Alfred Pampalon
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

Alfred Pampalon, saint patron des toxicomanes

Il existe un protecteur du ciel pour toutes les causes. Celui des alcooliques et des drogués est un jeune prêtre de Lévis : Alfred Pampalon. Déclaré vénérable par le pape Jean-Paul II en 1991, il est prié par des gens d’ici comme de France, de Belgique ou des États-Unis, et cependant, on entend peu parler de lui. Voici un morceau méconnu de notre patrimoine de sainteté.

Alfred Pampalon nait à Lévis en 1867. Son père est maçon et constructeur d’églises; sa mère, une femme pieuse, meurt à 45 ans juste après avoir donné naissance à un douzième enfant. Âgé de cinq ans à la mort de sa mère, le garçon aurait dès lors considéré la Vierge Marie comme sa maman, même s’il sera élevé par la seconde femme de son père. Plus tard, il entre au Collège de Lévis pour y faire des études commerciales. Enfant agréable et docile, il ne se distingue pas par de grandes capacités intellectuelles. En outre, il a un défaut de prononciation (zézaiement?) qui le rend parfois difficile à comprendre. Même s’il se montre vertueux et fréquente assidument les sacrements, rien ne laisse présager qu’il sera prêtre un jour.

Mais à 17 ans, le cours de sa vie change : il passe tout près de la mort en raison d’une grave pneumonie, et reçoit même l’onction des malades. Sa famille prie la bonne sainte Anne pour sa guérison. Alfred, qui avait commencé à penser au sacerdoce, promet à Dieu qu’il deviendra prêtre s’il guérit. Il se remet finalement, et dès qu’il en a la force, il entreprend un pèlerinage à pied à Sainte-Anne-de-Beaupré pour rendre grâce… et demander son admission chez les Rédemptoristes, où se trouve déjà son frère Pierre. Il est accepté malgré sa santé précaire, mais doit aller faire ses études en Belgique, puisque la communauté du Très-Saint-Rédempteur ne possède pas encore de maison de formation au Canada.

Le « bon père Alfred »

À force de travail et de prière, le jeune Pampalon achève ses études et est ordonné prêtre en octobre 1892. Il édifie ses compagnons par sa grande piété et son obéissance très stricte aux règlements de la communauté. Le « bon père Alfred », comme on le surnomme, commence son ministère en Belgique. Sa santé étant encore fragile, on l’assigne principalement au sacrement de la confession. Il fait quelques sermons dans des retraites paroissiales, mais à cause de « l’embarras de sa langue », on ne le laisse jamais prêcher longtemps, au grand regret des paroissiens. Une seule fois, on lui permet de faire une longue prédication : comme sujet, il choisit la miséricorde de la Vierge Marie. Alfred Pampalon nourrit en effet une grande dévotion à la Vierge, sa mère du Ciel, et bien que l’on mentionne partout ses facultés intellectuelles plutôt moyennes, cela ne l’a pas empêché de composer pour elle des centaines de poèmes.

Même si le jeune prêtre a été un chrétien exemplaire durant toute sa vie, c’est dans l’épreuve ultime de son agonie qu’il impressionne le plus par son héroïsme, un peu comme un athlète lors du sprint final.

La tuberculose l’affligeant toujours davantage, on le réaffecte à divers endroits, mais en 1896, l’état de ses poumons est si alarmant que les médecins prédisent sa mort à court terme. On le renvoie donc au Québec, en espérant que l’air de son pays natal le guérira miraculeusement. On l’installe à l’infirmerie des Rédemptoristes, à Beaupré.

Athlète de la foi

Même si le jeune prêtre a été un chrétien exemplaire durant toute sa vie, c’est dans l’épreuve ultime de son agonie qu’il impressionne le plus par son héroïsme, un peu comme un athlète lors du sprint final. « Les uns travaillent, les autres sont travaillés. Me voilà travaillé par la maladie », aurait-il dit. Son courage et sa parfaite résignation étonnent ceux qui le visitent. Aux difficultés respiratoires s’ajoute bientôt un œdème aigu qui fait enfler ses membres et son visage, le rendant méconnaissable. Des escarres, ou plaies de lit, lui donnent aussi d’atroces souffrances. Mais le père Alfred refuse d’alléger sa douleur avec de la morphine; il demande plutôt à Dieu la grâce de souffrir davantage! Voilà la raison principale, semble-t-il, de son patronage céleste des drogués et des alcooliques, plus que la grande charité dont il a fait preuve toute sa vie envers ceux-ci comme envers tous les pauvres et les éprouvés.

Alfred Pampalon demeure dans cet état pénible pendant des semaines, tout en gardant un esprit serein. Autre signe qu’une force surnaturelle le soutient : la nuit même de sa mort, alors qu’on ne l’entendait presque plus depuis un certain temps, il se lève et chante le Magnificat en entier, d’une voix forte. Il meurt quelques heures plus tard, le 30 septembre 1896, exactement un an avant sainte Thérèse de Lisieux, à qui il est souvent comparé. Peu de temps après son décès, on commence déjà à signaler des intercessions miraculeuses du bon père Alfred, spécialement la guérison d’alcooliques et de toxicomanes; son frère Pierre en consigne des centaines.

Un saint pour notre époque

Parmi toutes les expressions de la misère humaine, celle des consommateurs de drogues dures constitue un fléau préoccupant à l’heure actuelle, et qui croît de façon exponentielle, particulièrement depuis la pandémie de Covid. Toutes les grandes villes d’Amérique du Nord, dont Montréal, sont débordées par ce problème; des articles et des vidéos crève-cœur en témoignent dans les médias. Plus que jamais, nous avons l’occasion de prier un intercesseur du Ciel pour la guérison de ces toxicomanes.

À lire la vie de saints comme Alfred Pampalon, nous pouvons être découragés de la distance qui sépare nos habitudes de la grande vertu de ces personnes proposées comme modèles. Comment a-t-il pu endurer paisiblement de telles souffrances, et même en redemander, quand moi, je rechigne à l’idée même d’être mal à l’aise? Mais comme beaucoup d’autres saints, dont la petite Thérèse, ce jeune homme nous montre l’exemple d’une vie discrète et ordinaire, d’un caractère qui présente des faiblesses et des défauts sans cesse surmontés, et d’une foi immense en Jésus Christ et la Vierge Marie

Agathe Chiasson-Leblanc

Formée en histoire de l’art, Agathe réalise une multitude de travaux sur le patrimoine culturel du Québec. Elle trouve sa joie dans tout ce qui élève l’âme : les arts, les livres, les grandes amitiés, la connaissance de la vie des saints. Mariée, elle est mère de quatre enfants.