Photo : Le père Matteo Marinucci et notre journaliste devant les gravures de Rembrandt (Marie Laliberté/Le Verbe).

Rembrandt au MNBAQ | « Des choses qui ne se disent pas avec les mots »

Texte écrit par Stéphanie Grimard

Jusqu’au 2 septembre, le Musée national des beaux-arts du Québec présente l’exposition Rembrandt. Gravures du Museum Boijmans Van Beuningen. Parmi les 80 estampes exposées, plusieurs représentent des scènes bibliques et invitent à une méditation unique sur divers événements de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le père Matteo Marinucci, passionné d’histoire de l’art, nous sert de guide pour une visite au cœur de l’œuvre du grand artiste néerlandais.

Rembrandt « dit des choses qui ne se disent pas avec les mots » – c’est ainsi que le père Matteo résume ses impressions devant la série d’estampes qu’il contemple dans la salle obscure du musée. Il faut bien s’approcher des œuvres pour admirer toute la complexité des détails, et la sublime maitrise de la technique.

Si la plupart des gens connaissent surtout ses peintures, il faut savoir que Rembrandt est considéré comme le grand maitre de l’eau-forte au 17e siècle.

Le résultat se déploie ici en une collection d’œuvres parfois toutes petites, qui dépeignent tantôt des scènes de la vie quotidienne ou des paysages, tantôt des portraits et certains autoportraits, mais surtout des scènes de la Bible.

La technique de l’eau-forte consiste à enduire une plaque de cuivre d’un vernis, puis à dessiner à la pointe métallique le motif souhaité. On plonge ensuite la plaque dans un bain d’acide qui viendra « mordre » les zones à découvert. L’artiste peut effectuer des retouches à l’aide d’outils, Rembrandt surtout avec la pointe sèche. Une fois le vernis enlevé, on applique l’encre et on met sous presse.

Une promenade méditative

Le papier étant sensible à la lumière, l’ambiance est tamisée et propice à l’introspection. Le père Matteo s’attarde sur une eau-forte intitulée Retour du fils prodigue. La force du détail nous fait ressentir l’émotion du père et du fils, on voit que les serviteurs ont déjà été avertis d’aller chercher des vêtements qu’ils apportent avec hâte, plusieurs curieux qui regardent la scène font aussi partie du décor… Rembrandt capture ainsi un véritable moment vivant, et l’émotion qui s’en dégage atteint au plus profond le visiteur attentif.

La contemplation des différentes estampes d’inspiration biblique « aide à répondre à la question : quelle est ma place dans cette scène? » nous dit le père Matteo. « C’est comme si on y était. »

Une autre œuvre particulièrement significative est celle qui porte comme titre Le Christ bénissant les enfants et guérissant les malades, aussi connue sous le nom de La Pièce aux cent florins. Ayant nécessité près de dix ans de travail, on la considère comme la gravure la plus aboutie de Rembrandt. Le Christ se trouve au centre d’une panoplie de personnages : des vieillards et des malades cherchant la guérison, des femmes venues faire bénir leurs enfants, des pharisiens qui s’en détournent et d’autres qui l’écoutent, etc. Ce qui frappe l’œil est le contraste entre la lumière qui émane de Jésus et des personnages qu’Il éclaire, et la noirceur qui se trouve derrière lui. Mais ici on peut bien voir que la technique de l’eau-forte arrive à donner plus qu’un simple jeu de lumière : elle ajoute texture et relief, et permet, selon les mots du père Matteo, de «toucher avec les yeux».

C’est là toute la force de cette exposition : elle rend possible une expérience de l’image qui fait appel à un côté encore plus intime de la perception, à une sensibilité presque tactile. Cela a pour effet d’ouvrir la voie à une méditation profonde et incarnée sur les grands thèmes de la Bible.

Un double héritage

Fils d’une mère catholique et d’un père protestant, Rembrandt est témoin d’une époque traversée par les tensions religieuses. S’il côtoie plusieurs pasteurs et fait baptiser ses enfants dans des églises réformées, des estampes comme la magnifique Mort de la Vierge montrent qu’il était également marqué par les éléments les plus importants de l’univers catholique.

Le maitre néerlandais représente également à de nombreuses reprises saint Jérôme, le docteur de l’Église qui a traduit la Bible en latin d’après l’original hébreu et la version grecque pour en donner la version qu’on appelle la Vulgate.

Mais au-delà des ambiguïtés, le voyage spirituel auquel nous convie cette exposition est définitivement une occasion à ne pas rater.

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L’exposition Rembrandt — Gravures du Museum Boijmans Van Beuningen est présentée au Musée national des beaux-arts du Québec du 25 avril au 2 septembre 2024.

Photo : Marie Laliberté/Le Verbe

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