Que Mgr Frank Leo, le tout nouvel évêque auxiliaire de Montréal, parle français, anglais ou espagnol, son petit accent italien ne trompe pas. Il a grandi dans le quartier Villeray, juste à côté de la Petite Italie, où ses parents avaient décidé de s’installer, arrivés tout droit de Naples.
Ordonné en 1990 à l’âge de 25 ans, il n’a jamais eu de doute quant à sa vocation. C’est en paroisse, à l’église Notre-Dame-de-la-Consolata, rue Jean-Talon, coin Papineau, à l’âge de douze ans, qu’il a fait, dit-il, les deux plus importantes prises de conscience de sa vie:
«J’ai réalisé que chaque personne avait deux vocations. La première, c’était l’appel universel à la sainteté. La deuxième, la vocation personnelle, c’est-à-dire le chemin pour arriver à cette sainteté. J’ai compris alors que mon bonheur, mon épanouissement, ma raison d’être et tout le sens de ma vie, tout ça dépendait de cette deuxième vocation et du sérieux que j’allais y mettre.»
Pour être sérieux, Frank Leo est sérieux. Mais toujours avec un sourire tendre et plein d’affection. C’est un homme amoureux du sacré. Comme il le dit lui-même, et le plus sérieusement du monde: «Le sacré, c’est Dieu lui-même. On niaise pas avec ça. No kidding around.» Puis, il éclate de rire.
Jeune vocation
Le désir de connaitre sa vocation personnelle prend alors toute la place. Le jeune Frank va à la messe chaque dimanche, conscient qu’il s’agit du jour consacré à Dieu.
«Je le savais dans ma tête, mais là c’était une expérience religieuse et spirituelle très forte. Jésus était numéro un. Pas deux. C’était une intuition très vive. Percutante. Je me suis mis à prier, surtout le chapelet. Je voulais que le Seigneur me fasse comprendre quelle était sa volonté sur moi. C’est là que tout a commencé. À 15 ans, j’ai su que je voulais être prêtre.»
C’était les années 80. Ce n’était pourtant pas à la mode, peut-on dire, de devenir prêtre… et ce ne l’est toujours pas. À cette remarque, Mgr Leo affiche un petit sourire en coin. Après une pause, il laisse tomber, pince-sans-rire: «Je ne suivais pas la mode. Et je ne la suis toujours pas.
– Vous étiez dans un autre monde?
– Je pourrais dire cela, répond-il, un peu rêveur. J’étais très heureux dans ce monde. J’avais des amis qui me respectaient beaucoup, tant au secondaire qu’au cégep.»
C’étaient les prêtres de sa paroisse qui l’inspiraient. Tout ce qu’ils faisaient, ils le faisaient avec tant d’amour qu’il n’avait qu’une seule envie: c’était de le faire lui aussi.
«Ils étaient très proches du peuple. Très pieux. Ils faisaient tout pour le Seigneur. On niaisait pas… C’étaient des hommes dévoués avec une grande dévotion à Marie. Proches des jeunes, des familles. Toujours créatifs dans les moyens d’attirer vers Jésus. Très actifs. La communauté priait beaucoup. Il y avait le mouvement de renouveau charismatique, très fort sur les ministères et les sacrements. Je ne suis pas entré dans ce mouvement, mais j’ai été porté par la prière de beaucoup de personnes. C’était une communauté vivante, pleine du feu de l’Esprit Saint. C’est une grâce infinie que d’avoir pu grandir dans un environnement saint et sain comme celui-là.»
Pour le jeune Frank, la prêtrise était une vie pleine de sens. Une vie en abondance. Il voulait cette vie. La vie de Jésus. Un prêtre, pour lui encore aujourd’hui, c’est celui sur qui on peut toujours compter. Une vie donnée à Dieu pour son peuple. Une présence à toutes les étapes de la vie de sa communauté. Celui dont la porte est toujours ouverte, qui est animé par l’esprit de conseil. Un véritable papa, quoi.
Comme un père
Mgr Leo le dit tout de go. Un prêtre n’est pas un célibataire: il est marié et père de famille, comme les vrais pères de famille. D’ailleurs, ce sont les pères de famille, avec leur sens des responsabilités et du sacrifice, du respect de la famille, qui l’ont beaucoup aidé et qui l’aident toujours dans sa vocation de prêtre.
«Les papas se mettent souvent en deuxième, en troisième, pour faire passer leur femme et les enfants devant. Se lever tôt pour aller travailler pour le bien de la famille… Si eux peuvent le faire, avec toute la difficulté que ça peut représenter, moi aussi, je dois le faire pour mon épouse, l’Église, et mes enfants, le peuple de Dieu.»
Se donner exclusivement, c’est tout le sens du célibat de Jésus. Mgr Leo ajoute:
«Jésus aurait pu décider de se marier, mais il avait une épouse, l’Église. Il était complètement dévoué à la mission que le Père lui avait confiée. Pour le prêtre, c’est la même chose. Je suis un homme marié et je suis père de famille. Donc, ça veut dire: pas de niaisage. Le prêtre n’est pas un petit jeune de 18 ans, il n’est pas un bachelor, ou un vieux garçon. Il a de très grandes responsabilités.»
Et comme évêque? «À l’épiscopat, tu reçois un anneau, c’est très significatif. Tu continues à servir le même Jésus, le même Royaume, le même Évangile. La différence, c’est en ce qui concerne le leadeurship. Tu deviens apôtre. Tu dois avoir un leadeurship maternel.
– Comment ça, «maternel»?
– On ne peut pas faire d’apostolat sans un cœur de mère; c’est Paul VI qui l’a écrit dans Lumen Gentium. Toute personne engagée dans l’apostolat doit le faire avec un cœur maternel. Il n’a pas dit ‘‘paternel’’. »
Agir comme un père. Aimer comme une mère. Voilà qui résume bien la vie et le sacerdoce de Mgr Frank Leo, celui qui veut agir et aimer comme Jésus.