Céline Dion : la déchéance d’une idole

Fin juin, la plateforme Amazon Prime Video a fait mouche en diffusant le documentaire Je suis : Céline Dion. Le film, réalisé par Irene Taylor, rappelle à grands traits le parcours de la célèbre chanteuse tout en nous plongeant intimement au cœur de son combat contre le syndrome de la personne raide.

Céline Dion

Pour un film d’été, ce n’est pas ce qu’il y a de plus léger. Je l’ai trouvé extrêmement triste, comme tout le monde. Mais au-delà de la condition physique de Céline (qui est vraiment navrante, disons-le), c’est la pauvreté sociale et morale dans laquelle elle semble se trouver qui m’a peiné.

On a surtout vu ou entendu parler des images bouleversantes de la crise liée au syndrome dont elle est affligée. Cette « scène », elle aurait demandé à la réalisatrice de ne pas la couper, affirmant du même souffle que ce film l’aiderait…

J’ai plutôt trouvé qu’il ne la montrait pas du tout à son avantage, et je ne parle pas ici du fait qu’elle ait choisi d’apparaitre sans maquillage. Se montrer vulnérable est une bonne chose, il n’y a pas à dire. Mais ce n’est pas tant la vulnérabilité d’une femme que j’ai vue dans ce documentaire que le vide d’une existence. Céline apparait seule dans son manoir de Las Vegas et s’accroche désespérément à ce qui donnait sens à sa vie, la source de sa joie à laquelle elle ne peut plus s’abreuver, à savoir le chant, le public, le spectacle.

Je ne fais que reprendre ses mots.

The power of love (not)

Son mari est décédé, ses parents qu’elle aimait tant aussi. Est-elle proche de sa fratrie ? On ne sait pas trop. Et ses enfants ? Les jumeaux résident avec elle, mais semblent affairés du matin au soir à manger et à jouer sur leurs consoles vidéos. René-Charles est, à mon souvenir, pratiquement absent du portrait. Les seules personnes qui sont à ses côtés pour la réconforter lors de sa crise, ce sont les gens qu’elle paie… Et une équipe qui fait tourner la caméra avec son consentement.

Elle parle rarement de son mariage, de sa famille ou de ses enfants comme d’une source de bonheur ou une raison de vivre. C’est à croire qu’il s’agissait d’à-côtés pour elle, des accessoires nécessaires à l’apparence d’une vie normale.

Mais il n’y a rien de normal dans la vie de Céline Dion. Dès ses premières années, tout a été orienté vers la performance musicale. Sa relation avec celui qui est devenu son mari est née par et pour l’industrie musicale. Elle s’est poussée au-delà du raisonnable à l’aide de médicaments divers parce que le show must go on. Et voilà qu’aujourd’hui, elle se retrouve à peine capable de chanter.

Dieu donne assurément des talents pour le bien des autres, mais jusqu’à quel prix doit-on en user ? S’épancher dans la création au détriment du Créateur, c’est le sort du cœur humain depuis toujours. Ici, c’est l’idole Céline qui voue un culte à l’idole Voix. Peut-être commence-t-elle à réaliser qu’elle ne peut lui donner la vie.

« Leurs idoles, ouvrages de mains humaines.
Elles ont une bouche et ne parlent pas […] pas un son ne sort de leur gosier!
Qu’ils deviennent comme elles, tous ceux qui mettent leur foi en elles. »
– Psaume 113B

I’m alive (really?)

J’en reviens à l’espoir qu’elle met dans ce film : on peut se demander quel objectif elle poursuit exactement. Faire connaitre sa maladie et susciter la compassion ? Décharger sa conscience ou peut-être obtenir le pardon de ses fans les plus zélés ?

Parce qu’en fait, le documentaire nous apprend que la grande cantatrice de la pop annule ses spectacles ou en réduit la durée depuis des années sans divulguer les véritables motifs. Elle parle même du plus grand mensonge de toute sa vie. On ne peut quand même pas lui reprocher de vouloir se libérer !

N’empêche que c’est troublant de la part d’une célébrité que tout le monde trouve si authentique. Consensus que je ne partage pas du tout, par ailleurs. J’ai tellement toujours trouvé qu’elle sonnait faux. Est-ce surprenant pour quelqu’un qui, depuis sa jeunesse, vit pour plaire au public et être devant une caméra ?

Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas en train de dire que Céline Dion est une personne odieuse ou machiavélique, qu’elle joue une game pour vendre des albums. C’est une grande chanteuse, qui a résolument des qualités personnelles, mais le film ne peut pas la rendre plus authentique que ce qu’elle est (ou pas), et ce, malgré une crise après laquelle elle se perd dans une séance complètement malaisante de semi-lipsync.

***

Céline Dion, malgré sa vie totalement inaccessible pour le commun des mortels, s’est construit un destin en tout point semblable à celui du peuple québécois duquel elle est issue : une réussite matérielle et professionnelle qui s’étiole à l’aube de la vieillesse et qui n’a pas ou plus les ancrages humains (et/ou divins) nécessaires pour ne pas sombrer.

Plutôt que d’attendre l’aide de ce film ou des spécialistes pour reprendre le cours de sa carrière, j’aimerais lui souhaiter la grâce de tirer parti de cette épreuve, de saisir l’occasion de choisir une autre voie et d’orienter enfin sa vie vers ce qui peut vraiment lui donner un sens.

James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.