Photo: toddpoirier (Pixabay - CC)
Photo: toddpoirier (Pixabay - CC)

Musique et conversion (2/2)

Deuxième écrit d’une série de deux textes portant sur la musique chrétienne, Stéphanie Chalut nous offre un recensement non exhaustif, mais étoffé de plusieurs styles et tendances.

On peut lire la première partie de ce texte en cliquant ici.

Tout d’abord, je vous invite à mettre de côté tous vos aprioris: on a tous une petite idée de ce qu’est la musique d’église. Ce que je propose ici, c’est de revoir un peu nos préjugés en se donnant l’opportunité de faire de belles découvertes.

Cette invitation vaut également pour certains de mes amis chrétiens (cathos et protestants) qui ne jurent que par la musique de leur confession en se montrant fermés par ce qui se fait chez leur voisin… Ou encore qui ne jurent que par la musique classique, comme si en dehors de cette famille esthétique, il n’y avait point de salut pour l’art, la louange et la prière !

En toute ouverture, allons-y pour une sélection non exhaustive d’artistes de styles musicaux variés et de confessions variées. Je ne peux pas croire que, parmi ces cas de figure, mes amis ne trouveront pas de quoi élever leur âme ou vibrer dans la joie… Voici mes choix. Prenez le temps… Et bonne écoute !

Classique (ou plutôt Baroque)

L’ouverture de La Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach (que le cinéaste Andreï Tarkovski a utilisée dans son film Le Miroir en 1975. Une TRÈS grande influence artistique pour moi!)

Le Magnificat de Jean-Sébastien Bach.

L’Oratorio de Pâques de Jean-Sébastien Bach

Le Requiem de Wolfgang Amadeus Mozart (la version de Herbert Von Karajan est parmi les plus belles).

Le Messie de Georg Friedrich Haendel.

Le Stabat Mater d’Antonio Vivaldi.

Musique contemporaine

Un grand compositeur se démarque : Arvo Pärt. Artiste estonien très croyant (chrétien orthodoxe). Trois extraits d’œuvres puissantes : Für Alina; Te Deum ; De Profundis.

Musique liturgique et sacrée

Les messes complètement chantées (et en partie à genoux) des Fraternités monastiques de Jérusalem (communauté de moines et moniales catholiques – Montréal). Disons au passage que, comme la Communauté de l’Emmanuel à Québec, les Fraternités ont réussi en quelques années grâce à leur style liturgique, à remplir de nouveau la messe du dimanche ! Ce n’est pas rien pour un secteur aussi mondain que le Plateau Mont-Royal…

Deux chants de type «berceuse» de la Communauté de l’Emmanuel (n’oubliez pas : chantés en chœur dans une église, lumière tamisée, ces chants sont très émouvants) : Seigneur Jésus tu es présent et Tu fais ta demeure en nous (ne vous arrêtez pas au montage ici. C’est l’œuvre d’un particulier et non celui de la Communauté).

L’Ensemble polyphonique contemporain Dei amoris Cantores (Français catholique): La voix polyphonique et un extrait de concert.

Les chants sacrés de sainte Hildegarde de Bingen (Allemande catholique – médiéval). Un génie que cette Hildegarde !

Le très éthéré et céleste Alleluia de Fadia El-Hage (Libanaise catholique – Maronite)

Le magnifique Agni Parthene du Chœur du Monastère de Valaam (Russe orthodoxe) et la version tout aussi belle de la chanteuse Divna Ljubojevic (Serbe orthodoxe).

Battista Acquaviva, jeune chanteuse Corse qui a superbement interprété un chant traditionnel chrétien Le Psaume de David au concours La Voix 2015 en France, renversant complètement – avec raison – le jury !

Musique populaire

Bon, apparemment, c’est ici que ça se corse pour plusieurs. Que dire de plus que cette grande famille musicale est complexe, car elle se subdivise elle-même en plusieurs sous-catégories aussi variées que les chansons à textes, le rock, le blues, le jazz, le folk, le techno, le punk, le métal, le rap, ainsi que tous leurs dérivés ou croisements.

Je suis d’avis que la musique populaire est aussi nécessaire que les autres genres. La musique pop chrétienne vient en grande partie des peuples anglo-saxons, plus enclins d’emblée à assumer publiquement leur foi. N’entend-on pas régulièrement dans la bouche même des politiciens «God Bless You!» ? C’est beaucoup plus rare dans le monde latin et pourtant, nous sommes issus culturellement et spirituellement de la même source chrétienne… Enfin.

Mes deux récentes découvertes sont féminines et leurs styles sont complètement à part dans le répertoire de la musique populaire chrétienne. La première est l’auteure-compositrice-interprète américaine Audrey Assad (catholique) : une signature évidente tout en sensibilité et en poésie ; une approche à la fois classique et contemporaine, mêlant jazz et folk. Deux morceaux choisis : Spirit Of The Living God et Blessed Are The Ones.

L’autre, Kim Walker-Smith, est rattachée au groupe de musique Jesus Culture, un band de louange pentecôtiste-évangélique californien. Sa voix grave et feutrée, rappelant un peu celle atypique de Janis Joplin, est absolument foudroyante dans la pièce Holy.

Poursuivons avec l’excellente interprétation de Amazing Grace de la Chorale Gospel de Harlem (Américains protestants) qui, soit dit en passant, a déjà chanté devant les papes Jean-Paul II et Benoît XVI !

U2

Dans la catégorie populaire, on ne peut pas passer sous silence l’apport considérable de U2 dans la formation de jeunes bands chrétiens. Dès ses débuts, à la fin des années 1970, le groupe irlandais se demande comment faire de la musique rock tout en restant catholiques… U2 n’est pas considéré de fait comme une formation de rock chrétien, mais Bono, portant souvent son chapelet au cou, n’a jamais caché sa foi.Plusieurs de ses textes font ressortir clairement son adhésion au Dieu créateur, transcendant et trinitaire en la personne de Jésus-Christ.

De mère protestante et de père catholique, Bono côtoie autant les pasteurs d’églises réformées ou évangéliques que les religieux et religieuses de l’Église catholique.

Les mots suivants, récurrents dans sa poésie, ne font aucun doute : Dieu, Yahweh – qui veut dire «Dieu» en hébreu –, Jésus, Résurrection, Paradis, Foi, Espérance, Amour, Don, Péché, Pécheur, Commandement, Renaissance, Église, Prière, Sacré, Anges, etc.

De mère protestante et de père catholique, l’artiste côtoie autant les pasteurs d’églises réformées ou évangéliques que les religieux et religieuses de l’Église catholique – il a d’ailleurs déjà rencontré le pape Jean-Paul II lui aussi. U2 est le seul groupe rock de cette stature – dont la majorité des fans ne sont pas forcément croyants – à se permettre d’évoquer la Bible aussi librement dans leurs spectacles.

Je vous propose une version en concert de Where The Streets Have No Name. Leur plus grande chanson à mon avis, parce qu’elle appelle justement au dépassement, à la transcendance, bref à l’Amour tout puissant de Dieu (1). J’ai vécu ce moment en 2001 : même spectacle, même mise en scène, même ambiance, à deux pas du chanteur dans le parterre. Magistral !

Bono sait comment galvaniser les foules et évangéliser les païens ! [entendre : les non-croyants]. Ici, la version avec un extrait du psaume 116 récité en exergue :

Que puis-je rendre à Dieu
pour tous ses bienfaits envers moi?
(bis)

J’élèverai très haut la Coupe du Salut
et je m’adresserai à Dieu lui-même,
[en guise de toast pour notre Père]

Et, devant tout son peuple,
j’accomplirai les promesses que je Lui ai faites!

[Père], Écoute mon cœur !»

Les « disciples » de U2

Dans la mouvance «U2», on retient l’excellent groupe protestant Australien Hillsong United. Trois morceaux : Relentless, Oceans (magnifique louange de type «berceuse») et I Surrender en concert. On aime aussi le style rock très affirmé de The News Boys (Américains protestants) et leur volonté d’aller à contrecourant de l’idéologie dominante, surtout dans God’s not dead.

Matt Maher, un Américain catholique, fait aussi partie des artistes professionnels chrétiens qui nous touchent. Il s’est produit lors de la très émouvante et solennelle soirée d’Adoration des journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro en 2013 (la version studio ici). On surveille également de près le groupe Irlandais Rend Collective (mixte : protestant/catholique) qui opte pour un style folk-rock typique du pays de U2 ! My lighthouse et Burn like a Star.

Vous avez dit métal ?

Changement radical de style. Pouvez-vous croire qu’il existe même de la musique chrétienne dans le métal ? Eh oui ! Il existe une panoplie de bands dans ce style. Cherchez dans YouTube et vous verrez, c’est impressionnant ! Le groupe hard-rock-métal italien catholique Metatrone (il y a même un prêtre parmi les membres!) est assez impressionnant de virtuosité, en tout cas dans le morceau In Spe Resurrectionis. Mais il y a aussi le «black metal» et le «death metal» plus hardcore dans le son. Le band américain Becoming the Archetype tente d’ailleurs de montrer ici que le métal peut aussi bien servir Dieu que n’importe quel autre genre de musique ! Sceptique ?

Laissez-moi faire un petit détour avec le récit que voici : c’est l’histoire bouleversante du guitariste Brian Welch du groupe métal Korn, qui s’est radicalement converti au Christ en 2005. Il est sorti du groupe par la suite en produisant sa propre musique, puis il y est revenu en 2013, mais en influençant favorablement les autres membres du groupe.

Korn n’est pas pour autant devenu un band chrétien, mais le groupe a apparemment effectué un certain virage, car dans cette entrevue, Welch révèle que ses comparses sont tous devenus sobres ! Voyez en outre ici, cette très touchante profession de foi

Toujours dans la série «esthétique trash», les années 1990 ont vu apparaitre le style grunge en faisant beaucoup d’adeptes chez les jeunes. Le défunt groupe chrétien protestant DC Talk a laissé sa marque avec son percutant Jesus Freak. En plus du rythme, on apprécie la phrase délicate «My best friend was born in a manger» [Mon meilleur ami est né dans une mangeoire] au sein de la composition bruyante. Notons que Michael Tait est devenu plus tard le chanteur de The News Boys (plus haut).

Populaire franco

Côté francophone, on ne peut pas ne pas parler de Glorious, groupe français catholique de Lyon qui fait dans la pop-louange et qui a récemment réinterprété de façon magnifique la prière du Notre-Père. Sur les mots «Abba-Père» (Abba = Père en hébreu), le crescendo est d’une telle puissance qu’on voit presque le Royaume des Cieux s’ouvrir devant soi ! Sinon, pour ceux qui aiment davantage le «danse-électro-pop-techno», Dis-le au Monde !, est très efficace.

Avec Hopen (le nouveau groupe catholique français que parraine Glorious), nous sommes en présence d’une musique professionnelle jeune et dynamique (parfois plus proche des ados dans le cas de Hopen). Ce sont les enfants de la génération Jean-Paul II et ils sont nombreux en France à le revendiquer.

Belle surprise aussi l’an dernier avec la découverte de ce groupe de louange français protestant Collectif Cieux Ouverts. Un ensemble qui réunit à la fois des jeunes musiciens et artistes plasticiens professionnels. Une belle mélodie que ce morceau Éveille-toi mon âme. Éliza Valbon, la chanteuse, a une voix qui porte. Sérieux et convaincant.

De son côté, la formation française protestante Leader Vocal « rentre dedans » avec une approche hip-hop/rap qui dénonce les persécutions atroces que vivent les chrétiens d’Orient, d’Afrique et d’Asie. Les deux frères frappent fort, notamment avec ce morceau Toujours Debout. Le rap est à la base une musique de rue socialement engagée. Il a sa place dans la musique populaire. On doit reconnaitre le travail essentiel que fait ce groupe, précisément sur les thèmes que les médias de masse occidentaux refusent de relayer…

Chez nous

Et au Québec ? Eh bien… À part les communautés de musique liturgique mentionnées plus haut, il existe certains petits groupes de louange/prière, je pense notamment à ce couple, Danièle Jodoin et Serge Dubuc, que j’ai rencontré l’an passé à l’abbaye cistercienne de Rougemont. Ils sont excellents et trop peu connus… Également, la Famille Marie-Jeunesse, composée de plusieurs jeunes venus de partout à travers le monde, est à surveiller, particulièrement ceux réunis autour du père Grégory Gémin. J’ai eu l’occasion de les voir en spectacle récemment : du traditionnel québécois au hip-hop, ils démontrent un potentiel évident. Ils sortent d’ailleurs un album en juillet 2015.

Mais on attend toujours que notre peuple procède à une véritable guérison/réconciliation de sa mémoire collective avant de voir émerger des groupes chrétiens qui auront une carrière professionnelle… J’ai très hâte à ce jour! En attendant, le Québec est (re)devenu une véritable terre de mission, dont les champs spirituels sont à (re)labourer, comme au temps de nos ancêtres…

Voilà. J’espère avoir contribué à une vulgarisation de ce qui se fait dans le champ de la musique chrétienne et d’avoir suscité un peu de curiosité, autant parmi mes lecteurs croyants que non croyants. Au risque de me répéter, il y a en a pour tous les gouts et du point vue de la foi, TOUS, peu importe leurs styles, contribuent à l’édification du corps du Christ pour Sa plus grande Gloire ! Amen !

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Note :

(1) Même Christopher West, dans ses conférences sur la théologie du corps, utilise cet extrait pour démontrer comment le corps et l’esprit sont naturellement attirés vers le Très-Haut !

Stéphanie Chalut

Stéphanie Chalut détient une maitrise en arts visuels de l'Université Laval (2012), ainsi qu'un baccalauréat à l'UQAM (1999) dans le même domaine. S'intéressant à l'image et au récit, sa pratique d’artiste depuis englobe surtout le dessin, mais depuis 2015, l'artiste a fait un retour au 7e art. Son court-métrage (2020) a été présenté en au Cinema on The Bayou Film Festival et au Winnipeg Real to Reel Film Festival​. Ses préoccupations tournent de plus en plus sur les questions spirituelles. Elle poursuit son travail tout en prêtant ses services en tant que coordonnatrice artistique et culturelle dans la fonction publique. www.stephaniechalut.com