Jusqu’au Vendredi saint, Isabelle faisait sa job d’infirmière auxiliaire au CHU de Québec comme toutes les autres.
Elle avait pourtant réussi à s’adapter aux mille changements ; chaque matin, un nouveau département, de nouvelles personnes, d’autres pratiques. Ambiance lourde infinie.
« Au début de la crise, j’étais en colère. Je trouvais injuste d’être obligée de travailler, alors que d’autres étaient payés à rester chez eux ! Je voyais tout négatif et je me battais intérieurement pour sortir de cet état d’esprit. »
Puis, un jour, Isabelle a soudainement compris que tout n’était pas si noir. « Je me suis dit : “Voyons ! Je ne suis pas seule ! Jésus est avec moi ! Avec nous !” Je me suis mise à répéter sans cesse “Jésus ! Ça va bien aller !” Tranquillement, mon cœur s’est adouci. La colère est partie et j’ai pu travailler dans la paix. »
Nouvelle épreuve
Et puis, comme souvent lorsque tout semble aller bien dans nos vies, une épreuve a surgi, au cœur de ce qui compte vraiment : la famille. Tout ça, au matin du Vendredi saint.
Soigner les autres, ça va. Que les autres soient malades, on est là au front pour eux — ça va ! Quand ce sont les tiens…
« Normand, mon beau-père, est entré à l’hôpital en ambulance. Il respirait difficilement. C’était la COVID-19. Le soir, on lui a parlé et il avait l’air bien. On s’est dit qu’il sortirait bientôt. Mon conjoint, Patrice, était effondré. Pour lui, ses parents, c’est toute sa vie. Pour ses parents, c’est pareil. Moi, j’ai fini ma journée péniblement. Je réalisais que ce n’était plus un étranger qui risquait de mourir ; c’était ma famille ! »
Soigner les autres, ça va. Que les autres soient malades, on est là au front pour eux — ça va ! Quand ce sont les tiens…
Samedi saint, le téléphone sonne à 6 h 58. C’est Pauline : « Normand m’a appelé cette nuit pour me dire qu’il entrait aux soins intensifs ! “On va se reparler dans 14 jours” qu’il m’a dit ! »
Isabelle savait ce que cela signifiait : Normand allait être sous respirateur, intubé, mis sous forte sédation, jusqu’au coma. Elle était dans tous ses états. Presque en panique.
« J’ai dû appeler à l’hôpital pour dire que je ne pouvais pas rentrer dans cet état-là. En même temps, intérieurement, j’étais déchirée. Est-ce que je devais continuer à soigner des inconnus, ou rester ici pour prendre soin de ma famille ? Je ne me voyais pas devant mes malades, stressée, impatiente et toujours sur le bord des larmes. »
Chacun son tour d’avoir besoin de soins
Dès que Normand pourra respirer seul, Isabelle retournera travailler. Et s’il n’y arrive pas ? « Ils vont le replonger dans le coma sous respirateur. Et après, il devra réapprendre à marcher. Mais il est très croyant. Il va s’appuyer sur Dieu. Nous, on prend soin de Pauline, de nous… et on prie ! »
C’est elle maintenant qui appelle à l’hôpital pour prendre des nouvelles d’un malade. « C’est le monde à l’envers ! Il y a deux ans, je n’aurais jamais été capable de vivre tout ça avec tant de foi et d’espérance. C’est l’Esprit saint qui me donne la force de sourire, alors que ce n’est pas drôle du tout. »
Ce n’est pas le premier revirement dans la vie d’Isabelle. En 2018, elle guérissait d’une dépression. C’est au plus creux de cet abime qu’elle a rencontré le Christ. Deux longues années à pleurer, et lui, il lui a dit : « Tu peux maintenant sourire ; tu es guérie. » Et c’était vrai. Et depuis ce jour, elle sourit.
À chacun son tour d’avoir besoin de soins.