Viendra bientôt le moment où, en famille, proche et élargie, on se posera des tonnes de questions gravissimes : il faudra, qu’on le veuille ou non, décider de ce qu’on fera à Noël.
Et ça va brasser.
Et ça va chialer.
Et, avec un peu de chance, ça va finir par une embrassade et un pardon mutuel des belligérants.
Pandémie oblige, on y a échappé l’an dernier. Mais cette année, devra-t-on recevoir tante Nathalie-qui-picole-un-peu-trop ? Se taper la visite de ton frère, de sa blonde et de leurs adorables morveux ? Et le 24, on va chez tes parents ou chez les miens ? Et le 25 ? Et le jour de l’An, c’est toujours pas réglé non plus, sapristi !
Faisons un calendrier. Faisons surtout une liste de ceux qu’on ne veut pas voir.
La (pas toujours) douce nuit de Noël
Chez nous, pieux chrétiens que nous sommes, s’ajoute aux débats déjà bien houleux la question de l’heure de la messe. Seize heures, c’est trop tôt. Minuit, beaucoup trop tard. À 21 h, la chorale de cette paroisse-là est nulle à mourir. Sans compter qu’à la messe de 19 h 30 le prêtre est franchement ennuyant.
Imaginez : en plus des autres sujets de discorde énumérés plus haut, on réussit même à s’engueuler pour savoir à quelle messe aller ! Comme quoi aller à l’église n’est pas un gage de pureté morale. Ce serait tentant d’abdiquer et de se dire qu’il vaudrait peut-être mieux éviter la bisbille : n’y allons pas du tout, ça règlera le problème – et ça nous donnera plus de temps pour plonger dans le punch aux canneberges de tonton Jean-Guy.
Nos lignées poquées
La veille de Noël, peu importe la paroisse où vous irez – vous irez bien, n’est-ce pas ? –, il se peut que le prêtre proclame les premières pages de l’évangile selon Matthieu.
Si vous me le permettez, je vous divulgâche un peu le truc.
L’histoire du Messie qui sera lue ne commence pas dans la crèche, mais environ quatre millénaires plus tôt, avec l’arrivée du vieil Abraham dans le décor désertique du Proche-Orient. Avis aux mordus de généalogie : si le curé du lieu nous gratifie de la version étendue de la Bonne Nouvelle du jour, on se farcira la liste des ascendants du p’tit Jésus, d’Abraham à Joseph, en passant par Isaac et le roi David.
Comme quoi même le Christ, Dieu en personne, avait des vieux, des aïeux au passé gênant, des fourbes comme Jacob, des mégalomanes comme Salomon. Bref, loin d’être tous des enfants de chœur. Une belle liste de spéciaux !
Ainsi, étant donné la lignée pour le moins bigarrée, il y a fort à parier que, chaque année à Nazareth, au party de Noël (pauvre Jésus, ça tombait toujours le jour de son anniversaire), on a pu assister à des moments étranges, à des malaises, à des discussions trop longues, tard, autour de l’ilot de la cuisine.
Je le crois sincèrement, c’est même là le cœur de ma foi : c’est avant tout au beau milieu de nos familles dysfonctionnelles, blessées et maladroites que l’Incarnation du Verbe prend tout son sens.
Joyeux Noël, plein de fous rires, d’engueulades, de dérangements et de réconciliations inespérées !