Hier soir, on est sortis en douce, presque en cachette. On a fait des hotdogs aux enfants en les installant devant un film, en bas dans la salle familiale. Ils jubilaient ! Manger devant la télé ? Ça n’arrive jamais ! On a même sorti deux bouteilles de Coke pour l’occasion. La totale, quoi.
Nous deux, on est remontés en leur disant qu’on sortait. Ils n’avaient même pas l’air surpris. Ils avaient plutôt l’air de dire « Ouais, ouais… bon débarras ! »
Doucement, on a refermé la porte de l’escalier. On a ouvert la radio. Notre émission du samedi commençait. Des petits airs des années quarante qu’on aime tant.
J’ai enfilé sa petite robe noire préférée. Celle avec de la dentelle. Mes bas et même mes talons. Je me suis fait un petit chignon à l’espagnol et j’ai choisi le rouge à lèvres que je ne mets que pour nous deux.
Il a choisi le parfum que je préfère. Sur sa barbe, cette pommade à la bergamote à laquelle je ne peux résister. Son veston bleu. Ses beaux souliers.
Sortir vraiment
On s’est retrouvé au salon avec un petit verre de vin, on a trinqué à la vie. On a trinqué pour tous ceux et celles qui ne peuvent pas trinquer. Avec tout notre cœur, on les a déposés entre les mains de notre Père à tous. On est passé à la cuisine et on a ouvert notre cassoulet toulousain qu’on gardait pour une occasion spéciale. Un peu de fromage. La dernière baguette qui restait. On a béni. On a béni la vie, on a rendu grâce pour tous ceux et celles qui ne bénissent pas et qui ne rendent pas grâce.
De tout notre cœur, de toute notre âme, et de toutes nos forces, on a béni nos amis et nos ennemis, notre famille élargie et nos collègues de travail, notre communauté et notre nation, et puis quoi… le monde tout en entier !
On a mangé, on a trinqué, on a ri. On a même pleuré un peu. Pendant une heure, peut-être trois, et même quatre, on s’est dévoilé un peu plus de nos vies, un peu plus de nos blessures encore là, bien vivantes, celles qui font qu’on s’aime si mal quelques fois. On a dansé un brin entre le fromage et le dessert. Et après ? Après, on a fermé la porte de notre chambre.
Qu’elles sont belles, tes amours, ma sœur fiancée ! Qu’elles sont bonnes, tes amours : meilleures que le vin ! L’odeur de tes parfums, une exquise senteur ! Souffle sur mon jardin et ses arômes s’exhaleront ! Qu’il entre dans son jardin, mon bienaimé, qu’il en mange les fruits délicieux. (Ca 4, 10, 16)
Hier, on est sortis, pour mieux se retrouver.