Saint-Patrick
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

La Saint-Patrick, c’est aussi une basilique

En ce jour de la Saint-Patrick, Le Verbe vous propose de partir à la découverte de la riche présence irlandaise en sol québécois. Coup d’œil sur l’un de nos plus grands trésors architecturaux issus de la diaspora de l’ile d’émeraude : la basilique Saint-Patrick de Montréal.

Bien qu’elle précède les nombreuses catastrophes majeures que subit l’ile d’Irlande au 19e siècle, la présence irlandaise au Québec est majoritairement attribuable à ces crises. Des conditions économiques extrêmement difficiles, combinées à l’épidémie de choléra de 1832 et à la grande famine de 1845-1850, ont poussé de nombreux Irlandais à tenter leur chance en Amérique.

L’une des conséquences de cette immigration massive d’Irlandais sera la création rapide d’une nouvelle communauté catholique en Amérique… qui a pour langue l’anglais! Avant l’immigration irlandaise, les fidèles catholiques du Québec étaient pratiquement tous des descendants de la communauté canadienne-française. Le clergé catholique du Québec sera alors confronté au défi d’accueillir ses nouveaux fidèles anglophones.

Même si, à cette époque, les célébrations sont en latin et que la langue ne pose pas de réel problème pendant les offices, c’est toute la question de la vie communautaire et paroissiale en église qui représente un véritable défi.

La solution mise de l’avant par l’Église sera d’abord celle de la cohabitation. Certains lieux de culte existants serviront à la fois aux communautés francophones et anglophones. C’est ainsi que, dès 1817, les premiers catholiques anglophones se rassemblent à Montréal pour célébrer des messes dans la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. En 1830, devant le nombre croissant de paroissiens, les autorités ecclésiastiques transfèrent la communauté catholique irlandaise à l’église des Récollets. Le problème se présente de nouveau en 1841: on dénombre alors 6500 paroissiens anglophones irlandais !

Avec l’accroissement galopant de la population irlandaise issue d’une immigration qui ne cesse, elle aussi, de croitre, la solution de la cohabitation atteint sa limite. Il est temps que la communauté catholique irlandaise possède un lieu de culte qui lui soit propre.

Faire mieux et plus beau que Notre-Dame

C’est en 1843 que débute la construction de l’église Saint-Patrick de Montréal. Le titre de basilique mineure viendra beaucoup plus tard: il sera accordé par Jean Paul II en 1989. Il est important de mentionner que la construction de l’église destinée aux paroissiens irlandais est appuyée par le supérieur des sulpiciens. Ce dernier, en perpétuel conflit avec l’évêque de Montréal, voit dans la construction de Saint-Patrick une manière de se positionner politiquement face à son rival. Il est donc impératif que la nouvelle église soit encore plus belle, plus grande et plus lumineuse que l’église Notre-Dame de Montréal, elle-même construite par les sulpiciens une vingtaine d’années plut tôt. 

Tout comme à Notre-Dame, le style néogothique, très en vogue à l’époque, va de soi. Le mandat est confié à l’architecte Pierre-Louis Morin et à son assistant Félix Martin. Les plans prévoient une surface de 8000 mètres carrés, comparativement aux 5000 mètres de Notre-Dame. Le projet est titanesque, car au moment de la construction de Saint-Patrick, l’église Notre-Dame de Montréal est l’édifice religieux le plus imposant de toute l’Amérique… toutes dénominations religieuses confondues!  

Saint-Patrick : Un chef-d’œuvre architectural

Saint-Patrick sera construite en pierre et recouverte d’une toiture en ardoise. L’extérieur de l’édifice, tout en simplicité, comporte peu d’éléments décoratifs, ce qui laisse toute la place à l’expression architecturale d’un style néogothique épuré. C’est à l’intérieur du lieu de culte que se déploie la magnificence de l’ornementation. Les colonnes de la nef sont faites de pin blanc entier recouvert de marbre et supportent une voute culminant à une impressionnante hauteur de 26,4 mètres, soit deux de plus qu’à Notre-Dame.

La basilique Saint-Patrick de Montréal n’a rien à envier à la qualité et à la grandeur des églises du vieux continent. Elle est à la fois un joyau architectural et un témoin important de la présence irlandaise anglophone et catholique en terre d’Amérique.

Le mobilier liturgique et la décoration intérieure de Saint-Patrick sont d’une richesse exceptionnelle. Le maitre-autel et les autels latéraux sont en chêne sculpté, et richement décorés. Les stations du chemin de croix sont l’œuvre du peintre romain Patriglia, et 150 portraits de saints peints à l’huile sont disséminés de chaque côté de la nef.

Le bâtiment jouit d’un apport de lumière exceptionnel grâce à ses huit verrières toutes décorées de vitraux. Cet élément, en particulier, fait l’orgueil de la communauté, puisqu’à l’époque, Notre-Dame n’a pas encore été modifiée par l’architecte Bourgeau et est unanimement qualifiée de sombre. Ce même Victor Bourgeau exécutera d’ailleurs la chaire de Saint-Patrick en 1848.

La qualité remarquable du bâtiment poussera le Gouvernement du Québec à classer Saint-Patrick comme monument historique en 1985. Le gouvernement fédéral emboitera le pas en 1990 en désignant la basilique comme lieu historique national du Canada.

La basilique Saint-Patrick de Montréal n’a rien à envier à la qualité et à la grandeur des églises du vieux continent. Elle est à la fois un joyau architectural et un témoin important de la présence irlandaise anglophone et catholique en terre d’Amérique.

Bonne Saint-Patrick!

Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.