Wafa Younan, sur le dos de sa mère Nadja. (Photo: courtoisie de la famille Younan)
Wafa Younan, sur le dos de sa mère Nadja. (Photo: courtoisie de la famille Younan)

Parcours d’une jeune réfugiée 

Un texte de Jean Fortin

En 2012, Wafa Younan, 13 ans, vit dans une belle maison en Syrie avec sa mère Nadja, directrice d’école, et son père Bahnan, commerçant et diplômé universitaire en gestion.  La famille Younan est bien enracinée dans la terre de ses ancêtres syriens et un avenir prometteur s’offre à Wafa qui collectionne les médailles grâce à ses performances académiques.

Consciente de la présence des islamistes dans la région voisine, la famille syrienne accueille des amis et leur offre hospitalité et sécurité. Quelques jours plus tard, c’était leur tour de fuir. Les idéologies meurtrières n’ont pas de frontières et, hélas, il ne laisse jamais à l’entendement le soin de se préparer à l’incompréhensible: la violence.

Wafa Younan (courtoisie: famille Younan).
Wafa Younan (courtoisie: famille Younan).

Ils ont donc dû quitter précipitamment leur maison et tout laisser derrière eux. Dans la violence de la guerre, le temps s’efface et il ne laisse pas le soin des préparatifs. Il s’installe sournoisement et c’est dans le tintement absurde des bombes et de la mort qu’il place les gens dans la plus grande des errances.

La famille de Wafa, sans avoir le temps de comprendre exactement ce qui leur arrivait, a dû fuir pour sa survie. Viendra ensuite la reconstruction, là où, très loin, dans un pays où jamais ils n’auraient cru venir, ils devront reprendre le cours de leur vie.

L’adolescente entrera au Cégep l’an prochain. Elle aimerait devenir médecin et vivre à Québec, pour redonner à la population ce qu’elle lui a permis : une seconde chance. Voici un poème écrit de sa main.

*

Prends mon cœur, tu le mérites bien plus que moi,

Et crie face au temps : « Je suis Damas! »

Je suis une lune voyageant à travers les nuages,

Je suis des cordes jouant une douce mélodie.

J’écris ma poésie sur le front de l’aube,

Et de mes lèvres affluent de tendres prières.

Mon jasmin se fâche contre la tristesse de mes nuits,

Et je sais ô combien il est franc et inquiet.

Je tente de rêver, de retrouver mon enfance,

Mais un étrange étranglement m’arrache du fond de mon sommeil.

Comment pourra-t-on un jour libérer nos patries,

Si les hommes demeurent esclaves de leurs caprices et de leur hargne?

Tu es bien mon frère, n’est-ce pas ?

Pourquoi donc ne ressens-tu aucune pitié à me voir souffrir ?

C’est le Levant, vêtu de son suaire, qui crie,

Ô combien de prophètes ont fini pendus !

C’est d’Alep que les Hamdanides ont régné,

C’est par Homs que passaient les chevaux des conquérants,

Et Banias, debout malgré ses blessures de guerre,

Et Al-bayda qui brandit fièrement ses drapeaux,

Et les vagues de Latakieh qui ne cessent de déferler,

Fidèlement, sans se lasser, défiant le temps malgré l’horreur.

Comme je suis nostalgique de toi, ma chère « Fayha »

Ton souvenir brule en moi à chaque instant de mon existence.

Prends mon cœur, tu le mérites bien plus que moi,

Et crie face au temps : « Je suis Damas! »

*

(en arabe)

خذي قلبي فأنت احق به ……. وقفي بوجه الزمن » أنا دمشق »

أنا قمر يسافر في عواصف …….. أنا الأوتار للحن شجيّ

حفرت على اشعة الشفق قصيدتي …… فللآياتِ من شفتيَّ دفق

يخاصم ياسميني حزن ليلي ……. فأعرف أنه قلق وصدق

أحاول أن استرد طفولتي …… فيمنعني من الأحلام خنق

وكيف نطلق سراح اوطاننا…… إذا الإنسانُ عبد لطمعه و مسترق

هذه شامنا تغطت بكفن و توجعت ……. فكم للأنبياء يكون شنقُ؟

وفي حلب بنو حمدان هبوا ….. وفي حمصٍ خيول الفداء بُلْقُ

وبانياس الجريحة ما استكانت …… وللرايات في البيضاء خفق

وموج اللاذقية في تحدِّ …….. يجدده الفداء وفيه عمق

أشتاق إليك يا فيحاء حتى ……. يحطم أضلعي ولهٌ وعِشق

خذي قلبي فأنت به أحق …….. وقولي للزمان أنا دمشق

Collaboration spéciale

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