Vierge Marie naitre

Vierge Marie : naitre ou ne pas être

Il convenait que l’enfantement d’une vierge fût préparé par un miracle qui y eut quelque ressemblance : il faut que dans cette conception la nature ne devance pas la grâce, qu’elle ne produise pas son fruit avant que la grâce ne donne le sien. 
Dans cette naissance nous voyons fleurir le désert.

Jean Damascène, Homélie I

Même si l’année liturgique recommence officiellement par l’arrivée de l’Avent, la fête d’aujourd’hui est l’origine de toutes les autres sur le plan chronologique de l’histoire du Salut. La célébration de la Nativité de la Vierge s’enracine dans une antique tradition des premiers temps de l’Église. Bien qu’elle ne prenne pas sa source dans les Écritures canoniques, mais plutôt dans le Protoévangile de Jacques, cette fête inaugure l’avènement du Verbe de Dieu au sein de l’humanité.

Les réactions sont souvent mitigées face à l’annonce d’une naissance : joie, angoisse, désir, peur, dégout, impuissance et espoir. 

Si pour l’homme et la femme le don de la vie dépasse infiniment en valeur et en responsabilité le simple instinct de conservation purement animal, c’est parce qu’au-delà de la continuité de l’espèce, face à la corruption, se trouve un principe inaliénable que l’on nomme l’amour. Ce principe des relations intersexuelles et intimes est en fait le principe à l’aune duquel toutes nos relations, autant avec nos semblables qu’avec les choses et les idées, sont appelées à trouver leur fondement.

Notre vie calibrée

On dit d’ailleurs qu’une naissance est prévue, ou attendue, ou inopportune, dépendamment que le moment semble favorable ou non à notre projet de vie, à notre condition économique et socioculturelle. Ces préoccupations nous en disent long sur notre mode de vie. 

Pour nous, humains outre-modernes, la vie est quelque chose de calibré, de réglé au quart de tour. Et bien que nous l’ayons reçue gratuitement, nous la tenons immanquablement pour acquise, comme notre propriété propre. On a bien du mal à se laisser surprendre par ces aléas qui remplissent notre existence.

Anne et Joachim étaient avancés en âge. Comme tous bons Israélites, ils avaient attendu une progéniture comme marque de la bénédiction de Dieu. À l’instar d’Abraham et de Sarah, leurs vieux jours étaient amers et tristes ; jamais les rires d’un enfant n’avaient égayé leur vie. 

Ils ont accepté de ne pas être les dieux de leur propre vie, d’entrer dans les plans d’un Autre et de se laisser surprendre.

Accueillir le plan de Dieu

Tout pieux qu’ils étaient, ils s’en remettaient à Dieu ; leurs prières montaient sans cesse vers Lui pour qu’Il les bénisse et leur fasse comprendre le rôle qu’ils auraient à jouer dans l’histoire du Salut. 

Et selon son bon dessein, Dieu un jour les a exaucés et, même, a excédé leurs souhaits. Il a placé dans le sein stérile d’Anne une âme immaculée que Dieu s’était façonnée comme la shékhina de sa prochaine venue.

Ils ont laissé la Vie venir à eux. Ils ont accepté de ne pas être les dieux de leur propre vie, d’entrer dans les plans d’un Autre et de se laisser surprendre. 

Dans sa Vie de Jésus, Pierre de Bérulle immortalise la naissance de Marie en des termes si justes, que je ne pouvais me passer de vous les laisser à méditer :

« Elle nait à petit bruit, sans que le monde en parle et sans qu’Israël même y pense, bien qu’elle soit la fleur d’Israël et la plus éminente de la terre ; mais, si la terre n’y pense pas, le ciel la regarde et la vénère comme celle que Dieu a fait naitre pour un si grand sujet. »


Emmanuel Bélanger

Après avoir commencé son cursus théologique et philosophique au Liban, Emmanuel Bélanger a complété son baccalauréat en philosophie à l'université pontificale Angelicum. Sa formation se ponctue de diverses expériences missionnaires au Caire, à Alexandrie, au Costa-Rica et à Chypre.