Souffrir d’amour… pour la messe

Bon. Y’en a qui m’écrivent pour me demander ce qui se passe avec moi. Pourquoi je ne fais plus de petits vidéos humoristiques sur Facebook les vendredis ? Et pourquoi je ne publie presque plus rien ? Et pourquoi je ne fais plus de blagues ? 

Pourquoi ? Mais bonté divine, c’est parce que je souffre ! Et quand je souffre, eh bien je suis comme vous — je n’ai pas envie de rire. 

Évidemment, la joie est là, tout au fond, immuable ; cette joie du ressuscité, cette joie de me savoir sauvée, aimée, accompagnée, guidée. Cette joie d’aimer aussi. Mais ça ne change rien au fait que je souffre. 

Que voulez-vous, je n’ai jamais été une tiède. Je brûle ou je gèle. C’est selon. J’ai toujours été tout-feu-tout-flamme ou bien morte-raide-raide-morte. C’est une bonne chose quand même parce que Dieu n’aime pas trop les tièdes (Ap 3,16). Ça me console, la tête sur son épaule, de savoir que je ne lui déplais pas, mais qu’il pleure par moi, avec moi et en moi.

J’ai beau passer mes jours et mes nuits avec Jésus, reste que la messe me manque. Son Corps et Son Sang me manquent… et tout ce qui va avec : les volutes parfumées de l’encens autour de l’autel tout blanc, les hymnes et les cantiques que nous chantions, et puis les psaumes… Ahhhh mes frères ! Mes sœurs ! Célébrer par vous, avec vous et en vous ? Rien, ici-bas, ne surpasse ces instants de communion !

Consommer pour être mariés

Il y a peu, j’ai découvert une messe, le matin. J’y cours pour arriver la première comme lorsque je courais vers mon bien-aimé dans nos premiers jours d’amour… « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui… » (Can 2, 16). Avant, je courais les clubs. Je peux bien courir les messes !

Armée de ma custode, je rapporte aux autres malades d’amour le Corps de Celui qui veut être tout en tous. J’y cours pour tous ceux et toutes celles qui n’y courent pas et qui n’en souffrent pas. 

Nos maisons sont de petits sanctuaires, car on sait bien, tout compte fait, que ça va durer tout ça… On s’arrange pour tenir le coup jusqu’à la fin. Persévérer. Redressés. Tête levée. « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » (Lc 21, 19) 

Ma vie, Seigneur, c’est la tienne. Ta vie, c’est la mienne. Alors, je cours vers toi. Ne venez pas me dire que « Jésus se rencontre autrement ». Je le fais déjà. Ne venez pas me dire non plus qu’au lieu de souffrir, je devrais « m’ouvrir aux autres » et m’occuper des pauvres et des malades. Je le fais déjà. De toute façon, tout ça, ça va ensemble ! Ça passe par la messe, c’est pour la messe, et en la messe ! Comment faire l’un sans l’autre ? Est-ce qu’on est marié si on n’a pas consommé ? Sœur Emmanuelle trouvait sa force d’aimer les pauvres des bidonvilles dans l’eucharistie chaque matin ; je ne suis certes pas plus grande que sœur Emmanuelle.

Ne dites rien surtout. Si vous ne pleurez pas encore, si vous ne souffrez pas encore, je me dis que, par la grâce de Dieu, ça viendra peut-être.


Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.