Photo: Unsplash (pixabay - CC)
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Musique et conversion (1/2)

Premier de deux textes, notre blogueuse Stéphanie Chalut s’attarde ici à la musique, thème de l’été au Verbe. Elle nous entretient plus spécifiquement dans cette première partie, de l’une des étapes de sa (re)conversion au christianisme et à l’Église.

Juin 2010. Mon meilleur ami me convainc d’aller à la retraite annuelle de la Communauté de l’Emmanuel qui s’est installée à la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin de Sainte-Foy vers 2007. Il s’agit d’une communauté française de type charismatique, jeune et dynamique dont la majorité des membres sont des laïcs et dont le charisme passe en grande partie par la musique et les chants.

Dans la voiture louée pour monter à Québec, deux autres personnes sont avec nous. Un jeune couple de fiancés de mon ami. À la hauteur de Saint-Hyacinthe, sur l’autoroute 20, les trois se mettent en entonner avec ferveur des chants de louange qui me mettent mal à l’aise. Il est vrai que, depuis quelques années, j’ai amorcé un retour à la foi de mon enfance, mais de manière tellement progressive – avec beaucoup de doutes et de scepticisme, surtout face à l’Église – qu’entendre des paroles concernant Jésus sur des airs qui me paraissent naïfs et quétaines, me laisse vraiment perplexe.

Arrivée à Québec, j’ai la même impression que dans la voiture. Presque tout le monde a les bras dans les airs en chantant avec le band qui est là. Cela semble remplir les cœurs de joie, mais je reste dubitative. Après chaque chant, certains scandent même des phrases sur un ton affecté qui me déconcerte :

Oh, merci Jésus ! Oui Jésus je t’aime ! Amen ! Gloire à toi Seigneur Jésus ! ». D’autres encore se mettent à fredonner des mélodies en langues inconnues… Constat: ils sont « virés s’ul top! »

« De vrais barjots ! Ils vivent sur une autre planète, complètement déconnectés de la réalité! »

Étant artiste et universitaire, avec une bonne culture générale, ayant mené une vie mondaine et relativement dévoyée pendant ma vingtaine dans le «très branché» quartier du Plateau Mont-Royal, ma critique intérieure est aussi à ce moment-là de nature esthétique : « Ceci n’est pas de l’art » et « Ceci ne correspond pas à ma vision de la prière », me dis-je alors non sans dédain. Néanmoins, parce que je n’ai jamais totalement perdu le fil avec le Christ depuis mon enfance (1), je passe par-dessus ça, car je suis quand même intéressée à vivre cette retraite, moi qui ai une vie pas superfacile…

De l’importance de la louange

C’est un peu plus tard que j’apprends que la louange et les chants en langues (2) sont pourtant au cœur du Nouveau Testament, et même du judaïsme. C’est dire à quel point on est devenus vraiment ignorants de notre propre religion au Québec, étrangers à nous-mêmes…

Alléluia ! Louez Dieu dans son temple saint, louez-le au ciel de sa puissance; louez-le pour ses actions éclatantes, louez-le selon sa grandeur !

Louez-le en sonnant du cor, louez-le sur la harpe et la cithare; louez-le par les cordes et les flutes, louez-le par la danse et le tambour !

Louez-le par les cymbales sonores, louez-le par les cymbales triomphantes ! Et que tout être vivant chante louange au Seigneur ! Alléluia ! » (Psaume 150)

Et encore, saint Paul en rajoute:

Par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance.» (Colossiens, 3 – 16)

Au Québec, nous n’avons pas été habitués à vivre un catholicisme expressif, comme d’autres peuples – je pense notamment aux pays d’Afrique ou à l’héritage des Noirs dans les Antilles et aux États-Unis. Notre pratique, teintée de jansénisme, a été plus sobre – voire austère – et notre foi davantage vécue « de l’intérieur », de sorte que nous ne connaissons pas bien la louange et nous sommes mal à l’aise avec elle. Je vous mets au défi de me nommer deux ou trois paroisses où tout le monde chante en chœur sans complexes ici !

Chants qui pénètrent l’âme

Revenons à cette retraite. J’ai presque envie de quitter, et pourtant quelque chose me retient. Le soir qui suit me prouve que j’ai bien fait de rester. Pendant l’Adoration – je ne me rappelais même plus ce qu’était l’Adoration ! – des chants très doux et lents cette fois sont entamés à capella par tous, comme des berceuses. Mon cœur est alors transpercé, bouleversé par la sobriété et la beauté toute simple des paroles «Cœur de Jésus brulant d’Amour, embrase-nous par ton Esprit, que nos cœurs soient semblables au tien, que nous brulions de charité». Tandis que le prêtre passe lentement dans la salle avec le Saint Sacrement, la mélodie est répétée à plusieurs reprises. La scène est si touchante que les larmes montent sans que je puisse les arrêter… À partir de ce moment-là – de manière encore progressive, mais de plus en plus convaincue – je décide de revenir aux sacrements de l’Église.

Tout ça pour vous dire, on l’aura compris, que la musique est absolument essentielle dans l’Église : pas de musique, pas d’âme ! Si je suis revenue à la pratique religieuse, c’est en partie grâce à la musique. Bien sûr, le style de la Communauté de l’Emmanuel est particulier, il s’inscrit dans le sillage du Renouveau charismatique qui a débuté en 1967. Tout le monde n’aime pas forcément ce style et même moi, je n’accroche pas à tous leurs chants.

Il existe bien d’autres approches spirituelles dont la musique est différente et tout aussi efficace pour témoigner de sa foi et/ou prier. Vraiment, il y a en a pour tous les gouts ! Dans un prochain billet, je vous présenterai des dizaines d’artistes à découvrir.

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Notes :

(1) À l’âge d’environ six ans, lors d’une messe du dimanche dans mon village de Saint-Mathias-sur-Richelieu, je fus touchée par la lumière qui pénétrait les fenêtres et les vitraux. Cette lumière plombait superbement l’Autel. Fascinée, je fus remplie d’une joie indescriptible, je me sentais si bien… D’autres phénomènes similaires se sont produits par la suite, notamment à quatorze ans, où la beauté de la liturgie de Noël – incluant le Minuit, chrétiens et des chants anciens – m’avait complètement émue. Je ne savais pas à l’époque que c’était l’œuvre de l’Esprit Saint… Le Seigneur sait exactement comment venir toucher notre cœur, parce qu’il nous connait mieux que quiconque. Dans mon cas, il fallait que ça passe par l’art : de la lumière, des sons et des mélodies. Le bien était fait !

(2) Jésus lui-même en fait l’annonce dans l’Évangile de Marc, chapitre 16, 15-20. Également, dans le livre des Actes des Apôtres, cinquante jours après Pâques, les disciples se mettent à parler dans plusieurs langues connues et inconnues devant les foules étonnées de reconnaitre leurs idiomes maternels. L’Église appellera ce moment charnière «Pentecôte». En d’autres termes, la «descente de l’Esprit Saint» dans le but d’aller annoncer la Bonne Nouvelle de la Résurrection à toutes les nations de la terre.

Stéphanie Chalut

Stéphanie Chalut détient une maitrise en arts visuels de l'Université Laval (2012), ainsi qu'un baccalauréat à l'UQAM (1999) dans le même domaine. S'intéressant à l'image et au récit, sa pratique d’artiste depuis englobe surtout le dessin, mais depuis 2015, l'artiste a fait un retour au 7e art. Son court-métrage (2020) a été présenté en au Cinema on The Bayou Film Festival et au Winnipeg Real to Reel Film Festival​. Ses préoccupations tournent de plus en plus sur les questions spirituelles. Elle poursuit son travail tout en prêtant ses services en tant que coordonnatrice artistique et culturelle dans la fonction publique. www.stephaniechalut.com