Cette dernière est en effet beaucoup plus sévère et brutale envers eux qu’envers les protestants.

Révolte d’un peuple assiégé

Autour de 1960, dans la foulée du mouvement des droits civiques aux États-Unis, la minorité catholique grandissante lance une campagne non violente pour demander la fin de ces discriminations. Les manifestations, bien que pacifistes, sont violemment réprimées par la police qui n’hésite pas ensuite à sévir par des perquisitions et des arrestations sans aucun mandat.

En réponse à cette répression, l’armée révolutionnaire irlandaise (IRA) reprend la lutte armée dans le Nord afin de réunifier l’Irlande. Elle lance alors des actions armées contre la police et les groupes paramilitaires unionistes qui la soutiennent. En retour, ceux-ci attaquent l’IRA et, des deux côtés, de nombreux civils sont victimes des violences intercommunautaires. C’est le début des Troubles.

Dépassé par les évènements, le gouvernement de Belfast demande l’aide de l’armée britannique et la région est mise sous tutelle de Londres. Cette situation, qui n’est pas sans rappeler celle qu’a vécu le Québec à la suite à la crise d’Octobre 1970, ne fait qu’augmenter les tensions et la volonté de l’IRA d’en découdre avec les Britanniques. Le Sud, bien que non directement concerné par le conflit, appelle de son côté le gouvernement britannique à entamer des négociations conjointes pour ramener la paix dans le Nord.

Incapable d’améliorer la situation et très critiqué après les évènements du Bloody Sunday, le gouvernement britannique accepte enfin la proposition du gouvernement de la République d’Irlande. Dès les années 1980, les deux pays entament des discussions pour trouver une solution et le processus de paix est formellement lancé en 1993.

Vers la paix

Soutenu par les États-Unis, le Canada et l’Union européenne, celui-ci permet d’abord d’obtenir un cessez-le-feu de la part des groupes paramilitaires en 1994. Ensuite, en 1996, un forum nord-irlandais, regroupant tous les partis et encadré conjointement par Londres et Dublin, trace les contours d’un futur traité.

Après 700 jours de discussions parfois âpres et tendues, le miracle se produit et un accord de paix est signé le 10 avril 1998, jour du Vendredi Saint, d’où il tire son nom. Soumis à référendum le 22 mai de la même année, l’accord est très majoritairement approuvé des deux côtés de l’ile.

Les militaires britanniques quittent alors l’ile, les contrôles à la frontière entre les deux Irlande disparaissent et un partage du pouvoir entre unionistes et républicains est instauré à Belfast. La possibilité d’un référendum de réunification à l’initiative du gouvernement du Nord est également incluse dans l’accord, sans que Londres puisse s’y opposer. En contrepartie, la République d’Irlande met fin à sa revendication sur les six comtés du Nord.

À l’heure où les positions se durcissent en politique internationale, on ne peut que souhaiter que nos dirigeants s’inspirent de cet accord pour mettre fin aux conflits actuels.

Romain Martiny

Romain est professeur en sciences au collégial.