Dans les prochains jours, le pape François viendra visiter le Canada. Le moment est historique: c’est en l’occurrence seulement la deuxième fois qu’un pape foulera le sol québécois. C’est en 1984, avec le pape Jean-Paul II, que la seule autre visite d’un pontife romain a eu lieu dans notre coin du pays. Mais que reste-t-il de cette visite qui date déjà d’il y a près de quarante ans? En quoi diffère-t-elle de celle que nous connaitrons en juillet 2022?
Liesse populaire en 1984… et en 2022?
Les articles de journaux du début des années 1980 sont unanimes: la visite de Jean Paul II a suscité un véritable engouement populaire. Partout où le pape polonais est allé durant les 12 jours de son voyage, les catholiques du pays ont été au rendez-vous. À titre d’exemple, dans la ville de Québec, c’est environ 250 000 personnes qui se sont rassemblées pour la messe papale. Peut-on s’attendre à pareil engouement en 2022?
Le pape François est certes populaire et apprécié, tout comme l’était Jean-Paul II, mais les comparaisons s’arrêtent ici. On peut penser que la différence de contexte n’y est pas pour rien. En effet, il est indéniable que la pratique religieuse a fortement diminué depuis les années 1980. Le nombre de personnes se définissant comme catholiques est en constante diminution depuis 40 ans. Et côté engouement médiatique, les nombreux scandales dévoilés dans les dernières décennies ont également fortement érodé la cote de l’Église…
Le contexte semble donc moins favorable, de prime abord, bien que rien n’exclue un potentiel succès de foule, notamment lors d’un passage au sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré, prévu le 28 juillet prochain. Il faut dire qu’au jeu des comparaisons, la visite de 1984 était un véritable pèlerinage couvrant l’ensemble du pays, tandis que celle de 2022 tient plutôt du voyage-éclair.
Ne serait-ce que parce que le voyage du pape François durera moins d’une semaine, il est évident que moins de gens auront la chance d’assister à l’un des évènements auquel le pontife participera. Le choix des destinations influencera également la grosseur des foules. Il est évidemment très peu probable qu’un quart de millions de personnes se rendent voir le pape François à Iqaluit, bourgade nordique du Nunavut d’à peine 8000 âmes…
Une ambiance et un ton bien différent
Ce choix plus sobre est pleinement assumé par le Vatican. Le voyage de 2022 a avant tout pour objectif la réconciliation avec les peuples autochtones. Certes, le pape parlera également à l’ensemble des catholiques, puisqu’il demeure le chef de l’Église et que sa parole y résonne toujours fortement.
Mais c’est avant tout aux survivants des pensionnats autochtones et aux victimes d’abus de toutes sortes y ayant été perpétrés par le clergé qu’il s’adressera en premier lieu. L’ambiance du voyage en sera une de contrition institutionnelle, marquée par l’admission du rôle de l’Église dans ces tristes évènements, et il s’agira surtout d’un moment pour tendre l’oreille aux survivants, d’un temps de recueillement en mémoire des milliers de victimes.
En 1984, le pape effectuait chez nous ce que nous pouvons qualifier de visite «historicopastorale». Jean-Paul II venait à la fois se recueillir dans les lieux qui ont vu naitre la foi au Canada et visiter les communautés de croyants les animant encore et toujours. Le but du voyage était avant tout d’effectuer une grande tournée des principaux sanctuaires et lieux de cultes du Québec et du Canada.
Le tout a été ponctué de réceptions officielles, de protocole et d’une bonne dose de messes en plein air. L’ambiance, en un certain sens, relevait de la fête. On célébrait notre histoire et la grande première que représentait cette visite papale.
Aujourd’hui, le ton est donné par la demande de pardon et la contrition pour les fautes commises par des membres de l’institution.
Le legs des visites
Vu les différences majeures dans l’ambiance et le ton, le legs de cette nouvelle visite papale risque d’être fort différent de celui de la précédente.
La visite de 1984 a laissé plusieurs plaques commémoratives dans les divers endroits visités par Jean-Paul II, une horde de bébelles souvenirs qui dorment aujourd’hui dans nos tiroirs ou sur des tables de marché aux puces, et surtout, des fruits spirituels impossibles à mesurer objectivement pour ceux ayant eu la chance de participer aux évènements ou de rencontrer le pape personnellement.
S’il est impossible de connaitre le legs qu’aura la visite de 2022 au moment d’écrire ces lignes, souhaitons toutefois qu’il en soit un d’apaisement et de réconfort pour les survivants. Et par-dessus tout, le témoignage d’un geste d’amour fraternel authentique envers les peuples autochtones. Il s’agira à coup sûr de l’une des premières pierres dans l’édifice de la réconciliation véritable qui reste à bâtir entre les peuples.