Un 8 mars avec Félicité et Perpétue, deux martyres

Je voulais parler de Félicité et de Perpétue, ces deux jeunes femmes condamnées « aux bêtes », précisément « une vache furieuse », le 7 mars 203 dans l’amphithéâtre de Carthage. 

L’auteur du « Récit de la passion de Perpétue1 » affirme que la foule n’avait pas apprécié de voir une « jeune femme si frêle et l’autre récemment accouchée, dont les mamelles laissaient tomber des gouttelettes de lait ». Elles avaient refusé de se costumer en « prêtresses de Cérès », comme le voulait l’usage. On avait retourné les deux femmes pour les vêtir d’un voile, au moins. 

Perpétue n’avait pas la langue dans sa poche. Quelques jours plus tôt, lors de son procès, son père la suppliait de renier sa foi. Elle avait répondu, encore avec aplomb : « Père, voyez-vous ce vase ? Peut-on lui donner un autre nom que ce qu’il est ? – Non, avait-il répondu. Moi non plus : je ne puis me dire autre chose que ce que je suis : chrétienne ».  

Les nouvelles Félicité et Perpétue

Je disais donc que je voulais parler, en cette journée internationale des droits des femmes, de l’héroïcité de ces femmes du Christ. 

C’était vrai, jusqu’à ce que des images viennent paralyser mes doigts. Ces derniers refusaient de jouer du clavier, préférant, comme par réflexe ou par instinct, se plaquer sur ma bouche, devant le spectacle, le drame, qui se déployait sous mes yeux. Des images en noir et blanc, comme si c’était un vieux film. Ce n’était pourtant pas un vieux film : c’était ce matin. Les bêtes, avec leurs énormes cornes, sont entrées dans l’arène, en roulant. Comme dans une parade. Les unes derrière les autres. À la file indienne. Dans une enfilade presque infinie, des chars russes, de Biélorussie. 

Des vaches furieuses, à cornes, qui déchirent et déchiquètent les chairs, il y en a partout, de tout temps. Des chairs ukrainiennes, russes, biélorusses, toutes slaves orientales. Sœurs. Comme ces femmes qui viennent d’accoucher, celles qui allaitent encore, celles dont les seins dégouttent. Le Christ le dit : « Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » (Lc 23, 28).

Contre toutes les bêtes à cornes

Ai-je dit que Perpétue avait eu trois visions lors de sa captivité ? C’était une mystique. 

Un dragon, posté au pied d’une échelle qui monte au Ciel. Perpétue lui foule la tête et monte pour se nourrir d’une bouchée de lait caillé que lui donne Jésus : « […] je la reçus les mains jointes et la mangeai ; et tous les assistants dirent : Amen. Au bruit de leur voix je m’éveillai, mangeant encore je ne sais quoi de doux (…) nous comprîmes que le martyre nous attendait et nous commençâmes à n’avoir plus aucune attache ici-bas ». Après cela, son fils de trois mois cessait de demander le sein, lui permettant de le rendre à son père, elle qui était maintenant libre de combattre : « … ainsi je ne fus plus tourmentée par le souci de mon enfant ni par des douleurs de sein ».

La deuxième vision lui révélait que ses souffrances, vécues avec le Christ, purifieraient son frère, demeuré au purgatoire depuis sa mort en bas âge. 

À la troisième, elle faisait face à un homme, mais en vrai, il s’agissait du démon. « On me déshabilla : j’étais un homme. Mes aides se mirent à me frictionner d’huile, comme on le fait avant la lutte. » Après un combat épique, elle finit par le tuer, et remporter la palme. 

Saint Antoine-Marie Claret disait que « la perfection chrétienne consiste en trois choses : prier héroïquement, travailler héroïquement et souffrir héroïquement ». Si cela est vrai, si nous voulons, nous, femmes du Christ, être « parfaites, comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5,48), je veux célébrer ce jour avec Félicité, Perpétue et toutes les saintes passées, présentes et à venir qui ont fait face, qui font face, et qui feront face, un jour, à toutes les bêtes à cornes du monde entier.

Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.