Cabrini

Cabrini : quand la charité crève l’écran

Une religieuse nous regarde, le visage bien droit, impassible. C’est Francesca Cabrini dans la dernière réalisation cinématographique d’Alejandro Monteverde. Le réalisateur de Sound of Freedom, dont les films ont déjà récolté plusieurs prix, dépeint dans Cabrini la vie de celle qui a été canonisée et proclamée sainte patronne des immigrants par le pape Pie XII en 1950. Le film sort ce 8 mars, en la Journée internationale des droits des femmes. Le Verbe a eu le privilège de le découvrir en primeur.

L’aplomb désarmant de cette femme et sa force de caractère contrastent avec la santé fragile dont elle a souffert toute sa vie. Cabrini est un film sombre. Il ne peut en être autrement devant les conditions de vie misérables des immigrants italiens à New York à la fin du 19e siècle. Sombre, mais sans violence explicite. On y découvre la charité sans limite doublée de courage de Mère Cabrini et de ses six consœurs Missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus.

Première femme missionnaire envoyée par le Vatican

Après avoir tenu tête au pape, Cabrini obtient enfin gain de cause : elle est envoyée en mission à l’autre bout du monde. Elle devient ainsi la première femme à fonder un ordre missionnaire à l’étranger, hors de l’Europe.

Sortant pour la première fois de son Italie natale, elle part en 1889 vers New York, cette ville «pavée de petits enfants». Un triste décor qui révèle toutefois quelques lueurs d’espoir, dans les cœurs jusque dans ces lampadaires qui éclairent faiblement la nuit new-yorkaise.

Basé sur la vie de cette sainte, le film raconte la réalité désastreuse des immigrants italiens sur qui les conditions de vie exécrables ont des retombées terribles. Ces immigrants ne parlent généralement pas anglais, vivent dans une pauvreté extrême et sont dédaignés des Américains.

À Five points, terrible quartier de New York où les orphelins vivent dans les égouts, «les rats, vivent mieux que les enfants». Mère Cabrini passe ses nuits dans ces labyrinthes souterrains à sortir les enfants les uns après l’autre pour leur offrir refuge et amour dans son orphelinat. Tenir un orphelinat dans ce quartier tient de la folie. Une folie qui ne semble pourtant pas avoir raison de sa persistance et de sa foi.

Se battre pour les immigrants abandonnés

Cabrini et ses consœurs mènent avec un aplomb et une charité à déplacer les montagnes la lutte contre la misère, prenant soin non seulement des orphelins, mais aussi des malades et des blessés.

Se heurtant à toutes sortes de préjugés racistes sur la population italienne ainsi qu’à l’égo d’hommes de pouvoir, Cabrini défie toutefois avec courage les embuches au nom de son ambition à «bâtir un empire d’Espérance».

Son secret? Sa force de caractère et son pif pour s’entourer et convaincre des personnes d’influence qui peuvent avoir un effet de levier sur toute une société. Un journaliste, un médecin, un célèbre Pavarotti italien, l’archevêque de New York et tant d’autres.

Et le film, lui?

Il était temps que la vie de Francesca Cabrini, sainte patronne des immigrants, soit portée à l’écran. Cabrini a certes ses lacunes cinématographiques, mais le personnage vaut le détour. Sa vie spirituelle est très peu exposée, voire inexistante dans l’œuvre. Le public peut imaginer qu’elle en avait une, mais le film n’est visiblement pas orchestré dans cette dynamique. Peut-être pour parler à un public plus large?

Le film manque quelques fois de cohésion; certaines séquences se succèdent machinalement, sans que l’on puisse identifier le fil rouge de l’histoire. Des images abstraites semblent évoquer quelque chose sans toutefois fournir une réponse claire. Par exemple, une scène montrant une femme qui semble se noyer revient sans cesse. Sentiment intérieur? Évènement de sa vie? Expérience de mort imminente? Ce n’est qu’en fouillant sur le web qu’on comprend qu’elle a évité de justesse une noyade dans son enfance et qu’elle en a été marquée.

Somme toute, la vie et l’œuvre de Cabrini gagnent à être connues, mission à laquelle répond très bien cette biographie cinématographique. 

À la croisée du féminisme et de l’admiration

Le film sort en salle ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. Une simple coïncidence?

La beauté du caractère féminin – la combativité au service de l’amour – transparait tout au long de l’œuvre, particulièrement dans quelques répliques choc de Cabrini. Le film porte à l’admiration et rend un hommage à cette femme au charisme impressionnant et à son œuvre de charité qui a transformé le monde.

«Restez à votre place ma mère.» Combien de fois entend-elle cette phrase? Elle résonne en elle comme une colère qui gronde et l’incite à se battre. Au nom de la justice, mais aussi de sa condition de femme. Cabrini n’a rien à perdre. Ses jours sont comptés, sa maladie l’emportera bientôt. Alors, elle ne se laisse pas intimider. Elle utilise ses forces et son intelligence pour défier les plus fourbes et arriver à ses fins pour le bien des plus petits et des plus pauvres.

« Le monde est trop petit pour ce que j’ai l’intention d’accomplir. »

La vie de cette sainte est bien plus qu’un film. L’œuvre de Francesca Cabrini s’est étendue dans le monde entier! Sous son élan, ce sont 67 hôpitaux, orphelinats ou écoles qui ont éclos un peu partout sur le globe, jusqu’en Chine, destination de prédilection de son premier appel. La jeune femme, à qui les médecins n’accordaient que quelques années à vivre, a finalement œuvré plus de 34 ans, traversé 23 fois l’Atlantique en bateau malgré une aquaphobie marquée et a été naturalisée citoyenne américaine à Seattle, Washington, le 9 octobre 1909. Elle s’éteint à l’âge de 67 ans après une vie de zèle au service de la justice et des plus pauvres. Elle est canonisée par le pape Pie XII, devenant ainsi la première femme américaine à être reconnue sainte!

Un film, et surtout, une vie, à découvrir sur vos écrans le 8 mars 2024!

Marie-Jeanne Fontaine

Diplômée en sexologie, Marie-Jeanne chante, jase et écrit. Femme de cœur (elle essaye !), elle trace sa petite route dans le Grand Large du Bon Dieu. Vous la trouverez devant son piano ou dans sa cour arrière, au soleil, en train de faire fleurir ses idées entre deux éclats de rire et un café.