Connaissez-vous Joseph Chiwatenhwa? À peu près inconnu au Québec, ce Huron-Wendat converti au catholicisme fait pourtant partie des pionniers de l’Église au Canada. Il suscitait d’ailleurs l’admiration de saint Jean de Brébeuf et de ses compagnons jésuites!
Si sainte Kateri Tekakwitha est depuis longtemps vénérée chez nous, avouons que nous connaissons aujourd’hui peu d’autres autochtones proposés comme modèles de sainteté. Mais quand on se penche, par exemple, sur les témoignages datant de la première période d’évangélisation au pays, on découvre d’édifiants modèles de foi et de courage chez nos frères et sœurs des Premières Nations. Leurs histoires méritent d’être racontées à nouveau, car les saints connus et priés peuvent accomplir de grandes choses pour nous. L’Église universelle a besoin de saints indigènes de toutes les nations, pour la paix et la communion entre les peuples!
Un élève qui « surpasse l’espérance de ses maitres »
Joseph Chiwatenhwa (mort en 1640) a vécu en Huronie, c’est-à-dire dans le sud de l’Ontario actuel, au 17e siècle. C’est l’époque du commerce des pelleteries et des missions jésuites dans ces contrées, alors que la colonie de Québec en est à ses premiers balbutiements. Neveu d’un grand chef impliqué dans la traite des fourrures, Chiwatenhwa est un homme droit menant une vie exemplaire aux yeux des Européens qu’il rencontre. Fidèle à une seule femme (alors que la fidélité conjugale n’est pas valorisée par son peuple en ces temps-là), il ne participe pas aux beuveries ni aux festins orgiaques. Quand il entend les prédications des prêtres jésuites pour la première fois, il est remué au plus profond de lui-même.
À partir de ce moment, il désire ardemment recevoir le baptême, ce qui lui sera accordé alors qu’il est au seuil de la mort, victime des épidémies qui ravagent les villages autochtones. Miraculeusement guéri, celui qui a reçu le nom de Joseph se consacre à Dieu : « Puisqu’il lui a plu me rendre la santé, je suis résolu de lui être très fidèle toute ma vie; je ferai en sorte que les autres le connaissent »*.
Et il prend sa mission à cœur, commençant par catéchiser sa propre famille. Son épouse, Aonetta, se fait également baptiser, tandis que leur mariage est célébré le même jour par le père Brébeuf. Il s’agit du premier mariage chrétien en Huronie!
Joseph devient aussi l’un des premiers prédicateurs laïcs au pays, parlant de sa foi à ses compatriotes dans les assemblées, accompagnant les pères jésuites dans leurs missions à travers le territoire, servant d’interprète et aidant même les missionnaires à développer une écriture wendate. Il aurait traduit pour eux des hymnes et des prières; il apprend lui-même à écrire! Son zèle et sa dévotion impressionnent ses maitres, qui constatent qu’« il est pour servir de modèle à tous les croyants de cette nouvelle Église ».
Habité par l’Esprit Saint
Mais ce qui émerveille le plus les témoins, c’est la vie de prière de Joseph. Il passe beaucoup de temps à prier Dieu, à genoux – position difficile à tenir pour les Hurons, selon les jésuites – et témoigne de l’amour divin qu’il ressent dans son cœur. Ses prières, « il les fait avec des sentiments qu’il n’a pu apprendre que du Saint-Esprit ».
Toutes les cultures ont accès à cet amour, puisque Dieu lui-même, qui s’est incarné en homme, est en quelque sorte l’inventeur de l’inculturation! – Saint Jean-Paul II
« Il prie Dieu tous les jours pour toute sa Nation, de si bonne grâce qu’il faudrait être de bronze pour n’en être pas ému ». Au terme d’une retraite ignacienne de huit jours, il compose une magnifique prière, fruit de sa relation profonde et personnelle avec Dieu, prière qui gagne encore aujourd’hui à être diffusée.
Dans un contexte difficile de rivalités entre nations autochtones, et alors que les coutumes et le mode de vie de ces peuples sont bouleversés par l’arrivée des Européens, la ferveur de ce néophyte dérange. Au mois d’aout 1640, Joseph est assassiné près de son potager, où il travaillait. Le meurtre est attribué à des ennemis iroquois, mais certains croient qu’il aurait pu être tué par des membres de son clan, qui voyaient d’un mauvais œil son étroite relation avec les Jésuites et les Français.
Un modèle d’inculturation
À l’époque de Joseph Chiwatenhwa, beaucoup de gens (tant des Autochtones que des Européens) pensaient que la foi et la moralité catholiques étaient incompatibles avec la culture des Premières Nations; que les vertus chrétiennes étaient inaccessibles à des peuples habitués à autre chose depuis des millénaires. Ce Huron-Wendat, « qui ne cède en rien au plus zélé catholique de la France », a prouvé le contraire à la face du monde.
Lors de son passage au Sanctuaire des Saints Martyrs canadiens en septembre 1984, saint Jean-Paul II a rendu hommage à Chiwatenhwa dans son homélie, rappelant que le témoignage de cet homme illustre les mots de saint Paul quand il nous dit que rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ. Toutes les cultures ont accès à cet amour, puisque Dieu lui-même, qui s’est incarné en homme, est en quelque sorte l’inventeur de l’inculturation (adaptation de l’annonce de l’Évangile à une culture donnée)!
À la mort de Chiwatenhwa, le père Jérôme Lalemant écrit à ses supérieurs : « Il est vrai que nous espérions beaucoup de lui pour la conversion de ces peuples, dont il s’était rendu apôtre durant le cours de cette année; mais puisque les saints ont plus de pouvoir lorsqu’ils sont dans le ciel qu’ici-bas sur terre, nous devons croire que nous avons plus gagné que perdu à sa mort. Nous verrons en son temps ce qu’elle produira ».
Joseph Chiwatenhwa, priez pour nous!
* Toutes les citations proviennent du livre Relations des Jésuites, 1637-1641 (tome 2), Éditions du Jour, 1972.