Michael Lonsdale
Michael Lonsdale et Sabrina Ouazani dans Des hommes et des dieux. Crédit photo : Mars distribution.

Michael Lonsdale : libre dans le Christ

En apprenant la mort de Michael Lonsdale, une scène du très beau film Des hommes et des dieux sur les moines de Tibhirine m’est revenue à l’esprit. Dans un dialogue savoureux avec son prieur, frère Luc, magnifiquement interprété par Lonsdale, déclare qu’il n’y a pas de véritable amour de Dieu sans un consentement à la mort. Avant de quitter la pièce, il regarde son prieur avec un air moqueur et lui dit : « Laissez passer l’homme libre ».  

Il me semble que tout Lonsdale est dans cette réplique. Il était libre parce qu’il aimait, et pas n’importe quel amour.

En 2003, lors d’une rencontre à son domicile parisien avec le journaliste Luc Adrian, celui-ci lui a demandé : « Que possédez-vous de plus cher ? » Il a répondu : « L’amour du Christ. » « Quel serait votre plus grand malheur ? » Il a repris dans le même sens : « Ne plus aimer. »

La parole biblique qui l’enchantait : « Dieu est amour ». Et le passage d’Évangile qu’il préférait était le lavement des pieds : « Ce Dieu qui s’abaisse pour servir son humanité me fascine », disait-il.  

Celui qui a incarné tant de rôles au cinéma et au théâtre traduisait par son jeu subtil la complexité de la condition humaine. Son interprétation du médecin frère Luc, qui soignait gratuitement les gens depuis 50 ans, l’a marqué profondément, parce qu’il faisait de la religion un amour.

On disait cela aussi de Charles de Foucauld, assassiné le 1er décembre 1916 devant son ermitage à Tamanrasset. Une de ses dernières paroles aura été : « On n’aimera jamais assez ».

L’ami des saints

L’acteur franco-britannique était un être doux et pudique, non dénué d’humour. Homme de parole et de silence, sa prière coulait de source, laissant rayonner une présence qui l’habitait, souvent sans dire un mot. 

En 2016-2017, il a dirigé pour le Figaro, en partenariat avec les Presses de la Renaissance, la collection Les grandes figures de la spiritualité chrétienne. Chaque livre contenait un CD d’une vingtaine de minutes où le comédien lisait de sa voix chaude et paisible les écrits emblématiques de la personnalité présentée.

C’est ainsi qu’il a lu des extraits de mes deux livres qu’on m’avait demandé d’écrire pour la collection : Saint Jean de la Croix et Saint Bernard de Clairvaux

Lorsque Jean-Marie Guénois lui a demandé, dans Le Figaro du 17 septembre 2016, s’il avait fait des découvertes en préparant la collection, il a répondu :

« Dans les quarante personnages, il y a l’ami de sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix. Ah ! Quand on lit ses textes dans la continuité, c’est magnifique. C’est d’une plénitude ! » Je l’entends encore réciter ce poème du poète carme : 

O flamme d’amour, vive flamme,
Qui me blesses si tendrement
Au plus profond centre de l’âme !
Tu n’es plus amère à présent, 
Achève donc, si tu le veux ; 
Romps enfin le tissu de cet assaut si doux !

L’ami des anges

La vive flamme de l’Esprit Saint a blessé d’amour ce témoin de l’invisible. Le lien qui empêchait la douce rencontre a été rompu, le voile s’est déchiré, le rideau est tombé une dernière fois. Il s’en est allé rejoindre dans la lumière son cher frère Luc, ses amis les anges et les saints, son ange gardien qu’il affectionnait. 

En 2018, il avait partagé ses coups de cœur pour les anges dans le livre Sur les ailes de la beauté 

« Ils ne sont pas seulement des créatures ailées, des vues de l’esprit de poètes, d’artistes, de mystiques : je suis convaincu qu’ils nous entourent, nous secourent, nous soutiennent, nous inspirent, tissent des liens entre Dieu et nous ». 

Peut-être qu’il se sentait léger comme eux, reprenant ce mot de l’écrivain anglais Chesterton : « Si les anges volent, c’est parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère. »

Aventurier de l’esprit

Michael Lonsdale a été un aventurier de l’esprit qui a arpenté les vastes territoires intérieurs de l’art et de la mystique. Il s’est promené comme un gamin, en toute simplicité, entre le visible et l’invisible, la scène et la prière.

Il a cherché de nuit « un je ne sais quoi », comme disait si bien Jean de la Croix, que son cœur brulait d’obtenir. Nuit obscure de l’âme enflammée d’amour qui sortit sans être aperçue du monde, son âme étant dans la paix. 

La veille de sa mort, le cardinal Barbarin lui a donné le sacrement des malades. Le 21 septembre, en la fête de saint Matthieu, il est entré tout joyeux dans la maison du Père. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie », avait écrit la petite Thérèse, sa sainte préférée. 

Clin d’œil de sa part, ses obsèques seront célébrées le jour même de sa fête liturgique, le 1er octobre, en l’église Saint-Roch à Paris. L’évangile de sa messe, le même que celui du 2 octobre pour la fête des anges gardiens, lui convient à merveille : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18, 3)  



La version originale de cet article est parue sur le blogue de Jacques Gauthier. Cliquez ici pour la consulter.

Jacques Gauthier

Chaque mois, l’auteur prolifique (65 livres!), professeur, prédicateur et poète Jacques Gauthier tient une rubrique dans notre publication. Il nous offre une réflexion sur différents aspects de la prière, un sujet qu'il affectionne particulièrement et qu'il vit dans l'Église, le lieu où son être et ses actions s'enracinent.