J’ai pris mon courage à deux mains. Une fois arrivée, j’étais soulagée de voir un stationnement à moitié vide. Enfin ! La folie du Costco est finie !
J’ai mis de l’essence pour pas cher, je me suis stationnée presque heureuse et je me suis dirigée vers l’entrée.
Quoi ? Une barricade ? Une file interminable ? Chacun à deux mètres de distance. Chacun, le cou rentré dans son manteau. Devant la barricade de palettes de bois, des employés aux airs de bouncer. Le long de la file, d’autres, dossard orange sur le dos, transmettent leurs directives.
Au nom de ma famille, j’y vais ! Je marche sans être capable de voir le bout de cette file. En gardant mes distances, avec un sourire forcé, je demande à un homme depuis combien de temps il attend. Il répond « dix minutes » sans sourire pantoute.
Je marche et remercie le ciel d’avoir choisi mon manteau le plus chaud. Je prie pour que ma vessie tienne le coup et m’installe en file. Un employé s’approche et dit à celui qui vient tout juste d’arriver derrière moi de se tenir à deux mètres. Vite, je regarde les pieds de celui d’en face… !
Trente minutes plus tard, on me tend un panier désinfecté. « Attendez !, me lance-t-elle, on entre au compte-goutte, madame ! Faut respecter le deux mètres ! »
– Oh… Merci… Euh… Est-ce que je peux aller aux toilettes ? »
Je le vois bien que ça dérange son « protocole d’entrée », mais bon, ça va. On accepte. Je marche vers ma délivrance.
Choc. Tellement, que je prends une photo. Un Costco désert. Plus rien ! Les tables du resto ont disparu. Le garage fermé. Aux caisses ? Presque personne.
Je marche dans un désert vide et silencieux. Pas de mère de famille avec ses enfants tannants. Pas de petits vieux qui mangent leur poutine joyeusement.
Le désert
Silence. Personne dans les toilettes. Je reviens. Je prends mon panier. Personne. Et si je croise quelqu’un, ce quelqu’un ne me regarde pas. Il regarde par terre. Tout le monde regarde par terre parce qu’on le sait bien, se regarder, c’est déjà se toucher.
Et si je croise quelqu’un, ce quelqu’un ne me regarde pas. Il regarde par terre. Tout le monde regarde par terre parce qu’on le sait bien, se regarder, c’est déjà se toucher.
Tout le monde est loin devant. Loin derrière. Surréel Costco où, de coutume, on se marche les uns sur les autres, on se contourne avec nos paniers trop lourds, on se partage nos petites impressions sur la sauce, le vin, ou le pâté au tournant d’une allée.
Il y avait du papier de toilette. Il n’y avait plus de farine, ni de sucre, ni de pâtes.
Tiens ! Voici la section des vêtements, où je prends habituellement un petit quelque chose pour améliorer ma garde-robe déjà trop pleine…
Tiens ? Voilà que le cœur n’y est pas. Un autre pantalon ? Une robe ? Des espadrilles ? Le cœur est débouté, pour ne pas dire dégouté.
Mes yeux fixent les vêtements et mon cœur, lui, est soudainement frappé par ma vanité. Une douce et ferme parole me monte à la tête :
… je vais la séduire, je vais l’entrainer jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur (Os 2,16).
Pour Dieu, tous les déserts sont bons.