Je suis le père de deux enfants. Ma fille est née en 2017 et mon fils en 2019. Je confesse une pensée qui a alourdi ma conscience : j’ai préféré ma fille à mon fils. Durant les deux premières années suivant la naissance de mon fils, ma fille m’était plus agréable et plus intéressante que lui. J’avais honte de la préférer ainsi et je me sentais coupable devant mon fils.
Les années ont passé et, finalement, mes sentiments se sont clarifiés.
Je ne préfère pas ma fille. Je préfère les enfants plus âgés. Je préfère les enfants qui parlent. Par contraste, les bébés m’ennuient. Ils sont adorables mais, sur l’ensemble de la vie quotidienne, les bébés représentent surtout une corvée pour moi.
En finir avec la honte
Quand mon fils a atteint l’âge de deux ans et que son langage s’est développé, mon appréciation de lui a commencé à rattraper celle que j’ai de sa grande sœur. Plus il vieillit, plus il m’est évident que je n’ai pas d’enfant préféré. Quel soulagement! Je prends conscience que ma honte découlait en fait d’une confusion.
Mon cheminement n’a rien de spécial. J’en parle autour de moi et je constate que des sentiments semblables aux miens, sans être généralisés, ne sont pas rares. J’en retiens que les parents devraient se partager leurs sentiments sans gêne pour écarter cette honte qui n’a pas lieu d’être.
L’amour n’est pas un sentiment, mais est une volonté.
L’amour est le désir qu’une personne soit heureuse.
Mes sentiments étaient d’autant moins honteux qu’ils ne révélaient pas un écart d’amour. En admettant que les bébés représentent surtout une corvée pour moi, je n’affirme pas que je manque d’amour pour eux. J’aime mes bébés autant que mes enfants. Je souhaite le bonheur de mes bébés autant que celui de mes enfants. Je suis disposé à d’aussi grands sacrifices pour mes bébés que pour mes enfants.
L’amour n’est pas un sentiment
Ici, on aborde un principe chrétien souvent énoncé, mais qui ne m’a jamais paru aussi concret : l’amour n’est pas un sentiment, mais est une volonté. L’amour est le désir qu’une personne soit heureuse. Quand on aime une personne, on désire son bien. Quand on s’aime soi-même, on désire son propre bonheur. Cet amour demeure également réel, quels que soient les sentiments associés aux circonstances du moment.
Cette réalité s’illustre par mon amour pour mes bébés que j’apprécie moins, mais elle s’illustre aussi à l’autre extrémité de la vie humaine. Quand un enfant devenu adulte s’occupe de son parent en perte cognitive ou autrement handicapé par la vieillesse, ce nouveau mode de relation peut lui être pénible. Il ne s’agit pas moins d’une relation d’amour. Au contraire, c’est précisément parce que cette relation est basée sur l’amour qu’elle demeure précieuse malgré les sentiments désagréables.
Nos relations peuvent être basées sur des sentiments agréables, sur des intérêts communs dans lesquels on s’engage avec plaisir. C’est ainsi qu’on forme nos relations avec des compagnons. Un compagnon est un partenaire d’activités agréables, il devient un ami lorsqu’on y ajoute l’amour.
L’amour offre ainsi une base plus profonde, plus solide et plus significative que les sentiments pour forger nos relations avec les autres.