Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

Séisme au Maroc : Dieu impuissant ou Dieu cruel?

Le vendredi 8 septembre 2023 à 23h11, un terrible séisme a secoué le Maroc. Villages entièrement détruits, milliers de corps sous les décombres, familles déchirées. Que peut-on trouver, au cœur de cette souffrance?

Dans les montagnes du Haut Atlas, à 70 km au sud de Marrakech, les petites maisons en terre cuite encore debout sont bien rares. Elles n’ont pas résisté au tremblement de terre de magnitude 7, et ont enseveli la majeure partie de leurs habitants. L’un a perdu ses parents, l’autre ses enfants; un autre encore, toute sa famille.

« Perdre ses enfants, c’est un sentiment qu’aucun mot ne peut décrire », confie une mère de famille. À la douleur de la perte s’ajoute déjà l’inquiétude, car l’hiver approche. Les tentes et les couvertures ne suffiront pas, face aux pluies et au froid.

De l’aide pour se relever

Le cardinal Cristóbal López Romero, archevêque de Rabat, a lancé un appel afin que les catholiques expriment leur solidarité envers le peuple marocain. « Compassion et solidarité sont les deux attitudes que nous pouvons avoir en ce moment, avant de connaitre précisément les endroits où nous pourrons venir en aide. » Cette solidarité, elle peut s’exprimer de façon très concrète, en faisant un don à la Croix-Rouge, qui apporte des secours d’urgence sur le terrain, ou à Unicef, qui intervient particulièrement auprès des enfants.

Si l’aide internationale est absolument nécessaire, une aide divine l’est encore bien plus. Car qui pourra panser les cœurs blessés, redonner courage aux familles, faire renaitre la joie et le désir de vivre?

Alors, par compassion, il faut prier, comme nous y invite le pape. « Mes pensées vont encore au noble peuple marocain qui a subi ces secousses telluriques, ces tremblements de terre… Prions pour le Maroc, prions pour les habitants, pour que le Seigneur leur donne la force de se relever. »

Mais comment prier un Dieu qui permet de telles catastrophes?

Dieu et les tours qui tombent

« Si Dieu veut abolir le mal et ne le peut pas, il est impuissant; s’il le peut, mais ne le veut pas, alors il est cruel; s’il ne le peut ni ne le veut, alors il est à la fois sans pouvoir et méchant; s’il le veut et le peut, pourquoi permet-il le mal et ne le supprime-t-il pas? »

Ce raisonnement est celui d’Épicure, philosophe grec de l’Antiquité. Il pose la question de la toute-puissance et de l’amour de Dieu, et aussi celle de l’origine du mal. C’est la question qui nous monte du cœur à chaque petite ou grande catastrophe dans nos vies : pourquoi? Quelle est la cause de ce mal? Mais aussi : pour quoi? Quel est le sens, l’objectif de cette souffrance?

Nul ne connait le jour ni l’heure; la plus grande catastrophe,
ce n’est pas la fin de notre corps, englouti par un séisme ou
par une tour, mais la mort de notre âme.

La réponse n’est pas évidente. Jean-Paul II, dans Salvifici doloris, la résume en quelques mots : « La souffrance humaine inspire la compassion, elle inspire également le respect et, à sa manière, elle intimide. Car elle porte en elle la grandeur d’un mystère spécifique. »

Et ce mystère, c’est un dessein qui dépasse nos raisonnements : c’est le mystère de notre rédemption.

« La souffrance doit servir à la conversion, c’est-à-dire à la reconstruction du bien dans le sujet, qui peut reconnaître la miséricorde divine dans cet appel à la pénitence. La pénitence a pour but de triompher du mal, qui existe à l’état latent dans l’homme sous diverses formes, et de consolider le bien tant dans le sujet lui-même que dans ses rapports avec les autres et surtout avec Dieu. »

Appel à la conversion

Devant la souffrance des Marocains étouffés par un séisme, devant la détresse des Libyens engloutis par les inondations, devant toutes les personnes qui tentent de survivre aux guerres, notre réponse doit être la compassion, mais elle doit aussi être la conversion. Les catastrophes nous rappellent la grande fragilité de l’existence, et nous montrent la nécessité, dès aujourd’hui, de changer de vie.

Cet appel à se convertir, il ne se trouve pas que dans la bouche des papes, mais directement dans celle du Christ.

« À ce moment, des gens qui se trouvaient là rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit :  »Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort? Eh bien, je vous dis : pas du tout! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? Eh bien, je vous dis : pas du tout! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » » (Luc 13,4).

Nul ne connait le jour ni l’heure; la plus grande catastrophe, ce n’est pas la fin de notre corps, englouti par un séisme ou par une tour, mais la mort de notre âme.

Le Christ nous montre le chemin de la conversion, et nous invite à le suivre. Il est lui-même passé par la souffrance, et le don entier de sa vie. Pour qu’un jour, de souffrances, il n’y ait plus.

Ariane Beauféray

Ariane Beauféray est doctorante en aménagement du territoire et développement régional. Elle s’intéresse à l’écologie intégrale et met au point de nouveaux outils pour aider la prise de décision dans ce domaine. Collaboratrice de la première heure, elle est désormais membre permanente de l’équipe de journalistes du Verbe médias.