C’est devant un comité plutôt restreint que le pape François a posé son pied, ou plutôt sa chaise roulante, sur le sol canadien ce dimanche 24 juillet. Le Verbe était là. Au milieu du cliquetis incessant des caméras, des murmures de quelques journalistes en direct et des tambours, le Saint-Père a été accueilli.
Après des minutes d’attente et de fébrilité dans l’air, on n’entend plus une mouche voler. C’était pourtant la fourmilière à peine quelques instants plus tôt. Un vrai théâtre aux séquences soigneusement organisées. Arrive soudain le pape François que des ronronnements d’avion ont annoncé. Il entre en fauteuil roulant. Rien de bien triomphant ici. Mais une humilité profonde qui émane de cet homme.
Alors que les cliquetis de caméras s’abattent sur lui comme une pluie diluvienne, résonne soudain un chant, presque un cri dans le hall de l’aéroport d’Edmonton. Un cercle de tambours de cinq personnes appartenant à la Nation sioux nakota d’Alexis accueille le pape par un « chant d’honneur ».
Ce moment, quoique simple, est le cœur de cette cérémonie d’accueil. Le Saint-Père a manifesté une très grande discrétion. Son attention, il la porte entièrement à ceux qui sont au cœur de sa démarche : les peuples autochtones.
Sans clairon ni trompette
L’arrivée se voulait sobre et elle l’a été. Alors qu’il arrive un dimanche, il n’est pas anodin que le pape François ne célèbre pas de messe. Il vient en pèlerinage « pénitentiel » et cela s’est senti dès les premiers instants.
C’est un François au visage plutôt sérieux qui s’est laissé transporter jusqu’au lieu d’accueil. Pas de grands discours. Les premiers mots, il les réserve pour sa rencontre avec les peuples autochtones à l’ancien pensionnat Ermineskin à Maskwacis (Alberta) prévue au lendemain de son arrivée. Ses premiers sourires ont été quant à eux offerts aux quelques chefs et grands chefs autochtones venus l’accueillir et lui offrir des présents, ainsi qu’à leur épouse. Il a remis à chacun d’entre eux un chapelet en guise de remerciement.
Une bonne centaine de personnes sont sorties de l’avion avant que le Saint-Père ne vienne s’assoir aux côtés du premier ministre du Canada et de la Gouverneure générale. C’est le nonce apostolique au Canada, Mgr Ivan Jurkovič, qui, avec certes un peu de vent dans le collaro, est allé accueillir tout l’équipage du A330 d’ITA Airways, d’ailleurs parfaitement à l’heure (probablement le seul avion à l’heure en cette période épique pour le monde aéroportuaire). On espère que le pape François aura bien retrouvé ses valises !
Le comité d’organisation a quant à lui du pain sur la planche après une organisation en moins de deux mois, alors qu’une visite papale se prépare habituellement en 18 à 24 mois !
Rappelons qu’il s’agit de la quatrième visite papale au Canada. Fait cocasse, le saint pape Jean-Paul II a posé le pied au Canada il y a 20 ans jour pour jour, lors des JMJ de Toronto en 2002.
Des plumes et des cravates
Le paysage est bigarré. Un évènement comme celui-ci rassemble des gens d’horizons bien variés. Entre les journalistes bien sapés du Vatican, débarqués frais comme des roses de l’avion (comment font-ils!?), les multiples médias canadiens ou nord-américains, les soldats du 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada, les premiers ministres par-ci par-là et autres personnes de renommées nationales, le cortège papal, les personnes autochtones et leurs chefs tout parés de plumes traditionnelles, il faut bien admettre que rien ne laisse présager une quelconque unité.
Et pourtant, tout ce beau monde est rassemblé autour de « l’homme en blanc » qui, à son tour, entoure le peuple autochtone de son regard. Et l’on y sent une repentie profondément touchante. «Vatican can’t hide the genocide», pouvait-on lire sur une pancarte dans les mains d’une femme le long de la rue, alors que l’autobus des journalistes retournait au centre des médias.
Elle a certainement raison. Et ça, le pape le sait. Alors il avance dans cette démarche profonde et il met ses pieds dans « leurs plaies », sa main dans « Son Côté ».