Après des jours à tout changer dans l’école, Elisabeth était enfin prête, et sa classe de maternelle aussi. Le lendemain midi, le gouvernement annonçait que la rentrée était reportée à septembre.
« J’ai accueilli la nouvelle avec un grand soulagement même si j’avais l’impression qu’on avait fait tout ça pour rien ! »
S’inquiéter pour les autres
Elisabeth était inquiète plus pour son prochain que pour elle-même. « Je ne suis pas à risque. Je suis jeune et je suis toujours entourée d’enfants enrhumés, avec des débuts de grippes ou de gastro, des bronchites ou des streptocoques ! À la fin d’une journée, mes vêtements ont servi de mouchoir pour tous ces petits nez venus me faire des câlins ! Je n’ai jamais rien attrapé ! »
« Ce n’est pas pour moi que je suis inquiète, c’est pour mes parents. C’est moi qui fais leur épicerie. Aussi, j’étais très préoccupée par rapport à l’affectivité de mes élèves avec les conditions de distanciation physique de deux mètres en tout temps. Pour des enfants de cinq ans, c’est insensé ! »
Au début de la crise, la direction lui interdisait l’accès de l’école. « Je ne pouvais même pas récupérer mes lunettes ! J’étais comme une pestiférée, et là on me disait que j’allais devoir aller enseigner ? Ça n’avait pas de sens ! Quand j’ai appris la nouvelle, je me rappelle être sortie marcher pour aller me calmer et prier. C’est une grâce que j’aie la foi ! Le seul roc sur lequel je pouvais m’appuyer, c’était le Seigneur ! »
Travailler en coulisse
Pierre-Luc est préposé à la remise en service des ambulances. Il remet l’équipement à jour, inspecte tout, du défibrillateur cardiaque à la trousse de premiers soins. Il nettoie l’ambulance de fond en comble, intérieur et extérieur.
« Je suis en deuxième ligne. Je travaille en coulisse. Pandémie, pas pandémie, je suis toujours à risque d’être contaminé. Moins de 3 % des employés ont contracté la COVID-19 ; tous se sont rétablis. Il m’est arrivé de désinfecter des ambulances contaminées aux punaises de lit et à la rougeole, alors je relativise les choses selon mes expériences antérieures. »
La seule peur qu’il a eue, c’est de manquer d’équipement. Ce qu’il trouve le plus difficile, c’est le confinement. « Pour me désennuyer, je fais du temps supplémentaire. Je pense que ma femme se demande si elle a un mari ces temps-ci ! Spirituellement, j’avoue ne pas être assidu à la prière… c’est un défi pour moi, mais les petits temps durant lesquels nous avons prié et suivi la messe en couple nous ont apporté de la paix. »
Vivre avec sa solitude
« Il a carrément déserté la maison ! lance Elisabeth. On a dû aller au chalet de mes parents, dans la nature, pour se retrouver comme couple. Je suis habituée qu’on ne vive pas sur le même horaire. J’ai réalisé que ce n’était pas de ne pas le voir qui était difficile, c’était d’apprendre à vivre avec ma propre solitude. Il ne peut pas combler le vide qui m’habite ! Je suis habituée à avoir 19 enfants autour de moi. C’est un deuil. »
« Ça m’a poussé à me replonger dans les Exercices spirituels de saint Ignace que j’avais faits il y a quelques années. J’ai reconnecté avec le silence rempli de Dieu. J’ai vécu ça comme une retraite. Je suis arrivée à être bien avec ma solitude. Enfin… j’étais bien jusqu’à ce qu’on me dise que je devais retourner enseigner ! »
Le calme est donc revenu. Du moins, jusqu’à septembre prochain. Et rendu là, Elisabeth ? « On verra ! Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu ! »