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Défis écologiques et ecclésiaux au cœur de la jungle

Un texte de Jason Noble

Le 15 octobre 2017, le pape François a lancé le chantier d’un synode sur l’Amazonie qui se tiendra du 6 au 27 octobre 2019. L’évènement inédit se déroulera autour du thème «Amazonie: nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale».

Pourquoi l’Église se préoccupe-t-elle de la zone panamazonie? Déjà, le document préparatoire1 fournit un premier élément de réponse: «En Amazonie, la notion d’écologie intégrale est une clef pour répondre au défi consistant à protéger l’immense richesse de sa biodiversité environnementale et culturelle. Du point de vue environnemental, l’Amazonie est non seulement “source de vie au cœur de l’Église” (REPAM), mais aussi un poumon de la planète et un des sites de majeure biodiversité du monde (cf. LS 38).»

Cette partie de la planète est riche dans tous les sens. Nous constatons l’importance de cette région pour la survie de notre Maison commune. «Dans la forêt amazonienne, d’une importance vitale pour la planète, une crise profonde a été déclenchée par une intervention humaine prolongée où prédomine une “culture du déchet” (LS 16) et une mentalité d’extraction. L’Amazonie est une région possédant une riche biodiversité; elle est multiethnique, multiculturelle et multireligieuse, un miroir de toute l’humanité qui, pour défendre la vie, exige des changements structurels et personnels de tous les êtres humains, des États et de l’Église.»

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Ce texte est tiré du numéro sur la Création de l’édition papier de la revue Le Verbe, été 2019. Pour consulter la version numérique, cliquez ici. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.

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Bien que ce synode soit orienté sur une partie du globe, cette dernière est d’une importance capitale pour l’ensemble de l’humanité. Il ne concerne pas seulement l’environnement, mais également toutes les facettes de notre vie: culturelle, religieuse, ethnique, biodiversité, etc.

Un territoire convoité

De nombreux peuples habitent le territoire amazonien – spécialement des autochtones et des descendants d’esclaves africains. Il n’est pas rare que ces populations soient réduites à l’état de main-d’œuvre aisément exploitable par les industries installées aux abords du fleuve Amazonas, par exemple.

Lors de son pontificat, Jean-Paul II avait affirmé que cette situation intenable constitue un «holocauste méconnu», un néocolonialisme qui persiste, même 200 ans après les indépendances nationales des pays concernés.

«L’orientation du pape François est claire: “Je crois que le problème principal réside dans la façon de concilier le droit au développement, qui inclut le droit de type social et culturel, avec la protection des caractéristiques propres aux autochtones et à leurs territoires. […] En ce sens, le droit au consentement préalable et informé doit toujours prévaloir” (Fr. FPI).»

Le synode lance une sérieuse invitation à l’Église et au monde: amorcer une véritable conversion pastorale et écologique.

En ce sens, le prochain synode lance une sérieuse invitation à l’Église et au monde: amorcer une véritable conversion pastorale et écologique. D’ailleurs, pour les évêques d’Amérique latine, l’évangélisation doit se faire en protégeant autant les cultures que l’écologie. «En conséquence, le processus d’évangélisation de l’Église en Amazonie ne peut se désintéresser de ce qui peut encourager la sauvegarde du territoire (nature) et de ses peuples (cultures).»

Évangélisation et promotion de la vie

Pour la conférence épiscopale latino-américaine, la nature est un héritage que nous devons préserver. Une alliance de la nature avec les cultures s’avère indispensable. Ne pas œuvrer en ce sens constitue même une offense au créateur. «Ne pas veiller à la sauvegarde de la Maison commune “est une offense au Créateur, un attentat contre la biodiversité et, en définitive, contre la vie” (DAp 125).»

L’évangélisation et la promotion de la vie humaine vont de pair.

Le soutien à nos sœurs et à nos frères qui vivent des situations difficiles doit se manifester, bien entendu, de façon charitable, mais encore en promouvant la justice et en partageant la douleur des peuples opprimés.

Pour ce faire, le document préparatoire du synode pour l’Amazonie appelle à la conversion autant individuelle que spirituelle ou sociale, par le changement des habitudes et des modes de vie. Aussi, le pape nous invite à bâtir une Église au «visage amazonien». Cette préoccupation au sujet de la zone panamazonie s’inscrit parfaitement dans le programme du pontificat de François: pour une Église en sortie.

Il n’y a pas deux crises distinctes – l’une environnementale et l’autre sociale –, mais bien une seule.

Consciente que cette région a été le théâtre de ravages écologiques culturels sur les terres ancestrales des peuples autochtones, l’Église souhaite aussi que s’ouvrent de nouvelles pistes de réconciliation et de justice «[…] pour faire s’épanouir le visage amazonien de l’Église et pour faire face aux situations d’injustice de la région, comme le néocolonialisme des industries d’extraction, les projets infrastructurels qui nuisent à sa biodiversité et l’imposition de modèles culturels et économique étrangers à la vie des gens».

À ce sujet, le Canada peut avoir un rôle déterminant à jouer. De nombreuses entreprises de l’industrie minière ayant leurs titres boursiers à Toronto, les ficelles de l’exploitation sont parfois tirées à partir d’un siège social près de chez nous. D’importants progrès quant à la responsabilité sociale et environnementale de ces compagnies restent à faire.

Pour le pape François, il n’y a pas deux crises distinctes – l’une environnementale et l’autre sociale –, mais bien une seule. Les deux vont de pair. Et les changements à apporter, les conversions à réaliser sont environnementaux, sociaux et surtout spirituels.

D’ailleurs, ce Synode sera aussi une formidable occasion d’inculturation de l’Évangile dans le contexte amazonien, en respectant les cultures autochtones. Ainsi, l’Église universelle pourra se réjouir de la contribution des Églises particulières de cette région si vitale à la sauvegarde de la Maison commune.



L’auteur, Jason Noble, détient une maitrise en théologie sociale de l’Université de Sherbrooke. De 2000 à 2009, il a été conseiller municipal à Windsor (Estrie). Impliqué en politique active et candidat fédéral en 2004, il travaille aujourd’hui en pastorale dans le diocèse de Québec.

 

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