Épiphanie
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Épiphanie: galette ou couronne?

Le jour de l’Épiphanie, l’Église célèbre la visite des rois mages venus adorer Jésus. C’est alors l’occasion pour beaucoup de se retrouver autour d’une galette des Rois ou, dans certains pays, autour d’une couronne. Pourtant, il n’en est fait mention ni dans la Bible ni dans la tradition de l’Église. Mais d’où nous vient donc cette tradition et, question plus grave encore, qui a eu l’idée d’y glisser une fève?

Le mot épiphanie vient du grec epiphaneia, qui signifie « manifestation ». Il était utilisé avant l’ère chrétienne pour désigner la fête célébrant la venue des dieux épiphanes, soit ceux qui se manifestent aux hommes. Le plus populaire d’entre eux était Saturne, le dieu romain du temps, une fête portait d’ailleurs son nom. Les saturnales se déroulaient à la fin du mois de décembre ou au début de janvier, à la période où les jours commencent à rallonger après le solstice d’hiver. On pensait à l’époque que cet allongement du jour était une manifestation, soit une « épiphanie », du dieu Saturne.

Chez les Romains

Les Romains, connus pour leur gourmandise, profitaient de chaque fête pour organiser de grands festins. Le vin coulait à profusion et la nourriture occupait la place d’honneur, notamment les desserts. Lors des Saturnales, le dessert traditionnel était la galette à la forme semblable au disque solaire, en signe de l’allongement des jours.

Plutôt excentriques, les Romains aimaient bien pimenter leurs fêtes par des coutumes inhabituelles. Ainsi, lors des Saturnales, maitres et esclaves se retrouvaient autour du festin et partageaient donc la galette dans laquelle était caché un haricot sec de couleur verte : la fève. Cette graine, très courante dans la cuisine méditerranéenne, symbolise à la fois la fécondité et la renaissance, car c’est l’une des premières à germer au printemps.

Celui qui trouverait la fève serait alors déclaré le roi de la journée et pourrait obtenir tout ce qu’il voulait jusqu’au lendemain, de là l’expression « tirer les rois ». Afin d’éviter toute tricherie lors de la répartition des parts, il était de coutume que la personne la plus jeune, réputée la plus innocente, se cache sous la table pour indiquer à qui irait la prochaine part, comme cela se fait encore parfois de nos jours.

Galette ou couronne?

Dans certaines régions de l’empire, la galette a été remplacée par une couronne briochée, symbole de la royauté. De nos jours, on retrouve surtout ces brioches dans le sud de la France, dans la péninsule ibérique et dans certains pays d’Amérique du Sud.

Tandis que les Romains célébraient la manifestation de Saturne, les premiers chrétiens célébraient à la même époque de l’année la manifestation de Dieu en Jésus, l’Épiphanie. Celle-ci différait un peu de la fête actuelle cependant, elle pouvait tout aussi bien correspondre à la manifestation du nouveau-né aux bergers le jour de la nativité qu’à celle faite aux rois mages douze jours plus tard. La date et le sens de la célébration pouvaient donc varier d’une région à l’autre, car la fête de Noël n’existait pas encore.

Un sens chrétien

Au 4e siècle, par souci d’unité, l’Église a décidé que tous fêteraient la même chose en même temps. C’est à ce moment que la Nativité a été fixée au 25 décembre et l’Épiphanie au 6 janvier. Cette date semblait la plus appropriée, car en se manifestant aux rois mages, Jésus se manifestait symboliquement à toutes les nations.

La date du 6 janvier correspondant plus ou moins à celle des Saturnales, l’Église a pu facilement donner un sens chrétien à cette fête païenne. Les traditions de la galette et de la couronne sont ainsi demeurées, la première représentant cette fois la lumière de Jésus et la seconde les couronnes des rois Mages. On retrouve d’ailleurs souvent des fruits confits sur celle-ci, afin de rappeler les présents que Gaspard, Melchior et Balthazar ont apportés à Jésus.

Aujourd’hui, lorsque nous « tirons les rois », nous le faisons désormais en référence aux trois mages venus d’Orient pour adorer Jésus. Même si l’Épiphanie a officiellement lieu le 6 janvier, l’Église en a décalé la date de célébration dans les pays où ce jour n’est pas férié. Elle est alors célébrée le second dimanche après Noël. Longue vie au Roi des rois!

Romain Martiny

Romain est professeur en sciences au collégial.