Photo: courtoisie Valérie Carrier
Photo: courtoisie Valérie Carrier

Actrice et croyante

Un témoignage de Valérie Carrier

«Qu’est-ce qui a bien pu mener une Jesus freak comme toi à choisir le cinéma?» m’a demandé dernièrement un ami que je n’avais pas vu depuis longtemps, intrigué. Il y a près d’un an, j’ai décidé de m’inscrire à la formation d’actrice de l’École de Cinéma et Télévision de Québec (ECTQ), un cours intensif de cinq mois. J’ai hésité parce que je craignais que cette démarche soit égoïste, visant à satisfaire un rêve de longue date, alors que je pourrais être plus utile ailleurs…

Mais après discernement, il m’apparaissait que j’avais bien ma place dans ce monde-là. D’ailleurs, n’est-ce pas un milieu où il est particulièrement important qu’il y ait des personnes de bonne volonté aux valeurs constructives et altruistes? N’est-ce pas très intéressant pour notre société que des chrétiens s’intéressent au monde du cinéma?

En tout cas, c’est l’expérience que j’en ai faite dans ma formation. Dans cette école où se côtoyaient des apprentis en réalisation, en scénarisation, en montage et en technique et où nous n’étions que trois acteurs pour la session, j’ai constaté que le témoignage de ma vision différente de la vie, comme petite vedette de l’écran, ne laissait pas indifférent.

Plusieurs m’ont approchée pour parler de foi, avec différentes visions et intentions, simplement parce qu’ils avaient constaté par Facebook ou entendu parler par d’autres que la mienne avait beaucoup d’importance dans ma vie.

Une grande sensibilité règne dans le monde artistique, et beaucoup d’idéalisme y est présent; on peut généralement le constater dès qu’un artiste québécois prend la parole dans les médias. Il est très intéressant d’apprendre à connaître cette partie de la population. Et l’Église – et les chrétiens en général – ne peuvent pas se permettre de lever le menton sur cet important milieu d’influence pour notre société qu’est le cinéma!

Ainsi, un chrétien peut tout à fait avoir sa place dans le monde cinématographique. Mais j’irai encore plus loin et affirmerai qu’une formation chrétienne peut même être utile pour mieux performer dans ce monde! Je m’émerveillais, pendant mon cours à l’ECTQ, de constater tous les liens que je pouvais faire entre ce que j’apprenais du jeu des acteurs et ma vie spirituelle.

Jeu d’acteur et vie spirituelle

Déjà, ma mémoire est habituée à l’apprentissage de textes par cœur vu toutes les prières qu’elle a enregistrées au cours des années. J’ai aussi l’habitude de m’approprier des mots qui ne viennent pas de moi à la base, comme je le fais parfois avec certains passages de la Bible, et aussi de tenter de les laisser se renouveler à chaque lecture, tout comme je dois le faire comme actrice à chaque interprétation, pour que le texte garde sa fraicheur.

Mais ce ne sont pas là les points les plus intéressants. Une des premières choses que j’ai apprises dans ma formation et qui est très utile, c’est que le jeu de l’acteur ne peut pas être qu’extérieur, en apparence, pour «paraître» ce qui est joué; il faut que les sentiments et émotions soient vécus, ressentis réellement, pour que le jeu soit «vrai». Intéressant, cet appel à la profondeur pour plus de vérité, non? Ensuite seulement, l’acteur peut s’ajuster en fonction de ce qu’il paraît. Tout comme, dans la vie réelle, il faut être d’abord vrai intérieurement avant de se soucier de l’effet que l’on fait aux autres…

Pour être acteur, il faut se connaître à fond, spécialement dans ses mécanismes émotionnels, et la relecture de son vécu quotidien devient un atout important; or, dans un monde où l’on vit beaucoup à l’extérieur de soi, c’est grâce à ma formation spirituelle en Église que j’avais une longueur d’avance en étant habituée à cette relecture!

En plus, un de mes formateurs disait même qu’il faut devenir un meilleur être humain pour devenir un meilleur acteur, entre autres à cause de l’importance de s’intéresser aux autres afin de pouvoir comprendre d’autres mécanismes intérieurs et façons de penser que les siens propres. Il faut comprendre l’être humain, le connaître, l’accepter dans ce qu’il est… Car l’humanité est nécessaire à la vérité du jeu!

Le silence a aussi clairement son importance dans le jeu. D’abord, pour la préparation: il faut prendre le temps d’approfondir son personnage, sa scène, son texte; il faut réfléchir tout cela, se l’approprier… et le méditer, même! Il faut prendre le temps de se préparer, un peu comme la foi a besoin d’être entretenue au quotidien. Puis, vient le temps de l’abandon. Pendant le jeu, il faut savoir lâcher prise, être à l’écoute, prendre le temps de vivre l’émotion.

Le travail de l’acteur, m’a-t-on dit, c’est de se préparer à vivre l’instant présent. Il faut aussi user du silence pendant le jeu, vivre la scène en laissant respirer la situation; c’est une erreur courante du débutant de précipiter son texte rapidement, peut-être à la vitesse de notre société, mais le silence est très important, il fait partie de la vie et donc, du cinéma aussi.

Tellement encore à approfondir…

Je ne peux pas tout aborder, il faudrait plutôt écrire un livre, mais il y a encore bien des aspects du travail d’acteur qui me font penser à ce que je connais de la vie spirituelle. Par exemple, un de mes formateurs, lui-même acteur d’expérience, nous parlait de faire appel à une part de soi qui «transcende», de ne pas seulement intellectualiser, mais d’user d’intuition, d’instinct artistique…

Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me rappelle beaucoup l’Esprit-Saint. Et c’est l’exercice que j’aime faire dans les différents aspects de ma vie: découvrir l’Esprit-Saint et son souffle discret mais puissant là où peu de gens reconnaissent sa présence. Comme dans le travail de l’acteur.

Pour conclure, j’aimerais partager avec vous le conseil qui m’a été donné lors d’une rencontre d’évaluation, en mi-formation: même si je comprenais bien comment tout ça fonctionnait et que mon jeu allait bien, il ne fallait pas que je choisisse la facilité de me contenter de cela, mais que je cherche à m’améliorer, encore et toujours, en ne craignant pas les efforts.

Certains bons acteurs se sont contentés de ce qu’ils avaient acquis, paraît-il, alors qu’ils auraient pu devenir encore meilleurs! Grandir et apprendre font partie des plaisirs du jeu. Eh bien, rechercher à toujours cheminer, à s’améliorer continuellement, est aussi le conseil que je vous donne pour votre vie spirituelle! Sans cesse avancer vers Dieu et en Lui…

Collaboration spéciale

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